Aller au contenu principal

Archives de

Épisode 71 – En Rout… Marche vers Compostelle – PROLOGUE

Un pèlerinage sur le Camino de Santiago est l’une des plus anciennes traditions de la religion catholique. De nos jours, le Camino a transcendé la religion pour devenir un Chemin Spirituel rejoignant des gens de toutes les religions. Vous seriez surpris du nombre de musulmans que j’ai croisé au Moyen Orient qui rêvent de marcher cette route.

Paris – 11 mai 2016

Il faisait un temps de merde et le TGV (Train Grande Vitesse) roulait à vive allure dans la plaine.

À peine sorti d’un long vol en provenance de La Réunion, que j’avais immédiatement sauté dans un train en partance pour le sud-ouest de la France.

Le train était remplis de personnes agés avec leur sac à dos, bâtons de marche et vêtements de randonnée fraichement achetés. Certains n’avaient pas encore retiré les étiquettes. Pas de doute, j’étais en direction du départ du Chemin de Compostelle.

Ma destination… mmm… j’étais encore déchiré entre 2 arrêts; Saint-Jean-Pied-de-Porc et Bayonne.

HISTOIRE DU CHEMIN DE COMPOSTELLE… POUR LES NULS

Commençons par le commencement!

Les dinosaures disparaissent de la surface de la Terre…

Adam et Ève sont chassés du Jardin d’Eden…

Noé sauve une tonne d’animaux d’un ÉNORME déluge…

Les égyptiens construisent des monuments funéraires de formes pyramidales…

Cléopatre prend des bains de lait…

Et puis L’AN 0 arrive…

L’AN 0 marque la naissance d’un bébé naissant dans un berceau, entouré d’animaux et de roi-mages. Le bébé est conçu par une vierge (sans commentaire)…

Environ 30 ans plus tard, ce bébé désormais devenu un homme propage la bonne nouvelle, transforme l’eau en vin, etc.

Il meurt… puis ressuscite… et meurt à nouveau…

Le 12 apôtres qui le suivaient propagent la bonne nouvelle au travers de romans de fiction sans queue ni tête qu’ont appèlent « Bible » et « Ancien Testament »…

Les 12 apôtres meurent à leur tour…

L’empire romain, qui avait pourtant condamné à mort Jésus et pourchassé les chrétiens pour les donner en pâture aux lions, fini par épouser la religion catholique…

La religion prospère un peu partout en Europe…

Les premiers chrétiens, accordant beaucoup d’importance à Rome, Jérusalem et tout endroits rappelant la vie d’un Saint, la mort d’un Martyr ou quelques miracles qui frappent l’imaginaire, entreprennent des pèlerinages… pouvant durer des années… de partout en Europe pour rejoindre ces lieux sacrés.

Autour du 5ème-6ème siècles, l’Empire Romain s’effondre définitivement, laissant le champ libre à l’Église pour exercer le monopole du pouvoir laissé vacant…

Au 7ème siècle, les arabes, menés par leur charismatique prophète Mahomet (Mahomet n’est pas un Dieu… c’est un prophète comme Jésus), s’emparent d’une bonne partie de la Méditerranée et de la Palestine/Jérusalem, bloquant les chemins des pèlerinages traditionnels.

Environ au même moment en Galice, dans le nord de l’Espagne, un moine du nom de Pelayo découvre l’emplacement du tombeau de Saint Jacques le majeur (l’un des 12 apôtres).

Un roi d’Oveido et sa cour font le trajet pour vérifier les dires du moine. Le roi et un évêque concluent que ce sont vraiment les restes de Saint-Jacques!!! Le roi ordonne la construire d’une cathédrale pour y accueillir le tombeau; la basilique de Saint-Jacques de Compostelle voit le jour 100ans plus tard.

Sans le savoir, le roi fut le premier à faire un pèlerinage vers Compostelle. La route qu’il emprunta se nomme aujourd’hui le Camino Primitivo (Chemin Original). J’aurais l’occasion de vous en parler davantage dans quelques jours lorsque je l’emprunterais.

Dès lors, le Pape et l’Église font la promotion de ce nouveau Lieu Saint. Dès le 7ème siècle, de nombreux pèlerins bravent vent et tempête… et brigands… et loups… et guerres… de partout en Europe pour atteindre Compostelle. Marchant sur d’anciennes voies romaines, ces premiers pèlerins tracent les chemins qui sont encore utilisés par les pèlerins aujourd’hui.

L’Espagne, étant alors presque entièrement occupé par les Maures (arabes/musulmans), les pèlerins arpentent principalement une route sur la cote, territoire encore sous le contrôle du royaume chrétien espagnol, pour rejoindre Compostelle. Le Chemin du Nord (communément appelé Camino du Nord, Camino del Norte, Ruta de la Costa) était né.

Pendant les premiers siècles du pèlerinage, le Camino du Nord représente la route principale pour accéder à Compostelle.

Autour du 12ème siècle, avec la reconquête des territoires espagnols par les catholiques, les autorités religieuses firent tout en leur pouvoir pour promouvoir une nouvelle route passant par les territoires fraichement reconquis… une route plus sûr. C’est ainsi qu’était né le Camino Francés (Ruta Interior). Encore aujourd’hui, c’est LA route principale menant vers Compostelle.

Tombé dans l’oubli jusqu’à il y a environ 2 ou 3 décennies, le Camino du Nord regagne tranquillement ses lettres de noblesse. Contrairement au Camino Francès, désormais extrêmement achalandé et relativement plat, le Camino du Nord offre un peu plus de tranquillité, des paysages côtiers sublimes et un parcours accidenté.

C’est tout pour la leçon d’histoire!!!

Pour ceux qui se le demande, j’avais toute ma tête lorsque j’ai écris le texte ci-haut.
J’ai peut-être vexé certains croyants pur et dur. Si oui, pas de dessert et de Paradis pour moi! De toute façon, l’Enfer doit surement être moins chaud que Dubai en été!!!

ET MOI DANS TOUT CELA

Pourquoi ai-je décidé de marcher le chemin de Compostelle?

Quelles sont mes motivations?

Pour des motifs religieux = pas vraiment! Je vais à l’église une fois par année; le 24 décembre au soir… pour recevoir mes cadeaux!

Ce qui m’attire sur le Camino de Santiago est l’histoire qui entoure le Chemin. J’adore l’idée de combiner la randonnée avec l’histoire, 2 de mes passions, de fouler des sentiers arpentés par des milliers de personnes avant moi.

DILEMME

J’étais donc dans le TGV à me poser la question; Saint-Jean-Pied-de-Porc ou Bayonne?!?

Je vous explique…

Séparé par une cinquantaine de kilomètres, Bayonne (sur la cote Atlantique) est le départ pour le Camino du Nord, alors que Saint-Jean-Pied-de-Porc (dans les terres) est le départ du Camino Francés.

J’avais tout d’abord opté pour le Camino Francés.

Or, en lisant sur les Chemins de Compostelle durant les dernières semaines, principalement sur le Camino Francés et le Camino du Nord, j’avais changé mon fusil d’épaule.

Le Camino Francés est très achalandé et offre des paysages beaux, mais sans plus.

Le Camino du Nord, beaucoup moins fréquenté, semble offrir de meilleurs panoramas (montagneux + le long de l’océan Atlantique).

Le hic… j’avais prévu 25 jours pour compléter un Camino Francés sensé prendre 30 jours / 800km (itinéraire fait pour des vieilles jambes).

Avec le Camino del Norte, je me retrouvais à faire en 25 jours (j’ai un vol pour la Corse de déjà booké) un trajet prenant environ 35jours / 880km!

N’empêche… Bayonne ce serait!

J’allais « vaincre » dans la souffrance ou « mourir » en essayant!

On se reparle dans 25 jours pour voir où j’en suis!

Épisode 70 – La Grande Traversée de La Réunion

Jour 1 – UN NOUVEL ESPOIR
25 avril 2016 – 06.00
Mon réveil sonne. 
Pendant une minute je ne sais pas où je suis… phénomène qui arrive souvent quand vous voyagez beaucoup et changez de place fréquemment…
Je suis dans une chambre d’hôtel?!?
Ça me revient! 
La veille en arrivant à St-Denis j’avais décidé de me gâter un me payant une belle chambre. Après 25 jours de cavale à dormir dans les endroits les moins cher, plus souvent qu’autrement dans des dortoirs, et avec 13 jours de randonnée qui m’attendaient, j’avais décidé de me payer un peu de confort; chambre à moi tout seul (oui!!!), bain, douche avec eau chaude, air climatisé, piscine, TV… Le gros luxe quoi…
Tous mes trucs étaient éparpillés sur le lit. La plupart allaient se retrouver dans mon gros sac qui resterait à l’hôtel, tandis que les éléments essentiels pour le trek prendraient la direction de mon petit sac de randonnée. 
J’avais encore en mémoire mon sac beaucoup trop lourd pour le Tour des Cirques (épisode précédent). Tout me semblait essentiel… mais je décidais de faire des économies de bouts de chandelles. Plusieurs bouts de chandelles feraient plusieurs chandelles économisées non?!? 
Trop de bandages dans mon kit médical… Out… 3 sous vêtements au lieu de 5… 1 seule paire de bas au lieu de 3… j’en entend déjà dire ouache… les bas ont 2 cotés non?!?… ça fait comme 2 paires de bas ;-)… imperméable?!? Même quand il ne pleut pas je suis détrempé de sueur… pourquoi je mettrait un imperméable quand il pleut… pour garder la sueur sur mes vêtements?!? Out… Le livre Lonely Planet La Réunion… allez hop je prenais quelques photos des pages importantes sur mon iphone… et puis Out… Mon livre « Le Pèlerinage » de Paulo Cuelho racontant son périple sur le Chemin de Compostelle… ahhh ça je le garde… au moins jusqu’à ce que je le finisse… ensuite Out. 
Au lieu d’un piano, je portais maintenant une boule de quille. Dire que j’avais marché 30 jours au Népal avec un sac léger comme une plume. Il faut croire que je vieillissais et que je devenais capricieux et/ou plus faible. 
Comme à mon habitude juste avant de commencer une aventure un peu folle, mon cerveau essayait de me faire peur en trouvant toutes les raisons inimaginables pour ne PAS entreprendre mon périple. Même après avoir fait bon nombre de trucs stupides, j’ai toujours de gros doutes avant de commencer une nouvelle aventure… c’est dans la nature humaine. J’écoutais ses craintes sans y accorder trop d’importance. 
Par un matin déjà nuageux… je me lançais. Je ne pouvais pas être plus éloigné des montagnes en partant du niveau 0 mètre d’altitude juste à coté du Barachois, l’esplanade de bord de mer de St-Denis. 

  
J’aurais très bien pu opter pour la facilité et prendre un bus pour un peu plus haut, mais dans mon livre à moi ça aurait été tricher. J’allais marcher l’ile au complet dans toute sa longueur de l’océan Indien… jusqu’à l’océan Indien. 
Je traversais St-Denis de long en large pour me rendre jusqu’au début du sentier. Vous auriez dû voir la scène… lundi matin… 1er jour de travail de la semaine… tout le monde habillé en chemise/veston/cravate… et moi habillé en randonneur puant… ça sonnait très drôle dans ma tête. Je me sentais comme dans le film « un indien dans la ville ». 
Peu importe, je continuais mon petit bonhomme de chemin sur la rue principale où se succédaient les beaux bâtiments en bois datant de l’époque coloniale. 

      
La montagne se rapprochait tranquillement mais surement… pour finalement se dresser devant moi. La récréation terminée, il fallait maintenant se mettre au travail… elle n’allait pas se monter toute seule…
Je me trouvais alors à 50m d’altitude… mon gite pour la nuit se trouvait à 1839m… ouch… Durée prévu… 7 heures…
Pour seul guide dès maintenant, et jusqu’à l’autre bout de l’ile, les petits drapeaux du GR R2 (Grande Randonnée Réunion no.2), le numéro du sentier de la Grande Traversée, composés de 2 bandes horizontales; l’une blanche et l’autre rouge. Ceux-ci se trouvaient sur les arbres, roches, etc. dans les sentiers. 
1er objectif, La Brulé, à 5.5km et 750m plus haut, petit village où j’avais repéré une épicerie et où je ferais des provisions. 
Une pluie fine m’accueillait sur le sentier pour faire sur que tout soit bien mouillé et glissant. Heureusement pour moi, le sentier avait une pente très douce… parfaite pour une journée de rodage.
Après quelques kilomètres, le bruit des voitures et de la ville avait fait place au bruit des ruisseaux et des oiseaux. 

                  
Tout au long de ce sentier, je me faisais dépasser par des petits vieux faisant leur exercice matinale. Si vous n’aviez pas encore compris, les gens sont très en forme à La Réunion et tout tourne autour de la randonnée. À ma décharge, ils n’avaient pas à porter une boule de quille. 

      
10.00 pile poil – J’arrivais à La Brulé. J’y étais accueillis par une magnifique forêt de bambou… mais malheureusement pour moi, l’épicerie identifiée sur la carte avait dû fermer boutique il y a une décennie de cela. Je trouvais une petite cabane en bois vendant quelques pacotilles… avec un attroupement d’hommes buvant de la bière… à 10h… un lundi matin… belle vie les gars. Je dis souvent « il est midi à quelque part dans le monde »… mais il y a des limites.
Il faut savoir que ce village était desservi par un bus de ville de St-Denis. Comme la plupart des gens faisant la Grande Traversée, j’aurais très bien pu éviter ce segment de sentier… mais je suis ici pour marcher… autant bien marcher toute la distance. 
Je passais mon chemin. Comme tant d’autres avant, ce petit village allait aussitôt s’effacer de ma mémoire…
De retour sur le sentier, mon nouvel objectif se nommait Camp Mamode à 6km et 600m plus haut.
Je passais dorénavant le plus clair de mon temps à alterner mon regard entre le sentier glissant et le ciel. Je m’étais pris une gigantesque toile avec une toute aussi gigantesque araignée dans la figure un peu plus tôt. N’ayant pas trop aimé l’expérience et ne désirant pas la renouveler, j’avais décidé d’être vigilant. 

Je m’amusais aussi à reprendre ma respiration, me plaindre du point de mon sac… et le plus amusant d’entre tous… mettre un pas devant l’autre. 
Pit stop au Camp Mamode (1200m d’altitude) sous les coups de 11.30. C’était la fin de la route. En d’autres mots, pour ceux qui avaient une voiture et qui était lâches, il était possible de monter jusque là et commencer à marcher par la suite…
J’allais y manger mes magnifiques sardines achetés un peu plus tôt à La Brulé… des sardines sans pain puisque le dépanneur n’en avait plus… un vrai régal… 
Ne me restait alors que 6km et 600m d’ascension. Le paysage avait alors changé du tout au tout. Je me retrouvais dans la jungle… et j’avais des points de vue sur la Cote et l’océan Indien à tout moment. En contrepartie, le sentier était dorénavant hyper glissant et boueux… 

            
Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais à un certain moment lors de cette montée et pour la première fois depuis mon départ de Dubai, j’étais devenu serein. Fini les plaintes à propos du poids de mon sac ou sur l’état de mes jambes. J’étais simplement heureux. Probablement que mon cerveau avait finalement compris que cela ne servait à rien de me lancer toutes ces remarques… j’allais continuer coute que coute.
13.50 – J’arrivais à mon refuge, le Gite de la Roche Écrite… un beau camp en bois rond (pas vraiment rond… mais vous voyez l’idée) à 1839m.

      
Le 1er jour de randonnée était dans la poche. Résultat des courses; 20km de marche, +1839m de dénivelé positif et très peu de descente. Pour la 1ère fois depuis le début de mon voyage, j’avais les jambes et la motivation pour en faire plus… mais j’allais me garder une petite gêne et profiter d’un repos bien mérité.
Il fallait célébrer… 
Garçon! Une bière bien froide SVP!

  
Le soir venu, le repas partagé avec tous les autres randonneurs dormant dans le gite sur une seule grande table fut l’un des moments forts de la journée. Avant la fin du repas, tout le monde avait raconté sa petite histoire et était devenu copain. Il faut savoir que tous les gites fonctionnent comme cela à La Réunion. Les tables individuelles ça divise, alors que les grandes tables ça uni… une idée à répéter ailleurs.

Jour 2 – EN ÉQUILIBRE
26 avril 2016 – 04.00
Le réveil sonne et je n’essai même pas de le snoozer. J’enlève ma couverture et je suis immédiatement prêt à partir en ayant dormi avec tous mes vêtements sur le dos. 
Direction le sommet de la Roche Écrite, 4km et 400m plus haut, pour y admirer le lever du soleil.
Trop confiant après mon ascension de Piton des Neiges de nuit en solo il y a quelques jours (épisode précédent)? Je ne sais pas mais l’ascension de ce matin/nuit était tout sauf amusante. Il n’y avait personne d’autre que moi dans le sentier… et il m’était très difficile de suivre les signes dans la noirceur totale. Il y avait bien sur des traces de peintures blanches… mais elles devaient dater d’il y a au moins une décennie… comprendre qu’elles avaient presque disparues…
En fait, ce n’était pas seulement les marques blanches qui avaient besoin d’entretien… le sentier lui-même avait besoin d’une cure de rajeunissement. La nature y avait repris ses droits et mes bras et jambes y goutaient; égratignure par-ci, écharde par là, etc. 
Tout seul… dans une forêt… en pleine noirceur… le cerveau commence à imaginer des bruits partout… c’est tout le temps dans ces moments là que tu penses à des films d’horreurs. Je ne pouvais pas penser à « Good Morning Vietnam » ou autre classique de la comédie… Non… je pensais au très mauvais film « Blair Witch Project »… vous savez le film où les gens sont poursuivis par des choses dans la forêt en pleine nuit.
Ça y est, je pensais être suivit… 
Calme-toi… rappelle-toi qu’il n’y a pas de prédateurs sur l’ile… que des grenouilles… hehe…
J’atteignais le sommet de la Roche Écrite (2227m) tout juste à temps pour le lever du soleil… gracieuseté du détour que j’avais pris dans un étang avec de l’eau (boue) jusqu’au-dessus des bottes… mon petit doigt me disait que ce n’était pas le sentier…
J’avais le Cirque de Salazie à mes pieds en étant au sommet de la paroi rocheuse le ceinturant. Sans aucun garde fou, l’endroit n’était définitivement pas pour ceux qui avaient peur des hauteurs… 
Quelle vue…

                                  
Le soleil aussitôt levé qu’une course contre la montre s’enclenchait pour être de retour au refuge avant 08.00… et la fin du petit déjeuner. 
J’atteignais le refuge à 07.40… non pas sans avoir accéléré l’allure… et m’être planté d’aplomb dans un buisson juste avant d’arriver. Excès de confiance? Probablement… mon genou gauche allait s’en rappeler pour quelques jours. Au moins cette petite frousse allait me rappeler qu’il ne fallait jamais relâcher sa garde jusqu’à la toute fin. « Être presque arrivé » ne veut pas dire « être arrivé ».
8km en montagne au réveil avec absolument rien dans l’estomac… même pas de l’eau puisque je n’avais pas apporté de bouteille… c’est ce que j’appelle un bon échauffement… ou être stupide…
8.15 – Sous un ciel bleue, je me lançais en direction de Dos D’âne, ma destination du jour, quelques 10km plus loin.

              
Ce qui avait commencé comme une sympathique petite promenade dans la jungle s’était peu à peu transformée en une sorte de « boot camp », à monter et descendre brusquement, se contorsionner pour passer sous des arbres morts, etc. 
La jungle était devenue de moins en moins dense et le paysage s’ouvrait devant moi. Je me retrouvais à marcher sur l’étroite arrête sommitale du rempart rocheux ceinturant le Cirque de Mafate… immédiatement en contrebas sur ma gauche. Cette section de sentier ne pardonnait pas puisqu’un tout petit faux pas me mériterait un allé simple… et très rapide vers le fond du cirque plus de 1000m plus bas. 

                        
Imaginez, je marchais par temps sec et je n’arrêtais pas de me planter… dans les arbustes sur ma droite. Au prix d’une collection de scratchs qui ne faisait que grandir, j’allais au moins survivre à cette journée. Je n’osais imaginer combien dangereux ce sentier pouvait être par temps pluvieux.
Peu importe, la vue était grandiose…
Dans un détour de l’éreintante descente finale, Dos D’Âne sortait de la brume. Avec une multitude de champs, il s’agissait vraisemblablement de l’un des garde-mangers de l’ile. Accessible par la route et tout juste à l’extérieur du Cirque de Mafate, Dos D’Âne agissait aussi comme l’une des principale porte d’entrée dans le cirque de Mafate.

    
12.00 – Complètement exténué après m’être levé à 04.00 et avoir marché 20km, monté +600m et descendu plus de -1200m, je n’étais pas au bout de mes peines. Le gite que j’avais réservé était introuvable… et le village était désert. Après avoir littéralement marché 3 fois le village de bord en bord, j’apercevais un minuscule écriteau qui m’avait jusqu’alors échappé. 
Voilà… j’avais trouvé Le Gite des Acacias. Décrit comme étant un véritable havre de paix par le Lonely Planet, c’est bien la seule chose que je n’y ai pas trouvé. On aurait dit une maison de fous. À partir du moment où je suis arrivé, jusqu’au moment où j’ai fermé les yeux (et encore), le propriétaire des lieux n’a jamais arrêté de parler… parlant très rapidement en créole… je ne comprenais PAS UN MOT. Ajoutez un enfant qui criait tout le temps et une femme qui écoutait l’émission « Top Modèle » (ça existe encore?!?) hyper fort pour enterrer la voix de son mari et vous avez une petite idée de oh combien reposant était mon havre de paix.  
Au moins nous avions une vue imprenable… mais brumeuse… sur la Cote et l’océan Indien en contrebas. 
J’étais le seul à dormir à mon gite ce soir :-(… mais au moins mon hôte m’avait ouvert une bouteille de vin rouge bordelais :-)… incluse dans le prix du souper… que je me faisais une joie de terminer… hic…

      

Jour 3 – TOUT CE QUI DESCEND… DOIT REMONTER
27 avril 2016 – 08.00
C’est avec un petit (gros) mal de crâne que cette journée commençait. N’empêche, beaucoup d’eau, ma boule de quitte encore gluante sur le dos et je prenais la direction de Aurère. 
À peine quitté Dos D’Âne que je rentrais officiellement dans le cirque de Mafate, et du même coup dans la réserve protégée par l’UNESCO. 

Première épreuve de la journée, descendre tout en bas de la vallée jusqu’à la Rivière aux Galets. J’étais assurément le 1er à passer par le sentier depuis un moment puisque je me tapais une tonne de toiles d’araignée dans la figure. Somme toute une descente longue, mais assez facile, comportant tout de même quelques sections nécessitant cordes et échelles.  
  J’étais maintenant à marcher dans le lit de la rivière. Toutes ces montagnes qui paraissaient minuscules hier lorsque je marchais sur l’arrête sommitale, ressemblaient maintenant à des géants insurmontables en étant au plus profond du cirque. 
Après avoir joué au funambule sur des roches glissantes pour traverser la rivière… 1, 2, 3 fois… en manquant prendre une saucette non désirée à quelques reprises, c’était maintenant inévitable… la haute voltige n’était plus possible, je devais me mouiller les pieds… un mal pour un bien si vous voulez mon avis… mes pieds devaient être très content de pouvoir respirer autre chose que la senteur infecte de mes bottes. 

   
   
   
Le sentier ne voulant pas se brancher de quel coté de la rivière il voulait être, je répétais l’expérience 6 autres fois. J’avais joué à « déchausse, mouille, sèche, chausse » 2 fois déjà quand j’ai finalement compris; je n’allais pas remettre mes bottes tant et aussi longtemps que le sentier ne monterait pas dans la montagne… la solution magique se nommait « flip flop ». 

  
Chaque passage dans la rivière était une loterie… le courant était assez fort pour faire chavirer quelqu’un n’étant pas solide sur ses pieds… hop et le pied pouvait partir… et vous vous retrouviez à la flotte… 
11.20 – Je quittais définitivement la rivière pour commencer à monter dans les hauteurs. Mon GPS affichait une altitude de 290m… et je devais me rendre jusqu’à 1000m… avec encore 4.2km à faire…  

   
    
    
   
    
Le sentier à flanc de montagne avait une vue spectaculaire de toute la vallée, de la rivière plus bas et des montagnes environnantes. J’allais devoir me trouver de nouveaux synonymes pour le mot « beau » et vite puisque j’étais seulement au jour 3 de ma randonnée et je commençais déjà à en manquer. 

L’ayant eu relativement facile jusque là, les choses devenaient vraiment sérieuses avec 2 km à faire; il y avait un pan de murs sur ma gauche et celui-ci devait se trouver sous mes pieds avant que j’arrive à destination.
Mon sourire, qui n’avait pas quitté mon visage depuis la rivière, c’était peu à peu transformé en une bouche grande ouverte qui recherchait désespérément de l’air frais. J’avais alors l’impression que toute l’eau que je buvais se retrouvait immédiatement à perler sur mon front ou sur mon chandail.
Il était désormais 13.30 et Aurère était en vue. Perché sur un plateau avec un piton juste à côté et des vallées plongeantes sur tous les autres cotés, mon petit doigt me disait que je n’avais pas fini de monter et descendre… mais bon, c’était pour un autre jour. Je déposais boule de quille sur le coin de mon lit et je me mettais à la recherche des 2 choses que je désirais le plus au monde à ce moment précis; une douche chaude et une bière froide.
Somme toute, la journée avait été relativement facile avec 13km de marche réparti sur 5h30, +900m de monté et -850m de descente. J’avais encore de l’énergie pour continuer, mais ça ne servait à rien de marcher plus longtemps puisque les nuages avaient maintenant recouvert tout le paysage. Au mieux ce serait brumeux, au pire brumeux et pluvieux. De toute façon, avec ce genre de sentier casse-cou, il valait mieux s’arrêter avec encore un peu d’énergie que de pousser trop et…
Un repos allait aussi être bénéfique pour mes blessures de guerres; mon mollet gauche, mon genou droit, ma cheville droite et mon pied droit montraient tous des signes de fatigue évident. 
Aurère était un très charmant petit village. Sans route (il n’y a pas de route dans le Cirque de Mafate… dois-je le rappeler), je ne sais pas comment l’expliquer, mais j’avais l’impression d’être dans « La Conté » du « Seigneur des Anneaux »… le village des hobbits. De la brume, de la musique reggae jouant en sourdine au loin et le bruit des oiseaux… c’était ça la vie… pour aujourd’hui…
Fin de journée après une longue randonnée… je sirotais une bonne bière au « bar » du coin (cabane en bois avec une table dehors)… ok… je l’avoue… j’en étais à ma 2ème… à Aurère… la route la plus près étant à 6 heures de marche… l’un des endroits les plus reculés de La Réunion… elle-même une ile perdue au milieu de nul part dans l’océan Indien…
Qu’est-ce que j’entend?!?
« Caliss de Tabarnak »
Je me dressais sur ma chaise aux aguets… 
NON… pas possible… 
Je me retrouvais nez à nez avec une équipe québécoise en tournage pour l’émission « Port d’attache » sur TV5. Son animatrice, Sophie je-sais-pas-le-nom-de-famille, me racontait le synopsis de l’émission (13 épisodes, 13 iles… Bali, Réunion, Comores, etc.)… je lui racontais mon histoire… 
Elle était complètement jalouse de ma vie… et j’étais hyper jaloux du fait qu’elle soit payée pour voyager…
Comme quoi l’herbe est toujours plus verte chez le voisin…

Jour 4 – BIENVENUE À ZOT
28 Avril 2016 – 07.30
Aujourd’hui je continuais ma découverte du Cirque de Mafate. 
Comme un con, j’avais écouté ce qu’on me recommandais en ce qui concerne les différentes étapes à faire pour boucler la Grande Traversée. Résultat; je me retrouvais à faire une randonnée de seulement 8km aujourd’hui. Toujours regarder le kilométrage entre les différentes étapes avant de booker les refuges/gites. 
Je marchais en forêt aux sons des oiseaux et des multiples points de vue sur les montagnes. Je passais « Ilet à Malheur », un village tout aussi charmant que Aurère, mais dans un cadre plus enchanteur. Ilet à Malheur était un nom créole datant de la colonie et des esclaves en fuite. Cela voulait en fait dire « Il porte malheur », « Ilet » étant un raccourci pour dire « il est ».   

   
 La journée était sans trop d’histoire; j’atteignais le sommet d’une montagne, simplement pour la redescendre de l’autre coté… et ainsi de suite… les canyons se succédaient. 

   
 
    

 

     
  
À 11.30 j’étais arrivé à Grande Place, ma destination du jour. Contrairement à Aurère et Ilet à Malheurs, Grande Place était tout sauf charmant. En fait, il n’y avait pas de village à proprement parlé, que des maisons disposées aléatoirement sur un flanc de montagne.
En revanche, j’avais touché le gros lot avec mon gite « Le Pavillon », un superbe complexe de 4 bâtiments installés sur un promontoir offrant une vue imprenable de la vallée et des montagnes. Le genre d’endroit qu’on ne voulait jamais quitter…
   
 
Au-dessus de l’entrée se trouvait une grosse affiche « Bienvenue à Zot ». 
Zot?!? 
On m’expliquait alors que Zot signifiait « vous/étranger » en créole… cela voulait donc dire « Bienvenue aux étrangers ».
12.00 – Après un snack bien mérité, il n’était pas question de me reposer tout de suite. Je laissais boule de quille se reposer… et sécher… au refuge et partais m’aventurer dans les montagnes environnantes… jusqu’à ce que je me bute à un sentier fermé. Avec la chaleur devenue suffocante, je décidais de couper court et de rentrer sagement au bercail. 
Ce sentier fermé était sensé être celui que j’allais prendre le lendemain. On m’expliquait alors que le sentier n’était plus praticable en raison d’éboulements multiples survenus dans les dernières semaines. J’allais donc devoir trouver un plan B pour le lendemain. 
Le sommaire du jour était donc 10-11km de marche, avec un chiffre conservateur de 700/800m de montée et de descente.
Je passais la fin de journée assis paisiblement sur une roche dans le pâturage juste au-dessus de mon gite. Les 2 chèvres broutant à proximité me faisaient sentir que je n’était pas le bienvenue… mais je m’en foutais… je leur disais « charge moi et je te transforme en ragou »…

     

  

   

J’admirais les montagnes et regardais les nuages quitter tranquillement le cirque alors que la nuit commençait son quart de travail. Je me sentais tout petit devant toute cette grandeur. On raconte que les 3 Cirques de La Réunion (Cilaos, Salazie et Mafate) ont été crée il y a 200 millions d’années lorsque les flancs du volcan Piton des Neiges, alors un volcan actif, se sont effondrés. Si mes notions très sommaire de géologie sont exactes, les cirques sont donc l’ancienne caldeira du volcan.
Contrairement aux Cirques de Salazie et Cilaos, qui sont des vallées entourées de gigantesques parois rocheuses sans véritable montagne dans leur milieu, le Cirque de Mafate est extrêmement accidenté avec de grosses montagnes séparant le Cirque en multiples petites vallées. 

Jour 5 – DÉTOUR… PAR LA ROUTE PANORAMIQUE
29 Avril 2016 – 07.30
Quelques options s’offraient à moi pour la randonnée d’aujourd’hui. Je devais rallier Grande Place, mais le sentier principal était fermé en raison d’éboulements. 
Je choisissais l’option la plus longue, mais qui devait me donner les plus belles vues; j’allais contourner complètement la vallée en longeant la paroi du Cirque. 
Le même refrain que les jours d’avant, j’allais devoir descendre dans le fond d’une vallée pour mieux remonter de l’autre coté…

    

  

  

     

08.30 – Ayant atteint le fond du canyon, mon purgatoire allait commencer. Par une journée sans nuage, je montais une paroi abrupte, interminable et exposée au soleil… sans la moindre zone d’ombre. Avec ces marches en plein soleil, Dieu avait peut-être finalement décidé de me faire pardonner tous mes pêchers… si oui, c’est lui qui allait finir par trouver le temps long…

  
Ajoutez à cela que pour la 1ère fois du voyage, mon iphone m’avait fait une petite frousse en cessant de fonctionner durant une bonne heure. Pour ceux qui ne le savent pas, mon IPhone est comme le ballon Wilson pour Tom Hank dans le film « Seul au Monde »; c’est mon meilleur ami, mon confident (j’y écris tous mes épisodes) et ma mémoire visuelle (je prend toutes mes photos avec). N’ayant pas fait de sauvegarde sur mon Mac depuis le départ, je pensais à tout ce que j’avais perdu. J’étais tellement contrarié que j’avais été hyper bête avec 2 randonneurs que j’avais croisé et qui ne demandaient qu’à piquer une jasette. Heureusement pour moi, il s’est remis à fonctionner comme par magie après un certain temps. C’est si beau l’amour entre un homme et une machine… Ahhhh…
Rangez les violons…
J’en étais où… ahhh oui, à suer toute l’eau de mon corps sur le mur rocheux que certains pouvaient oser appeler « sentier ».
En ayant fini avec mes pêchers, j’étais récompensé en me retrouvant à marcher dans un canyon hyper étroit et… à l’abri du soleil. 
J’atteignais ensuite un étrange petit village du nom de Ilet des Orangers. Cherchant les orangers, je n’y trouvais que des champs de maïs à perte de vue. Il était peut-être temps de rebaptiser l’endroit pour Ilet aux Mais?!?
Le temps mort avait été de courte durée. Je me retrouvais à nouveau avec un mur de tous les cotés devant moi. Mon petit doigt me disait que je n’avais pas fini de monter… et il avait raison. 

      
Je me retrouvais dans un canyon étroit… surnommé La Brèche… avec de grosses roches partout. Mon petit doigt me soufflait à nouveau à l’oreille que toutes ces roches n’étaient pas arrivées là par magie… qu’elles provenaient très vraisemblablement de la paroi au-dessus de ma tête. Je me trouvais hyper chanceux d’avoir un petit doigt aussi intelligent… et j’accélérais le pas.  

Midi pile, j’étais acceuillis au sommet de « La Brèche » (1295m) par un vent glaciale. J’avais une vue en contreplongée sur une bonne partie du Cirque de Mafate. Je pouvais apercevoir la randonnée que j’avais faite durant les 2 derniers jours sur la gauche; Grande Place, Aurère et Ilet à Malheurs, et ma randonnée des 2 prochains jours sur ma droite; Roche Plate, Marla et le Col du Taibit. 

            
Grande Place et les montagnes qui me paraissaient si grandes hier après-midi étaient maintenant toutes petites en-dessous de moi. On pouvait aussi voir les multiples hélicoptères à l’oeuvre à transporter les marchandises jusqu’aux différents villages du Cirque. Je remerciais intérieurement ce sentier fermé entre Grande Place et Roche Plate qui m’avait forcé à prendre ce détour. J’étais sans aucun doute sur le sentier panoramique par excellence du Cirque.
Allez… il n’était pas encore le temps de célébrer. En quelques minutes, la météo était devenue extrêmement instable; le ciel s’était couvert, il pleuvait et je pouvais entendre le tonnerre gronder. N’empêche, ma journée de travail était presque terminée… et l’eau était accueillie en sauveur par mon corps en surchauffe.
À 13.00, j’avais atteint l’épicerie de Roche Plate et la pluie s’était installée pour de bon. Il était grand temps de changer d’activité… à la bière. 
En 5h30, j’avais parcouru 13km, monté +1300m et descendu -800m, pour me situer dorénavant à 1150m d’altitude. 

      
Encore bien tombé, mon gite du jour était avantageusement situé dans les hauteurs de Roche Plate et m’offrait une vue impressionnante sur de tout le Cirque de la terrasse.

Jour 6 – JE N’AI PAS D’IDÉE POUR LE NOM DU JOUR
30 Avril 2016 – 07.30
Ayant pris la poudre d’escampette de mon gite… le repas d’hier avait été infecte, je ne voulais pas goûter à son déjeuner… j’étais déjà sur le sentier à marcher en direction de Marla… le ventre vide, mais les jambes qui ne faisaient pas trop mal (pas trop mal = super).
Sur ma droite…

une gigantesque paroi rocheuse infranchissable… le périmètre du Cirque… je me sentais comme dans « The Maze Runner »… vous savez ce mauvais film où des ados sont dans un labyrinthe géant…

    
Sur ma gauche…

un paysage très accidenté… espérons que le sentier n’aurait pas la mauvaise idée de s’y aventurer…

            
Derrière moi…

il m’était devenu impossible de voir les endroits où j’avais marché les jours précédents.
Devant moi…

j’apercevais Marla tout au fond avec le Col du Taibit au-dessus et le Piton des Neiges sur la gauche.
Sous mes pieds…

un sentier clairement fait de roches volcaniques…
Au-dessus de ma tête…

un ciel bleu avec quelques nuages. Espérons que ceux-ci réussiraient à cacher mon (enn)ami le soleil. 
Dans mon ventre…

absolument rien… 
Dans mes souliers…

vous voulez vraiment le savoir?!? Ok… si vous y tenez. Des bas détrempés sentant le fromage… je ne sais plus trop si c’était le jour « à l’endroit » ou « à l’envers ». 
Bref…
Arrivé au fond de la vallée, je retrouvais à nouveau la rivière aux Galets au site des « Trois Roches ». À cet endroit, la rivière formait des bassins d’eau qui étaient propices à la baignade.

          
10.30 et déjà à mi-chemin de mon parcours du jour, je décidais de prendre des détours pour me ralonger…
Je passais par la mystérieuse « Plaine des Sables »… n’ayant pas de sable… et étant complètement exempte d’arbre au milieu d’une forêt dense. Site d’atterrissage pour vaisseau extraterrestre?!? Ne partez pas en peur, mais peut-être…

    
L’inévitable se produisait finalement… j’arrivais à Marla. Signifiant « beaucoup de monde » en malgache, Marla était de loin le plus gros village de Mafate au sortir de la 2ème Guerre Mondiale… mais était quasiment désert de nos jours.
J’aurais pu croire que Marla signifiait « Là où tombe la pluie » puisque pour une 2ème fois que j’y passais (épisode précédent), une 2ème fois que je j’y étais accueilli par la pluie. Qui sait… peut-être que le Cirque de Mafate pleurait mon départ?
J’avais parcouru 13km, monté +1100m et descendu -550m. 

            
Malgré des paysages moins spectaculaires que tous les autres endroits où j’avais séjoubb yrné dans le Cirque auparavant, je tâchais de m’empreigner de l’ambiance du Cirque une dernière fois. 

Jour 7 – LENDEMAIN DE VEILLE
1 Mai 2016 – 07.30
C’est complètement déshydraté, la tête dans le cul et avec le coeur sur la main que je commençais ma journée de travail.
Dans la catégorie « à ne pas faire » il fallait maintenant ajouter; en virer une au bar du village avec des locaux à coup de shooters de rhum arrangé (le rhum réunionnais… du rhum mélangé avec des fruits; goyave, citron, etc.). Il faut comprendre; c’était samedi soir, il y avait de la musique & de l’ambiance, mon gite était encore une fois désert… et j’avais soif… 

      
Après maintenant 4 jours passés à arpenter tous les recoins du Cirque de Mafate de long en large et de haut en bas, je m’apprêtais à passer (à nouveau) le Col du Taibit pour quitter Mafate et me retrouver dans le Cirque de Cilaos. Le parcours d’aujourd’hui faisait à l’inverse une parti du parcours que j’avais fait lors de ma première journée de randonnée dans les Cirques entre Cilaos et La Nouvelle (épisode précédent). 
08.20 – Moi, boule de quille et mon mal de vivre avions atteint (contre toute attente) le sommet du col de Taibit (2081m) dans un temps record. J’y étais accueillis par une vue magnifique sur le Cirque de Cilaos. Il ne me restait alors que 9km en descente…

    

          

Est-ce que mon sac était moins lourd?!?

Est-ce que j’avais pris des forces en l’espace d’une nuit?!?

Est-ce que c’était l’alcool dans mon sang?!? N’empêche, mon sac était beaucoup plus léger qu’à l’habitude. J’en venais même à penser que j’avais oublié quelque chose… mais tout était là… sauf ma tête.
11.00 – 13km, +550m et -850m après avoir sorti de mon lit ma carcasse imbibée d’alcool, j’étais à monter la dernière marche qui me menait à Cilaos. 
J’allais pouvoir renouer avec la civilisation l’instant d’une demi-journée.

Jour 8 – ASCENSION
2 mai 2016
Je quittais Cilaos aux premières lueurs du soleil… donc vers 08.30. À l’ombre du géant Piton des Neiges, les premiers rayons atteignent Cilaos sur le tard. 
Pas de mal de tête, pas (à peine) d’alcool dans les veines, les jambes aussi fraiches que des jambes peuvent l’être après 7 jours de marche… donc pas très fraiches… j’étais prêt à m’attaquer à la 2ème section de la Grande Traversée. 
Direction la Caverne Dufour… encore…
Premier challenge; m’attaquer au mur que j’avais descendu pour revenir à Cilaos de la Caverne Dufour lors de mon dernier jour de randonnée dans sur le Tour des Cirques (épisode précédent). Je savais que cela ne serait pas de la tarte… mais j’avais la journée pour atteindre ma destination du jour. 
La vue d’aujourd’hui était complètement bouchée par les nuages durant toute l’ascension. Heureusement, j’avais eu le spectacle il y a quelques jours. 

                  
Après une montée soutenue de 10km et +1300m, j’atteignais le gite vers 12.30. Le timing était parfait puisqu’il commençait à tomber des cordes tout juste après. On pouvait voir les rafales de brume qui descendaient la montagne à toute vitesse, apportant avec eux un froid glacial. 
J’avais en tête de monter jusqu’au sommet pour voir le coucher du soleil… mais l’après-midi allait finalement se résumer à se les geler dans le refuge à regarder la pluie tomber.

Jour 9 – JOURNÉE DE MERDE
3 mai 2016 – 06.45
Il y a des jours où on ne veut pas aller travailler… comme il y a de ces jours où on ne veut pas marcher. Aujourd’hui était un jour comme cela. J’aurais aimé passer la journée au lit à écouter des films toute la journée… mais je ne pouvais pas… je devais continuer mon périple.
Il y avait un vent à glacer dans le dos et le soleil se levait à l’horizon. À peine levé que les nuages se mettaient à l’attaque. Ils n’attendraient vraisemblablement pas très longtemps pour recouvrir le ciel d’aujourd’hui. 
Complètement exténué, je quittais le refuge sans avoir monté le Piton des Neiges un seconde fois. 
Pour dire vrai, mon estomac avait pris la décision pour moi. Une nuit blanche passée dans la salle de bain du gite avait cette capacité de convaincre même les hommes les plus déterminés. 
Parti le ventre vide… puisque je ne pouvais rien avaler, j’allais manger 20km plus loin une fois arrivé à destination. 
Après 8 jours passés autour des Cirques, je quittais définitivement les Cirques et le Piton des Neiges pour me diriger vers le Sud de l’ile. Je me retrouvais à marcher dans un paysage composé de toundra vert délavé à perte de vue, sur un sentier extrêmement glissant… qui demandait une concentration de tous les instants pour négocier toutes les roches… concentration que je n’avais pas. 

                
Je décrirais la marche d’aujourd’hui comme marcher sur une patinoire en flip flop… aucune adhérence… avec le pied qui pouvait partir à tous les instants…
Comme si ce n’était déjà pas assez, une pluie diluvienne s’abattait sur moi et ne me quittais plus jusqu’à mon arrivé à destination… 5 heures plus tard. J’étais trempé jusqu’aux os… mais je ne pouvais pas arrêter puisqu’il n’y avait pas d’abri et pas âme qui vivait à des kilomètres à la ronde sur cette partie de l’ile. Mon cerveau pensait constamment à l’imperméable que j’avais retiré de mon sac à la dernière minute à mon départ de St-Denis; « ton imper t’aurais au moins tenu au chaud… »… Shut cerveau… ça ne m’aide pas à avancer… aide-moi plutôt à faire cesser ces dents de claquer de froid… 
Je n’arrêtais pas de me répéter que les mauvaises journées étaient là pour être en mesure d’apprécier les bonnes… mais cela ne suffisait pas. Je voulais cette journée de marche terminée et tout de suite.
J’avais perdu pied une bonne demi-douzaine de fois… à chaque fois mon pied partait, mes yeux devenaient tout rond, mes bras se mettaient à danser… et je reprenais mon équilibre par magie. Le sentier me réservait cependant de nouveaux pièges. On m’avait raconté à Cilaos de faire bien attention à cette section de sentier puisqu’il y avait des trous de boue d’une profondeur pouvant aller jusqu’à 1/2 mètre…
Ma réaction intérieure lorsque la personne m’avait parlé de ces gigantesques trous de boue; « ouais ouais… des trous de boue géant… tu me prends pour un con… »
Eh bien, j’avais dû ravaler mes paroles et donner raison à cette personne au moment où j’ai mis le pied dans l’un de ces trous…
L’effet de surprise fut total… un trou de boue qui ressemblait à tous les autres que j’avais déjà franchis… et puis boum… je me retrouvais avec une demi-jambe toute brune… et j’avais maintenant peur de mettre les pieds sur quelque chose d’autre que des roches…

            
Tic Tac… 08.00, 09.00, 10.00, 11.00… Sentier de merde, température de merde et paysage de merde… pas de doute, c’était une vraie belle journée de merde.
Puis… sans avertissement, la toundra/jungle et les montagnes disparaissaient et je me retrouvais à marcher dans des pâturages. Je marchais désormais entre les ballots de foin et les vaches… vaches qui mâchaient leur foin et semblaient me regarder en se disant « il est vraiment con de marcher sous la pluie… »

  
Puis je me retrouvais à marcher sur le bord de la route avec les voitures qui faisaient tout en leur possible pour ajouter une couche d’eau sur mon corps déjà imbibé en ne ralentissaient pas en passant à coté de moi… 
J’atteignait finalement Bourg Murat sous les coups de 12.30. 
Après une marche de la mort de 5 heures sous la pluie… j’avais décidé de me gâter… en allant manger dans le restaurant le plus en vue du village (mon Guide disait que c’était à ne pas manquer).
Vous auriez du voir la scène; moi, randonneur détrempé et couvert de boue, entrant dans un restaurant huppé… avec des nappes blanches et de la coutellerie en argent sur les tables… et plein de vieux couples qui me regardaient avec des points d’interrogation dans les yeux. Oui moi, le clochard… j’allais manger là. Après tout, il n’était jamais trop tard pour le 1er repas de la journée. J’osais même à prendre les chaises d’une autre table pour faire sécher mes vêtements… hehe.
Comme si tout le monde s’était donné le mot pour me faire passer une journée de merde, le restaurant avait le pire code pour le wifi EVER. Premier wifi que je rencontrais depuis le départ de ma randonnée 9 jours plus tôt, le code était la seule chose qui me séparait d’enfin donner un signe de vie à ma famille… grrrrr…

  
Résultat du jour, j’avais marché 22km, monté seulement +200m et descendu -1000m.
Je me retrouvais à Bourg Murat pour la nuit, petit village sans histoire. Rien ne laissait présager que j’étais à un peu plus de 20km du sommet d’un des volcans les plus actif au monde. 

Jour 10 – LA CONVENTION ANNUELLE DE LA BOUE
4 mai 2016 – 09.00
Jour de célébration… c’est le premier jour où je n’avais pas à mettre de bandage en préparation pour la marche… Hip Hip Hip… un petit pas pour l’homme, mais un très grand pas pour moi. 
Je remettais mes short/t-shirt/bottes encore souillés de la veille… moins hip hip hip… et je reprenais la route.
Nouveau jour, même rengaine; un pas devant l’autre. Direction le Gite du Volcan… par un matin brumeux, mais pas pluvieux…
Je me promenais dans les pâturages encore un bon moment… avec une bonne odeur de merde… avant de m’enfouir à nouveau dans la forêt par un petit sentier sinueux. 

                  
Beaucoup de tortues et le désormais classique des toiles d’araignée dans la figure… mais pas de sangsue… c’était ça l’important. Le défi d’aujourd’hui; éviter les trous de boue. On va le dire franchement; c’était un vrai festival de bouette… la convention annuelle de la bouette… le un sentier était COMPLÈTEMENT défoncé. 

                        
Je n’avais jamais vu ça. J’avançais à pas de tortue dans des champs de boue. Après un certain moment, j’arrêtais d’essayer d’éviter la boue… ça n’avait pas trop bien marché et je m’étais fait mal à marcher dans les buissons sur le coté. J’allais maintenant privilégier la méthode directe… je laverais mes jambes/bas/bottes plus tard…
Les 9 derniers km passaient en coup de vent (un coup de vent très lent) sur un sentier de roches volcaniques… sec.
Le gros désavantage avec la randonnée à La Réunion c’est que tous les panneaux d’indications inscrivent le « Temps » et non la « Distance ». C’est un peut frustrant quand on vous dit 20 minutes et que vous n’êtes toujours pas arrivé après 40 minutes. Le temps est variable selon les personnes, alors que la distance.. c’est la distance. Ils sont con c’est français. 
Non sans être préalablement passé par une étrange plaine aux apparences lunaires, j’arrivais finalement au Gite du Volcan à 15.45.

      
J’avais mis 6h30 à parcourir les 25km, +800m d’ascension et -200m de descente. Encore aujourd’hui, j’avais été tout fin seul sur le sentier. 
Ce soir j’allais être entouré de touristes et non de randonneurs dans un Gite de Montagne pas vraiment gite de montagne puisqu’il était accessible par la route… triste.
Je termine cette journée avec ma montée de lait mensuelle. Vous auriez l’idée de dormir dans un dortoir avec votre nouveau née? 
Non… C’est bien ce que je pensais… 
Eh bien j’avais le plaisir de partager mon dortoir de ce soir avec un couple et leur nouveau née. Tu réserve dans un dortoir de 12 personnes avec ton bébé naissant?!? Ça va pas la tête?!? Le gite offrait des chambres privées… 
Ce qui devait arriver arriva; le bébé allait crier toute la fucking nuit.
… 
Jour 11 – LE PITON DE LA FOURNAISE
5 mai 2016
Pendant 1 seconde au souper d’hier, j’avais pensé me lever à 04.00 du matin pour monter en haut du volcan au lever du soleil… 
Eille chose… tu as déjà vu les 2 plus beaux lever de soleil sur l’ile avec le Piton des Neiges et la Roche Écrite… le volcan n’est pas du tout réputé pour ça… personne ne t’en voudra de rester couché jusqu’à 06.00. Right cerveau… pour une fois tu as raison. 
06.00 – Vent extrême mais vue dégagée…
Je voulais vraiment aller au sommet du volcan avec ce vent à écorner les boeufs? 
J’ai bien dû me poser la question 10 fois… et puis merde… Allez…
06.30 – Après un déjeuner copieux (une première depuis mon départ de Dubai)… je prenais la route du sommet.
À peine marché 15 minutes que je me retrouvais à descendre dans l’immense cratère du volcan… ils appellent cela « l’enclo » ici… les mêmes français qui traduisent en français le titre du film « Hangover » par « Very Bad Trip »… je me répète… mais cons ces français 😉

  
Une fois tout au fond, je marchais en direction de la montagne, sur un ancien océan de lave en fusion désormais figé à jamais dans le temps. On pouvait facilement différencier les différentes coulées de lave. 

              

   

  
J’étais au beau milieu d’un paysage dévasté et je me sentais infiniment petit dans cette mer de chaos… et ne pouvais m’empêcher de penser que de tous les types d’endroits sur Terre, les volcans étaient probablement les pire endroits pour les êtres humains… et que celui-ci… encore actif… était possiblement l’attraction touristique la plus populaire de toute l’ile… 
Une fois la montagne atteinte, il fallait maintenant monter jusqu’au sommet pour y admirer le cratère Dolomieu, point culminant du volcan. 
Le sentier montait en ceinturant la montagne. J’avais commencé à l’intérieur des terres pour me retrouver directement face à l’océan et à la Cote 2500m plus bas… Cote inhabité à cet endroit en raison des coulées de lave encore fréquentes.

                  
08.20 – Je me trouvais juste à bord du cratère Dolomieu à 2512m d’altitude… le coeur d’un des volcans les plus actifs au monde… mon Mordor à moi… en ayant oublié l’anneau.
Aucun doute, c’était la meilleure journée pour monter au Piton. Le vent m’avait fait le plus grand cadeau qui soit; il n’y avait pas 1 seul nuage à l’horizon… phénomène très rare au Piton de la Fournaise. 
En effet, on m’avait souvent raconté que de voir le Piton de la Fournaise était une espèce de loterie peu importe la période de l’année. La matinée n’était pas garante d’un ciel bleue comme dans les Cirques. Beaucoup de gens venaient et se buttaient à un brouillard épais. Il n’y avait pas de recette miracle; il fallait simplement monter jusqu’en haut, lancer les dés et espérer avec une paire de 6.
Je ne pouvais m’empêcher de penser que le volcan donnait une fausse impression de sécurité. Malgré la présence d’une grande quantité de touristes, nous étions sur un volcan actif qui pouvait exploser à tout moment. Il y avait des fumeroles (petites cheminées) qui s’activaient dans le fond du cratère comme pour nous rappeler que le volcan n’était pas éteint. 
On raconte qu’il y a 2 types de volcans actifs; les explosifs (dangereux) et les non explosif (pardonnez les termes non scientifiques). Le Piton de la Fournaise est considéré comme un volcan actif non explosif. Concrètement, il va entrer en éruption, mais seulement de petites coulées de lave à la fois… il n’y aura pas de gigantesques explosions. Par exemple, le Piton de la Fournaise a eu 3 éruptions jusqu’à maintenant en 2016. 
La dernière éruption majeure remonte à 2007. À ce moment là, le Piton était un cône presque parfait, le cratère Dolomieu n’étant qu’un tout petit trou. C’est alors que le volcan s’est effondré sur lui-même… le cratère devenant un gigantesque trou de 1000m de diamètre et 350m de profond… trou où je me trouvais juste à coté. Depuis, la lave a comblé 70m de profondeur. Les experts estiment que le Piton de la Fournaise sera à nouveau un cône dans 100 ou 200ans.
Pour vous montrer à quel point les réunionnais sont con… Lors de chaque éruption du volcan, des gens de partout sur l’ile se ruent autour du volcan pour admirer les coulées de lave. Je vais encore plus loin… la fin de semaine, certains réunionnais vont sur d’anciennes coulées de lave encore chaude… pour se faire des BBQ (ça prend 10ans à de la lave pour se figer complètement). Con, mais con… 
Fin de la section éducative… début de la section « truc stupide »…
Sur un coup de tête (extrêmement con… probablement les français qui dépeignent sur moi), je décidais de descendre sur la paroi (le flanc… pas l’intérieur) du volcan jusqu’à un sommet un peu plus bas. 
Seul, hors sentier, à marcher sur d’anciennes coulées de lave… sur le flanc d’un volcan actif… mon coeur battait à tout rompre. Tout pouvait arriver… je pouvais tomber dans une rivière de magma coulant sous la surface (peu probable, mais possible), etc. J’en avais fait des trucs stupides dans ma vie, mais ça c’était dans les meilleurs…

  
Il y avait pas mal de curieux qui me regardaient. Peut-être attendaient-ils le moment où j’allais disparaitre dans une crevasse…
Finalement tout se passait bien, j’atteignais le petit sommet et je remontais jusqu’au cratère principal sans problème. Une promenade dans le parc comme on dit 🙂
Passé 9.00, le sommet commençait à être rempli de touristes. C’était mon signal pour redescendre. Le sentier était alors devenu une véritable autoroute de touristes. 

            
Passé 10.00, les nuages commencaient à faire leur apparition. Bon nombre de randonneurs n’auraient aucune vue très bientôt… l’avenir appartient à ceux qui se lève tôt…

      
11.30 – J’étais de retour au gite. 
Résultat du jour; 13km de marche, +600m de montée et -400m de descente…
Pour la 1ère fois depuis le départ de la randonnée, j’allais dormir au même endroit 2 soirs de suite. J’allais enfin avoir le temps et les bonnes conditions pour avancer l’écriture de cet épisode. 

Jour 12 – LE VENT DU NORD
6 mai 2016 – 06.45
J’entamais ce matin la descente qui me mènerait éventuellement à ma destination finale; l’océan Indien… à l’extrêmement opposé de St-Denis (mon point de départ il y a 12 jours). Direction le Gite de Basse-Vallée quelques 1800m plus bas… les genoux allaient être mis à rude épreuve…
Je ne le savais pas encore, mais le lever du soleil allait être le seul moment de cette journée où je verrais le soleil. Dame Nature avait décidé de me concocter un petit quelque chose dont elle est la seule à connaitre la recette; un vent extrêmement fort & glacial et du brouillard si sombre et dense que je ne voyais pas à 2 mètres en avant de moi par moment. 
Je marchais un bon moment dans un paysage lunaire où tout se ressemblait à perte de vue… avec de multiples sentiers… pas exactement le genre d’endroit où je voudrais me perdre… il fallait donc redoubler de vigilance… 

          
Je marchais ensuite sur le rempart du cratère dans lequel j’avais marché la veille…

  
Puis plus rien… comme si j’avais perdu l’usage de la vue… tout autour de moi était devenu blanc… j’avais pénétré dans un brouillard qui ne me quitterait plus. Les rafales de vent étaient alors tellement fortes que la plupart des gens seul dans une température comme celle-là auraient rebroussées chemin ou à tout le moins été prises de panique. 

  
  
Pas moi… je me concentrais à suivre les petits drapeaux rouge et blanc du GRR2. Mes seuls moments de panique se produisaient quand je n’apercevais pas de drapeau durant 4-5minutes… et puis j’en apercevais un… et je respirais à nouveau. 
J’étais complètement frigorifié, mais j’avais les pieds au sec et le sentier n’était pas boueux… tout ce qu’il me fallait.
Passé 09.00 je commençais à descendre un pan de mur végétal de 1500m… et la pluie se mettait de la partie. Il n’y en aurait définitivement pas de facile.
Je me retrouvais alors dans une forêt toute verte… même les troncs d’arbre étaient recouverts de lichen couleur vert radioactif. Il devait pleuvoir souvent ici. Le tout donnait à l’endroit des allures de forêt enchantée directement sortie d’un conte pour enfants. À ma plus grande surprise, j’y ai croisé une vingtaine de randonneurs qui montaient… quel réconfort de savoir que je n’étais pas le seul dans ce bourbier.

              
12.30 – Mon calvaire était terminé… J’atteignais mon gite de Basse-Vallée.
Au final, j’avais marché 21km, descendu -1800m et monté +150m. Je me trouvais désormais à 600m au-dessus du niveau de la mer. J’aurais très bien pu boucler les 15 derniers kilomètres dès aujourd’hui… mais j’avais déjà réservé/payé le gite, mes genoux n’avaient aucune envi de descendre -600m de plus et il faisait un temps de cul. Je voulais aussi maximiser mes chances de terminer la randonnée sur une bonne note avec du beau temps à mon arrivé à l’océan Indien.
Anecdote qui va surement être drôle dans quelques mois… mais qui ne l’est toujours pas quelques jours après; je suis arrivé à mon gite vers 12.30… j’ai cogné… pas de réponse… j’ai alors pensé que ce gite était comme les quelques autres gites que j’avais croisé qui ignoraient les randonneurs jusqu’à 15.00 (heure typique d’arrivé) pour ensuite ouvrir leur porte. 
J’ai donc attendu dehors jusqu’à 15.00… en plein milieu du bois… sous la pluie. 
15.00 – Je me met à taper dans la porte… COGNER avec mes poings… crier des injures… je fais le tour du gite… j’essai de rentrer par une fenêtre… rien ne marche. On dirait qu’il n’y a personne à l’intérieur… 
Il est maintenant 15.15… le village le plus près est à 2h de marche. Je peux le faire avant la noirceur… encore drôle si je réussis à me trouver un gite à cette heure si tardive… un vendredi soir…
Je remballe mes affaires et remet mes bottes mouillées… 
Je reprend la route en TABARNAK… j’ai envi de frapper sur tout ce qui bouge…
Je descends la petite route pour aller rejoindre le sentier. J’ai marché 2 minutes dans le sentier quand me vient l’idée d’aller voir à la maison un peu plus bas pour savoir si ils n’auraient pas le numéro du responsable du gite…
Je remonte à la maison… je cogne… une femme m’ouvre…
Moi – « Bonjour, j’ai fait une réservation au gite un peu plus haut… ça fait plus de 2h que j’attends dehors… je crois qu’on m’a oublié… »
Femme – « Ohhh… il fallait venir ici en premier… nous sommes les responsables du gite »…
Moi (avec des éclairs dans les yeux) – « vous êtes en train de me dire que j’attends sous la pluie depuis 2h alors que je devais passer ici pour m’enregistrer avant d’aller au gite? »
Femme – « oui c’est bien ça »
Moi – « Et qu’est-ce qui pouvait m’indiquer que je devais venir ici avant d’aller au gite?!? Ça ne vous tente pas de mettre une indication en avant du gite?!? »
Femme – « vous n’êtes pas le premier à qui ça arrive… »
Moi – (j’ai arrêté la discussion là sinon j’allais la frapper sous peu)
CR!SS de C@NNE… Excusez-là… ça aide à faire passer le morceau…
Ajoutez à cela qu’ayant mal planifié mon budget… ou bu trop de bières en chemin… je n’avais plus assez d’argent pour me payer le repas du soir :-(… Je devrais me contenter d’un déjeuner le lendemain matin. 

Jour 13 – LA DESCENTE D’HONNEUR
7 mai 2016 – 08.30
Par un ciel stable, je descendais dans une forêt noire… mais je pouvais apercevoir l’océan par le feuillage et entendre la bruit des vagues frapper le rivage. J’y étais presque…
10.15 – 15km et -600m de descente… mais surtout après 13 jours de marche… j’atteignais l’océan à nouveau. Cette fois c’était vrai; la FIN. J’avais gagné mon pari en attendant une journée pour finir; il faisait beau soleil.
Il n’y avait pas de panneau « Félicitation vous avez terminé la Grande Traversée GRR2″… non… un simple stationnement… et maintenant la vie devait continuer… je faisais quoi avant de marcher en montagne?!?

ÉPILOGUE
Ma Grande Traversée est dorénavant chose du passé. 
J’avais commencé le trek avec une forme physique suspecte et je le terminais en possession de tous mes moyens.
J’aurais facilement pu retrancher 3 ou 4 jours à la randonnée, mais chaque endroit où j’avais séjourné était spécial. Cela m’avait aussi permis de faire un tour complet et profiter à fond des paysages à couper le souffle… non pas simplement passer en coup de vent comme la plupart des randonneurs font. 
La Réunion était en quelque sorte l’échauffement de mon voyage. Je voulais éviter toute blessure inutile avant d’enligner coup sur coup le Chemin de Compostelle et le GR20 en Corse. 
Passer autant de temps dans les montagnes loin d’internet, de la télévision, etc. m’a aussi permis de me mettre en symbiose avec la nature et de considérablement ralentir mon rythme de vie. Auparavant basé sur la performance, à essayer d’en faire toujours plus avec le moins de temps possible… je profite maintenant du moment présent un point c’est tout. Fini les écouteurs en permanence sur les oreilles comme à Dubai, je prends maintenant le temps de regarder, écouter et sentir mon environnement immédiat. 
Une fois qu’on se libère du carcan que la société a bâti pour nous emprisonner jours après jours, on commence à profiter à fond de la vie 7jours sur 7. Le travail n’est pas la vie. Le travail est une invention du 21ème siècle… une nouvelle sorte d’esclavage… où les gens monnayent leur temps en échange de 1 ou 2 journée de congé par semaine.
Je ne suis pas le plus fort, ni le plus intelligent, je suis même assez stupide… mais j’ai beaucoup de détermination. Comme mon directeur à Dubai se plaisait à me dire; « you are a free spirit (tu es un esprit libre) ». Je n’ai que faire des principes établis. Comme Néo dans la Matrice, j’ai réussi à me libérer de ces chaines invisibles qui me retenaient prisonniers.
Bon… je commence à divaguer encore une fois… il est temps de conclure…
Je passe quelques jours sur la Cote pour me reposer et ensuite je met le cap sur l’Europe. 
Je serais vraisemblablement dans les Pays Basque (Espagne) lors de notre prochaine discussion. 

P.S. I – Sur la Cote comme dans le Centre de l’ile, la grande majorité des maisons ont de panneaux solaires pour s’alimenter en électricité.  
P.S. II – kékette… non je ne parle pas de ma 3ème jambe… je parle plutôt d’une bière locale… le slogan est « I love Kékette »… Les réunionnais ont un sens de l’humour tordu… j’adore…

P.S.III – Vous prendriez un bus dont le nom de la compagnie esr Marde
P.S. IIII – Budgéter une randonnée à La Réunion;
Tout d’abord, il fait savoir qu’une randonnée ici n’est pas pour les pauvres.
– Il est interdit de camper presque partout… mais beaucoup le font quand même,

– 20 euros pour un lit dans un dortoir en gite, 

– 20 euros pour un souper copieux en gite,

– 6-7 euros pour un déjeuner hyper basic,

– 5 à 10 euros pour le lunch et les fringales,
Il y aurait toujours moyen de réduire à 5-6 euros le prix du souper en mangeant des trucs en boite de conserve, mais je vous le déconseille. Vous manqueriez alors l’un des moments les plus intéressants de votre randonnée; le souper autour d’une même table avec tous les randonneurs et l’hôte du gite. 

Épisode 69 – La Réunion; Le Tour des Cirques

19 Avril 2016 
Après 3 semaines à me faire brasser dans les taxi-brousses malgaches, je retournais enfin à la civilisation. En l’espace d’une heure trente d’avion, je passais d’un pays du tier monde, à un endroit typiquement européen. Je quittais le Madagascar, l’une des plus grandes iles au monde, pour La Réunion, l’une des plus petites iles au monde. 
La piste d’atterrissage était directement en bord de mer. Jusqu’à la dernière minute j’avais l’impression qu’on allait atterrir sur l’eau… et puis l’avion a posé les roues sur une piste apparue comme par magie. 
À peine sorti de l’aéroport que je sautais dans un bus et passait en coup de vent dans la capitale St-Denis. J’avais peine à y croire… j’étais dans un bus avec air climatisé… avec amplement de place pour mes genoux… roulant sur une route n’ayant aucun nid de poule… directement sur le bord du littoral coincée entre l’océan et les montagnes… à l’heure du coucher du soleil… bien loin du Madagascar. 
J’avais les yeux collés à la fenêtre. Le bus était bondé et j’étais le seul à porter attention au paysage. Réalisaient-ils qu’ils vivaient dans un paradis sur Terre? Si non, quand l’avaient-t-ils oublié? Après combien de temps oublie-on de regarder les paysages qui nous entourent; 1 semaine, 1 mois, 1 an? Pourquoi sommes-nous fait ainsi? Vous qui me lisez… êtes-vous encore conscient de la beauté des lieux qui vous entourent?!? Je ne pouvais m’empêcher de me poser ces questions… mais je n’ai pas les réponses… 
45minutes et 2 euros plus tard… je me trouvais à St-Pierre… presque à l’autre bout de l’ile. 
Je vous ai dit que l’ile était petite? 

ENTRE MER ET MONTAGNE… LA RÉUNION POUR LES NULS
Levez la main ceux qui savait que La Réunion existait avant d’en entendre parler par moi?!?
Restez la main levée ceux qui…

– savaient où se trouvaient La Réunion?!?

– savaient que La Réunion n’était pas un pays, mais un territoire appartenant à la France?!?
Alors, qui a toujours la main levé? Vraiment!!! Belle gang de menteur…
Je me retrouve en effet chez les cousins français… sur un caillou au beau milieu de l’océan Indien… une ile d’à peine plus de 200km de circonférence… à quelques centaines de km du Madagascar. 
Complètement inhabitée jusqu’au 17ème siècle, l’ile de La Réunion a par la suite été colonisée par les français. Ils ont fait venir (de force) des africains (esclaves noirs) pour travailler dans les plantations de sucre, vanille, etc. Quand l’esclavage fut abolie sur l’ile en 1881, les planteurs eurent la « bonne idée » de remplacer les africains par des indiens payés à prix ridicule. Tout ce beau monde (blancs, noirs, indiens) forment aujourd’hui la population de La Réunion… sous la bannière française.  
En effet, La Réunion est un Département Outre Mer (DOM) appartenant à la France. Qu’est-ce que cela veut dire? Eh bien en gros cela veut dire que la France s’est gardé quelques petits paradis sur terre ici et là quand ses colonies ont commencé à se rebeller et demander leur indépendance… question de passer l’hiver bien au chaud en ne quittant pas leur pays. Vite comme ça, on peu penser à la Martinique (dans les Caraïbes), la Polynésie Française (Tahiti), la Guinée Française et Mayotte (une ile tout près du Madagascar et des Comores… je paris que vous n’avez jamais entendu parler des Comores et de Mayotte). Tous ces endroits sont sous la gouverne française et ont l’euro comme monnaie, 
Pas si con que ça les français (con… mais pas si con 🙂
Note au gouvernement canadien; pourquoi ne pas essayer d’annexer Cuba au Canada? Ils ont l’un des meilleurs système de santé au monde, ont un taux d’alphabétisation frôlant les 100%, de fabuleux cigares et ils savent danser. Cuba a un dictateur et est communiste… bahhh… personne n’est parfait!!!
Je m’égare… je parlais donc de ce petit paradis sur Terre qu’est La Réunion. Il y a tout pour être heureux ici;
– Des plages magnifiques… mais en raison de la présence de requins on peut seulement se baigner dans les zones de plages surveillées… et encore là il y a des tragédies chaque année…
– Des vagues parfaites pour le surf… c’était en fait un paradis pour le surf… avant que les requins se pointent il y a une dizaine d’années. Il y a maintenant une interdiction de surf partout autour de l’ile sous peine d’amende sévère… 
– Il reste donc les montagnes. Je n’en dit pas trop à ce sujet puisque ce sera le thème de cet épisode et du suivant.
L’ile peut se diviser comme suit; 

– LA COTE… avec sa multitude de plages et où la très grande majorité de la population habite,
– LES CIRQUES DE CILAOS, SALAZIE ET MAFATE

À La Réunion, un Cirque est une vallée luxuriante entourée de montagne. Véritable spectacle de la nature, les 3 cirques ont été inscrits au patrimoine de l’humanité en 2010 (UNESCO). Peu ou pas du tout développé avant la fin du 19ème siècle, à l’époque des plantations lors de la colonie française (beaucoup d’arbres et territoires montagneux… ce qui rendait les Cirques très difficile d’accès), ils ont longtemps été le repère des esclaves en fuites.
– LE PITON DES NEIGES

Un piton est une montagne. Le Piton des Neiges est un ancien volcan, la plus haute montagne de l’ile à 3070m et se trouve au beau milieu des 3 cirques.

– LE PITON DE LA FOURNAISE… aussi inscrit au patrimoine de l’humanité (UNESCO), c’est un volcan… pour être plus précis… l’un des volcans les plus actifs au monde.
On reparlera plus en détail de chacun de ces endroits… sauf pour la Cote… c’est probablement la dernière fois que vous en entendez parler. 
Autres faits inintéressants pour la plupart d’entre-vous;

– Capitale de l’ile; St-Denis,
– La population totale de l’ile est de 850000 habitants. Il y a plus de 400000 voitures sur l’ile… donc plus de 50% des gens ont une voiture… et ça inclus les enfants, on raconte que toutes les voitures une fois alignées font 5 fois le tour de l’ile. 
– St-Pierre, la plus grande ville, compte environ 70000 habitants,
– Roland Garros est le nom de l’aéroport international de l’ile. Les amateurs de tennis seront familiers avec ce nom puisque c’est le nom des internationaux de tennis de Paris. Roland était originaire de La Réunion et fut le 1er homme à traverser la mer Méditerranée en avion. Il fut aussi l’un des « inventeurs » du combat aérien et tomba au champ d’honneur en 1918 lors de la 1ère Guerre Mondiale.
– En plus du français, la plupart des habitants originaires de l’ile parlent le créole. Le créole est un dialecte qui était utilisé par les esclaves. Bien que dérivé du français, il m’est absolument impossible de comprendre quelqu’un qui parle le créole. 
Bon… voilà… Vous en savez un peu plus sur l’endroit. 
Je peux voyager maintenant? 

Jour 1 – LEÇON D’HUMILITÉ
06.00 – 20 avril 2016 – St-Pierre
À la base, l’idée était de me reposer en faisant tranquillement le tour de l’ile pour les 5 premiers jours de mon périple sur l’ile afin de faire le plein d’énergie et ensuite entreprendre « La Grande Traversée » le 25 avril.
Tout ce que je peux dire c’est que ce plan a foiré dès que j’ai vu les montagnes… j’avais envi de faire de la randonnée et tout de suite. 
Ce que monsieur veut, monsieur l’aura…
Direction Cilaos dans le Cirque de Cilaos. 
Après avoir négocié une route en lacets très serrés entre montagnes et falaises… les roues du bus passant à moins de 1m du vide à quelques reprises… chapeau conducteur… je me retrouvais à 1200m d’altitude dans le village de Cilaos. Cilaos, mot dérivé de la langue malgache signifiant « le pays qu’on ne quitte jamais »… et je comprenais très bien pourquoi on avait appelé l’endroit ainsi au premier coup d’oeil.
Le contraste entre la Cote et le centre de l’ile était frappant. Alors que la Cote était hyper urbanisée, le Cirque de Cilaos respirait la sérénité et l’authenticité. Ici la nature était vraiment à l’avant plan. Je me retrouvais au beau milieu d’une vallée toute verte entourée d’immenses montagnes… je dirais même plus… des montagnes aux apparences de murs infranchissables. Mis à part la route que j’avais prise pour arriver ici, toutes les autres directions n’étaient desservies que par des sentiers pédestres.

10.00am – C’est un départ. 
Puisque j’allais marcher la plupart des sentiers importants de l’ile lors de la Grande Traversée, j’avais choisi de faire le « Tour des Cirques », une randonnée très réputée sur l’ile et connue sous le nom de GR R1 (Grande Randonnée Réunion no.1). D’une durée de 3.5jours, celle-ci me permettrait de faire une répétition générale pour voir si tout était ok (condition physique, sac à dos, bottes, etc.). J’allais aussi pouvoir découvrir le Cirque de Salazie, complètement ignoré lors de la Grande Traversée. 
C’est donc chargé comme une mule que je commençais mon périple. Mon sac était tellement lourd que j’avais l’impression de porter un piano… j’avais pourtant pris le strict minimum et laissé le reste dans mon gros sac à l’Info Touristique. 
Peu importe… direction « La Nouvelle » à 18km de là.

            
Après 3h30 de marche, je n’avais couvert que 7.5km. J’avais passé ces 3h30 à jouer à serpents et échelles; monter, descendre, monter, descendre. J’étais environ à la même altitude que mon point de départ (1200m) et j’étais au pied du Col de Taibit (2090m). Le Col (passage pour franchir la montagne) se trouvait à mi-chemin de mon itinéraire du jour…
Le moins que l’on puisse dire c’est que les réunionnais ne plaisantent pas quand ils indiquent le temps de marche pour se rendre jusqu’à une destination. Partout ailleurs dans le monde, quand on vous dit que ça va prendre 5 à 6 heures de marche… cela signifie que vous allez boucler votre trajet en moins de 4 heures. À La Réunion, si c’est écrit que « La Nouvelle » se trouve à 6 heures de marche, vous serez chanceux si vous y terminez votre périple en 6 heures.

            
À 15.00 tapant, soit après 5h de marche, et après avoir réalisé que mon cardio était déficient, j’atteignais finalement le sommet du Col. Je quittais le Cirque de Cilaos pour basculer dans le Cirque de Mafate. 
En me retournant je pouvais voir le village de Cilaos, la ville de St-Pierre sur la Cote (où j’avais dormi la veille), de même que l’océan Indien à l’horizon. 

      
Fraichement arrivé dans le Cirque de Mafate, j’étais accueilli par une brume extrêmement dense. Il n’y avait pas moyen de voir à 20m autour de moi. On m’avait expliqué que ce type de température était typique des cirques; il faisait généralement beau soleil sans nuage le matin jusqu’à 9 ou 10 heure… 11 heure si vous étiez chanceux, pour ensuite laisser la place aux nuages pour le reste de la journée. Il fallait donc se lever le plus tôt possible pour profiter au maximum des paysages de La Réunion.
J’avais maintenant à descendre tout ce que je venais de monter pour me rendre jusqu’à Marla. Comme tous les autres villages situés dans le Cirque de Mafate, Marla n’était accessible seulement que par des sentiers pédestres. En d’autres mots, il n’y a pas de route et pas de voitures dans Mafate… les livraisons et évacuations d’urgence se faisant par hélicoptère. 
Une fois Marla passé, il ne restait plus que 5km… mais il a fallu que la pluie se mette de la partie. Remarquez que mes vêtements étaient déjà imbibés de sueur… donc ça ne changeait pas grand chose. J’ai achevé la grand nettoyage en prenant le mauvais embranchement pour me retrouver à marcher dans une chute…
Après avoir fini par croire que le village de La Nouvelle n’existait pas tellement ces 5km étaient interminables… le village était finalement à portée de vue.
Bon… il faut bien se comprendre… quand je parle de « village », je parle d’une douzaine de cabanes éparpillées sur un sommet de montagne.
Au total, j’avais marché 18km, monté +1100m et descendu -1200m… en 7h de marche…
Respect Réunion… Je t’avais manqué de respect en arrivant ici avec mon excès de confiance… et tu me l’avais mis dans les dents toute la journée durant. Les randonnées sur cette ile n’étaient définitivement pas pour des amateurs…
Bon… l’odeur de la nourriture concocté par le maitre du gite avait atteinte mes narines… j’étais conquis. 

Jour 2 – MOI ET MON PIANO
07.30 – 21 avril 2016 – La Nouvelle
Après un petit déjeuner tout sauf copieux (du pain… c’est tout)… pour 7 euros, j’enfilais mes bottes puantes (déjà), remettais mon piano sur les épaules et reprenais le sentier. 

              
Direction Hellbourg, 18km plus loin dans le Cirque de Salazie « juste à coté » du Cirque de Mafate dans lequel je me trouvais. Changer de Cirque signifiait franchir une montagne… qui donnait l’impression d’être un mur… par un col. Concrètement, cela signifiait qu’il fallait monter, pour redescendre par la suite. 

                  
La montée vers le Col de la Fourche était beaucoup plus facile que celle jusqu’au Col d’hier. Il y avait de nombreuses sections planes pour souffler un peu. Pour les non initiés, il faut savoir que lors d’une ascension, chaque section plane du sentier est accueilli comme une délivrance. 
L’une de ces sections planes était la très photogénique « forêt des tamarins ». Le silence et les rayons du soleil qui perçait au travers des tamarins (arbres) donnaient à cet endroit des airs d’havre de paix. J’en oubliais presque mon piano… presque.

   
   
    
 En moins de 2 heures, j’avais atteint le col (2000m). L’absence de nuage me permettait d’avoir une vue d’ensemble des 2 cirques… tout simplement sublime. D’un coté le cirque de Mafate avec sa végétation luxuriante et sa quasi absence de civilisation, et de l’autre le cirque de Salazie, tout aussi impressionnant mais avec des traces évidentes de civilisation ici et là.

                        
Le timing était quasiment parfait puisque les 2 cirques allaient se couvrir rapidement de nuages quelques minutes plus tard. Une fois recouvert de nuages, rien ne pourrait laisser présager un tel spectacle… une grâce matinée aurait pu couter très cher. 
Penser que la randonnée était dans la poche parce que j’avais atteint le col et qu’il ne me restait qu’à descendre jusqu’à Hellbourg à 12km et 1100m plus bas aurait été une grave erreur. La descente fut looooongue… mais sans trop de casse… en grande partie en raison d’un sentier très bien défriché et à l’absence de pluie… qui aurait pu transformer le tout en une véritable patinoire. 

                          
14.30 – 7 heures après mon départ, +900m d’ascension et -1100m de descente, j’enlevais finalement mes 2 bombes puantes… communément appelé bottes… dans mon nouveau chez moi pour la nuit… une charmante case créole colorée… avec un hôte tout aussi coloré.. dans le hyper coloré village de Hellbourg… j’ai dit coloré?!?

                        
Case Créole?!? Petite maison carrée en bois et peinte d’une couleur éclatante… les cases étaient à l’origine les habitations construites par les esclaves en fuite. Ça faisait penser aux Iles de la Madeleine… mais dans les montagnes. 
Perché à 900m d’altitude dans un coin du cirque de Salazie, Hellbourg, avec ses jolies petites maisons, se méritait pleinement son classement dans les plus beaux villages de France. Hellbourg était en fait le seul village hors France métropolitaine (la France en Europe) à être dans ce classement. 

Jour 3 – JOURNÉE DE « CONGÉ »
10.00 – 22 avril 2016 – Hellbourg
J’avais osé faire la grâce mâtinée jusqu’à 10h ce matin. Je croyais que ce serait une journée hyper facile. En effet, j’avais un peu moins de 10km à marcher… facile… les 2 doigts dans le nez. 
Je n’aurais pas pu mieux… me tromper. 
C’était sans compter que le trajet était une ascension de +1600m sans relâche dès le départ… question de faire remonter mon déjeuner… sur un sentier de roches et de grosses racines glissantes… dans des escaliers au mieux casse-gueulle… avec des marches faites pour des géants. 
Certains se demanderons surement pourquoi choisir de subir toutes ces épreuves si il n’en résulte que souffrance. Je répondrais à cela que oui c’est difficile, oui je souffre mentalement et surtout physiquement… mais j’adore ça. J’adore me dépasser, aller où les gens ne vont pas, monter des montagnes, voir des paysages grandioses en direct… non pas devant un écran de télé ou d’ordinateur. 
C’est en faisant ce genre d’activités que je me sens vivant… beaucoup plus qu’en travaillant dans un bureau 5 jours sur 7. Oui il y a des moments très pénible, mais dans la vie, à vaincre sans adversité on triomphe sans gloire… et ce qui est facile est accessible à tous… et je ne fais pas dans la facilité… je fais dans l’exception et le dépassement de soi. 
À la fin de la journée… quand tout est fini, j’enlève mes bottes, cri intérieurement « L I B E R T É » (comme le ferait Mel Gibson dans le film « Coeur Vaillant ») et me met à la recherche d’une bière… et ça recommence le lendemain matin… Ça c’est la vie avec un Grand V. 
Vous pouvez maintenant choisir entre la pilule bleu et la pilule rouge. La pilule bleu vous fera oublier tout ce que je viens de dire et vous retournerez à vos téléromans… ne ratez surtout pas La Voix pour être en état d’extase devant le nouveau has been. 
Vous pouvez aussi décider de prendre la pilule rouge et suivre le lapin blanc. Vous avez un rêve… réalisez le. Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, il n’est jamais trop tard. Regardez-moi, je suis une personne ordinaire qui fait des choses extraordinaires. En fait, je ne fais rien d’extraordinaire… je ne fais que réaliser mes rêves. Ce n’est pas plus compliqué. Ce qui est compliqué est de ce lancer.
Fin de la parenthèse…

Où est-ce que j’en était?!? Ahhh oui… à souffrir…

                              
Avec 4km à faire, une immense et peu invitante paroi végétale se dressait devant moi au travers de la brume. Mon GPS affichait 1850m d’altitude… et ma destination du jour se trouvait à 2480m… je devrais vaincre ce mur… ce qui fut chose faite au prix de beaucoup d’huile de genoux. 

En récapitulatif, c’est probablement le pire (difficile) sentier que j’ai pris de ma vie.

          
On pouvait maintenant apercevoir mon refuge à 2km de là. Le problème quand on voit notre objectif de si loin c’est que notre cerveau se croit arrivé… et là la randonnée devient I N T E R M I N A B L E. 
15h30 – mes bottes était rangé dans un coin du refuge à empester tranquille et j’avais une bière à la main. J’allais passer la nuit au refuge de la Caverne Dufour. Perché à 2480m sur l’un des flancs du Piton des Neiges (plus haute montagne de l’ile pour ceux qui ont oublié), le refuge se trouvait en plein coeur d’une toundra (forêt de très petits arbres). 
Après un repas copieux composé de saucisse rougail, met typique de l’ile, les nuages nous avaient fait l’honneur de décamper en même temps que le soleil et je restait dehors dans la nuit glaciale à regarder les étoiles et la Cote en contrebas. 

Jour 4 – AU SOMMET DE L’OCEAN INDIEN
04.00 – 23 avril 2016 – Refuge de la Caverne Dufour
Le soleil dormait encore sur ses 2 oreilles que j’étais déjà sur le sentier. Armé de ma lampe frontale, j’étais à monter les derniers 600 mètres qui me séparaient du sommet du Piton des Neiges. Toute l’ile de La Réunion allait être sous mes pieds avant le lever du soleil.
Avec un sac hyper léger (je n’avais apporté que 2 bouteilles d’eau… laissant le reste au refuge) j’avais l’impression de voler. Il fallait simplement faire attention de ne pas voler en éclat en me plantant sur l’une des nombreuses roches parsemant le sentier et qui n’attendaient que cela.
Malgré le noir total, le sentier était assez simple; il suffisait de suivre les très fréquentes traces blanches sur les roches…
5h45 – 3071m… j’avais atteint le sommet du Piton des Neiges… piton qui n’avait jamais vu de neiges soit dit en passant. Très loin d’être mon plus haut sommet à vie, c’était quand même la plus haute montagne de tout l’océan Indien.
La Cote avait complètement disparue sous un dense couvert de nuages qui semblait attendre le lever du soleil pour attaquer l’ile. On pouvait aussi voir un sentier lumineux sur le flanc de la montagne. Chaque faisceau de lumière représentait une personne en quête du sommet.

Ne restait qu’à attendre l’invité vedette… le soleil… qui se laissait désirer… dans la nuit glaciale. En fait, tout le monde qui avait réalisé l’ascension se les gelaient… sauf moi. J’avais prévu le coup en portant mes vêtements d’hiver. Alors que les autres sautillaient pour se réchauffer, je transpirais de chaleur hehe.

                                        
Le soleil a fait son show… et tout le monde est redescendu en vitesse au refuge. Un déjeuner infecte plus tard que je repartais avec mon piano pour descendre les 8km et 1300m qui me séparaient encore de Cilaos. 
Heureusement pour moi, le sentier était incroyable et offrait une vue imprenable sur tout le cirque de Cilaos. J’en ai vu des paysages de montagne, mais cette vue là est l’une des plus belles que j’ai pu voir de toute ma vie. C’était tout ce qu’il me fallait pour effacer l’ardoise de fatigue et me redonner un nouveau souffle. De plus, le sentier était sur un flanc de montagne complètement à l’ombre. 

Une vue magnifique + de l’ombre = tout ce qu’un randonneur pouvait demander.     

  

    

    

      

LE PAYS QU’ON NE QUITTE JAMAIS
Une fois de retour à Cilaos, la partie « repos » de mon périple à La Réunion tirait à sa fin. Les choses sérieuses allaient commencer sous peu (rire jaune)…
Le lendemain matin, il n’y aurait pas de réveil avant le lever du soleil, pas de marche en montagne… mais je devais me rendre à St-Denis, point de départ de la Grande Traversée de l’ile… une randonnée de 13jours… que j’allais entreprendre le surlendemain.
Jusqu’à maintenant l’ile comblait toutes mes attentes… et Dieu sait que j’avais des attentes extrêmement élevés envers La Réunion. Le centre de l’ile me coupait le souffle… au sens propre comme au figuré. Une ile minuscule… avec des paysages grandioses.
Je n’osais imaginer ce que me réservais la suite… mais ça c’est pour une autre histoire. 

P.S. I – Impossible d’y échapper quand on se trouve dans l’océan Indien… même à La Réunion… le riz fait parti intégrante de l’alimentation. Au moins le petit déjeuner est servi sans riz… une amélioration par rapport au Madagascar.
P.S. II – La bière locale se nomme « Bourbon »… et ne contient aucun bourbon. 
P.S. III – L’ile de La Réunion pourrait très bien être rebaptisée « l’ile de la grenouille ». Mis à part des oiseaux et animaux domestiques, c’est le seul animal que j’ai croisé… il y en a partout dans les sentiers.
P.S. IIII – « La Diagonale des fous ». C’est le nom de la course extrême qui se déroule tous les ans à La Réunion. Elle consiste à courir les sentiers de l’ile. Le gagnant de l’an dernier a terminé l’épreuve en 22heures. Le départ se fait de nuit à 22.00 et les participant ont 60 heures pour compléter l’épreuve. On raconte qu’en moyenne 2 personnes perdent la vie chaque année lors de la course. Pas difficile à croire quand on pense aux sentiers dans lesquels les athlètes courent… additionné au manque de sommeil. À tout moment, on croise des hommes courant dans les sentiers… ce sont des fou qui se pratiquent. 
P.S. IIII – « not parc, not patrimoine, not fierté », c’est la devise de l’ile. Vous comprendrez que « not » est le mot créole pour « notre ».