
Épisode 142 – Barranca del Cobre; Sur les Traces des Tarahumaras!
7.00am – 10 Novembre 2017
C’est un changement de paysage des plus dramatique que j’ai effectué en moins de 12 heures.
Bye Bye Yucatan, tes forêts tropicales, tes ruines mayas, tes cenotes… et tes hordes de touristes…
Bonjour Chihuahua, tes paysages arides, parsemés de pins et de buissons jaunes… et ton absence de touriste.
Chihuahua! Pas le chien! La ville… dans l’état du même nom!
À moins de 250km de la frontière avec les États-Unis, la 12ème plus grande ville du pays est une ville extrêmement moderne (il y a beaucoup d’industries américaines installées dans le coin).
Le nord du Mexique n’a pas grand chose en commun avec le reste du pays en terme de paysage (aride) et de culture (pas de grande civilisation pré-colombienne).
Bienvenue au Far West Mexicain. Là où beaucoup d’hommes portent chapeau et bottes de cow-boy. Une contrée dominée par 2 couleurs; le jaune des plaines recouvertes de buissons, et le vert des collines parsemées de forêts de pins.
2h30 à peine après être atterri à Chihuahua, je sautais dans un bus.
Direction Creel; la porte d’entrée du Barranca del Cobre!
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BARRANCA DEL COBRE POUR LES NULS
Le Canyon du Cuivre… où il n’y a jamais eu de cuivre. Le nom vient d’une erreur des espagnols qui ont confondu le reflet verdoyant du lichen sur les parois du canyon… pour du cuivre.
Originalement appelé Guachochi par les 1ers habitants du coin, le Barranca del Cobre est le joyau de la Sierra Madre Occidentale. Aussi appelé la Sierra Tarahumara, le canyon est en fait une multitude de « plus petits » (mais pas petit) canyons, et fait l’objet de beaucoup de comparaison avec son voisin du nord, le Grand Canyon. Formé il y a 60 millions d’années, on raconte que le Barranca del Cobre est 4 fois plus large et 2 fois plus profond que le Grand Canyon… mais il est du mauvais coté de la frontière, d’où son anonymat relatif.
Avec des températures allant de froide à glaciale du moment où le soleil se couche, au moment où il se lève, cela change du tout au tout durant le jour, au point où vous voulez définitivement être à l’ombre en milieu de journée.
Sur les traves des Tarahumara
Dans ce canyon vivent l’un des peuples pré-colombiens les plus uniques du Mexique; les Tarahumaras.
Aussi appelés Raramuri, ils habitent le canyon depuis la nuit des temps.
Les Tarahumaras sont probablement les ancêtres des ultra-maratoniens d’aujourd’hui. Tarahumara signifie « pieds légers », ou « ceux qui courent vite », un nom qui leur va comme un gant. Ils sont reconnus pour courir de longue distance (plus de 20 heures) sans trop d’effort.
Ils utilisent leur aptitude pour chasser le cerf dans le canyon. Un peu les Mohamed Ali de la chasse, ils épuisent leur adversaire, puis l’achève facilement.
De nos jours, quoique certains vivent encore selon les coutumes ancestrales (reclus dans le canyon), vous avez plus de chances de voir un Tarahumara au volant d’une camionnette, ou avec un Tecate (bière) dans les mains… sinon les 2 en même temps, que de les voir courir pour chasser le cerf… mais bon… certains appellent cela l’Évolution.
Les femmes sont facilement reconnaissables puisqu’elles portent des belles robes aux couleurs vives.
El Chepe
Le Ferrocarril Chihuahua Pacifico, surnommé El Chepe, est une ligne de chemin de fer de 656km reliant la ville de Chihuahua, situé dans les plaines arides à plus de 2400m d’altitude, à Los Mochis, à seulement 24km de l’océan Pacifique, en passant par le Barranca del Cobre.
El Chepe est l’acronyme provenant de « Che » pour Chihuahua et « Pe » pour Pacifique.
Il fut un temps où le système ferroviaire mexicain parcourait l’ensemble du pays. C’était avant que le réseau ne soit presque entièrement détruit durant la sanglante Révolution Mexicaine (1911 à 1920). De nos jours, El Chepe est le seul train de voyageur encore en fonction au Mexique.
C’est le moyen le plus commun (et couteux) pour explorer le canyon… mais bon… vous commencez à me connaitre… je fais rarement les choses comme les autres!!!
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CREEL
Prononcé « Crill », Creel est un petit village de 5000 habitants situé sur un plateau au beau milieu d’une contrée faite de pins et de petites formations rocheuse pointant vers le ciel.
Le village est inscrit au palmarès des Pueblo Magico, soit les plus beaux villages du Mexique.
À Creel, tout tourne autour du train en ville.
À plus de 2300m d’altitude, il fait très froid le soir, si bien que toutes les maisons ont des cheminées. Il n’y a pas d’air climatisé, mais bien un chauffage dans les chambres…
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CAMINO DEL COBRE
En lisant sur le Barranca del Cobre, j’étais tombé sur un article qui traitait du Camino del Cobre (Chemin du Cuivre), un sentier long de 58km, autrefois utilisé par les Tarahumaras pour relier Creel à Divisadero.
Il ne m’en fallait pas plus pour me lancer!
Le sentier passait au travers de collines labyrinthiques recouvertes de pins. À mon plus grand plaisir, le sentier était marqué de 2 bandes horizontales; l’une verte, l’autre rouge.
11.05 – Au moment où le sentier croisait la route pour une énième fois, un bus passait. Après avoir marché plus de 25km, je sautais sur l’occasion pour couper court à ma randonnée. Pas que j’étais à bout de souffle, loin de là, plutôt parce que c’était plate rare.
Direction Divisadero!
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EL DIVISADERO – LE NID D’AIGLE
Au moment où je commençais à regretter d’être venu au Barranca del Cobre (Creel était ok… le Camino del Cobre avait été décevant), tous mes doutes s’effaçaient à la minute où j’apercevais Divisadero.
L’endroit portait TRÈS BIEN son nom. Station de train sans ville (le village de Areponamichic se trouve à 3km), on comprend vite pourquoi l’endroit est l’arrêt principal sur l’itinéraire d’El Chepe.
À partir de Divisadero, s’en est fini des collines couvertes de pins; l’horizon s’ouvre devant… et en dessous de nous. Perché directement sur la paroi du canyon, c’est l’endroit où la terre prend fin et le vide commence!
Le spectacle est grandiose. Pour avoir vu le Grand Canyon, je peux vous assurer que le Barranca del Cobre est aussi impressionnant, sinon plus.
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PARQUE DE AVENTURAS BARRANCA DEL COBRE
Il y a quelques années, le gouvernement du Mexique s’est lancé dans de grands travaux pour capitaliser sur la beauté naturelle du Canyon et développer le tourisme dans cette région reculée.
Le Parque de Aventuras Barranca del Cobre était né!
Perché tout en haut du canyon, à distance de marche de Divisadero et Arepomichic, le Parque offre plusieurs activités hautes en couleurs.
À plus de 3km à vol d’oiseau, au beau milieu du canyon, se trouve le « Nido del Aguila (le Nid d’Aigle) », un piton rocheux difficile à manquer et mythique pour les Tarahumaras.
4 choix s’offrent à vous pour gagner cette montagne;
1. Un Teleferico de plus de 3km de long, sans aucun support intermédiaire ($)
2. Une série de 7 Tyroliennes ($$)
3. Une tyrolienne de plus de 2.5km de long suivant le teleferico ($$$)
4. Marcher (Gratis) – Le Parque a développé un réseau de 4 sentiers hyper bien balisés. Le seul problème est de localiser le départ… vous vous laissez ensuite guider par le sentier.
Je vous laisse deviner mon choix…
Je me lançais à l’aventure avec le soleil à peine levé et une température sous le point de congélation.
Pour gagner le Nido, j’empruntais le sentier Ruta Panoramica. Comme son nom l’indique, le sentier de 9km offrait une vue panoramique sur l’ensemble du canyon, en suivant la crête (sommet) d’une montagne qui sinuait jusqu’au milieu du canyon.
09.00 – Arrivé au Nido de Aguila avant que le teleferico et les tyroliennes ne soient ouvertes, les locaux me regardait d’un drôle d’oeil.
Pour retourner, j’empruntais le sentier Ruta el Lomo, un peu plus court (7km), mais beaucoup plus abrupte et sans véritable zone d’ombre.
Ce sentier remontait en presque droite ligne jusqu’à la station de teleferico au sommet du canyon. Pendant 2 heures, j’avais le teleferico et la grande tyrolienne qui me passaient au-dessus de la tête.
J’avais le souffle coupé à chaque fois que je voyais quelqu’un descendre la grande tyrolienne; le même trajet que le teleferico, mais attaché par un simple cable en volant au-dessus du vide.
Quand jai dit au proprio de mon hôtel que j’avais marché jusqu’au Nido de Aguila allé/retour en solo, il m’a répondu « Que… Sin guia… Ida y vuelta… eres muy loco?!? » (Quoi… Sans guide… Allé/Retour… Tu es fou?!?) »
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URIQUE – AU PLUS PROFOND
Après avoir vu le canyon de haut, j’en était quitte pour le voir… d’en bas.
La descente fut vertigineuse. Le bus avalait les km de la route de terre serpentant sur les parois du canyon depuis Bahuichivo (@2300m), village déservi par El Chepe, situé à une cinquantaine de km de Arepomichic sur le pourtour du canyon.
Sans garde fou, avec une route à peine plus large qu’une voiture, les roues de la minivan passaient à une trentaine de centimètres du précipice très souvent. Cette route entrait automatiquement dans mon top 3 des routes les plus dangereuses que j’avais parcouru dans ma vie (avec la route pour gagner Omalo en Géorgie très loin no.1, et la route Manali/Leh en Inde pas très loin derrière en 2ème position).
Terminus Urique (@550m), ancien village de mineurs à l’écart du chemin de fer, blottis au plus profond du Barranca de Urique, le plus profond des canyons de la région, sur le bord du Rio Urique, une rivière (quasi asséché) aux eaux transparentes. En levant les yeux vert le ciel, j’apercevais plus de 1870m de paroi rocheuse…
Urique est composé essentiellement d’une rue parallèle à la rivière, une belle rue colorée et pleine d’arbres. Il n’y a qu’à lever la tête et regarder dans à peu près toutes les directions pour voir de belles formations rocheuses.
Le temps passe L E N T E M E N T à Urique, au son de la musique country mexicaine. Le sport national pratiqué par beaucoup d’hommes d’ici est de s’assoir à l’ombre, de préférence en groupe, et boire une (des) Tecate(s).
Anecdote du style « ça n’arrive qu’au Mexique »; il est 07.30 du matin, je rentre dans un magasin pour m’acheter des trucs pour dejeuner, le gars qui s’occupe du magasin m’apostrophe dès que j’entre et et me dit « Hay Tecate (je vend de la bière) ». Durant les 5 minutes où je serais dans son magasin, il me répètera « Hay Tecate » une bonne demi-douzaine de fois. Merci l’ami… mais il est fuck!ng 07.30am!
Urique est le théâtre d’un des plus vieux Ultra Marathon du monde; le Caballo Blanco (Cheval Blanc), tenu durant la 1ère semaine de mars. Cet ultra marathon en est déjà à sa 16ème édition.
Mirador del Gallego
La grande vedette de la vallée est sans aucun doute le Mirador de Gallego, surplombant tout le canyon à exactement 2000m d’altitude (donc 1500m au-dessus d’Urique). Situé sur la route entre Bahuichivo et Urique, je décidais de marcher les 14km +1500m séparant Urique du Mirador, pour camper au Mirador lors de mon dernier jour dans la vallée. Par 3 fois durant l’ascension des camions s’arrêtaient pour me proposer un lift… par 3 fois mon Égo refusait… et par 3 fois je me trouvais vraiment con.
Je parvenais au Mirador au bout de 4 éreintantes heures de marche. Sans aucun doute dans mon Top3 des plus beaux sites de camping où j’ai séjourné à ce jour…
Passer la nuit seul au monde au sommet d’un des plus grand canyon sur Terre; Check!
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Le lendemain, j’assistais à un super lever du soleil, alternais entre marcher sur la route et me faire prendre un stop jusqu’à Bahuichivo, sautais dans le train El Chepe (pour la 1ère et dernière fois – $$$), gagnais la ville de El Fuerte sur la cote pacifique, et sautais dans un bus de nuit.
Direction le centre du Mexique!
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P.S. I – Le tourisme étant relativement nouveau dans le Barranca, les voyageurs solo doivent très souvent payer le prix d’une chambre double (2 personnes) dans les hébergements.
P.S. II – Il est TRÈS facile de faire du stop dans le Barranca del Cobre.