Épisode 36 – Melaka; Il fut un temps…
7 novembre 2013
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La Malaisie… encore… mais cette fois c’est la Péninsule de la Malaisie (sur le continent Sud-Asiatique), et non sur l’Ile de Borneo.
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Après m’être couché aux petites heures du matin, je suis dans un bus qui vient à peine de passer la frontière (pont de moins de 1km) qui sépare Singapour de la Malaisie. Après 4 merveilleux jours passés à Singapour, mon portefeuille m’urgeait de plier bagage.
Les bus faisant la liaison Singapour – Malaisie sont pour le moins spécial. C’est sans aucun doute le bus le plus luxueux dans lequel j’ai pu embarquer de ma vie. Là où un bus normal aurait de 4 à 5 bancs de large… le bus en avait seulement 3… de véritables lay-z-boy… pas besoin de dire que j’aurais voulu que la promenade soit plus longue que les maigres 4 heures à faire.
J’adore prendre les bus et les avions. Quand je suis dans ces transport, je sais que je n’ai rien à décider pour quelques heures… j’ai juste à me reposer et mettre mon cerveau à off… pas mal la seule occasion mis à part dormir (et même là) que ça peut arriver. Cependant, plus le trajet avance, plus la machine commence à redémarrer, un peu avant qu’’on arrive, j’essaie de trouver des points de repères, je regarde le nom des rues, etc. afin d’être fin près a ma sorti.
Étant arrivé à Singapour ‘’on shoestrings (en flip flop)’’, je quitte ‘’on A shoestring (sur 1 flip flop… donc nu pied)’’. Comme je l’ai raconté dans l’épisode précédent, l’une de mes flip flops a décidé de rendre l’âme la nuit avant mon départ… je n’ai donc pas pu aller en acheter d’autres puisque les magasins étaient fermés. Malgré tout, il faut observer la situation objectivement, j’ai acheté ces flip flop au Sri Lanka il y a plus de 6mois pour 50cents… un très bon retour sur l’investissement.
Bref, c’est pied nu que j’ai pris le métro pour me rendre jusqu’à la station de bus avec tout mon stock sur le dos, c’est pied nu que j’ai traversé la frontière Singapour/Malaisie et c’est pied nu que je suis arrivé à Melaka…
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MELAKA (MALACCA)… IL FUT UN TEMPS
Premier stop de mon nouveau périple en Malaisie, Melaka est une ville de 600 000habitants à mi-chemin entre les 2 mégapoles de Singapour (voir épisode 35) et Kuala Lumpur (capitale de la Malaisie et ma prochaine destination).
Ville de bord de mer… ceux qui voudraient aller là-bas pour les plages devraient tout de suite rayer l’endroit de leur liste; il n’y a pas de plage et le bord de mer n’est pas accessible au touriste pour la grande majorité… Melaka est décrite dans le Lonely Planet comme étant de toute beauté et un véritable havre de paix. Pour une rare fois, ils ne se sont pas trompés. Outre la ville moderne qui est sans aucun intérêt, le noyau intéressant est formé de 3 secteurs limitrophes; le Little India, intéressant, mais sans plus… la colline historique et son pourtour, l’endroit où la très grande majorité des vieux édifices datant de l’époque coloniale se situent… et le Chinatown, ni plus ni moins le cœur de la ville. C’est 3 secteurs sont traversés par une majestueuse rivière qui fait tout le charme de Melaka.
Simple destination touristique pour ceux qui auraient du temps à tuer entre Singapour et Kuala Lumpur, qui pourrait croire que cette ville au eu une importance majeure dans l’histoire de l’Asie du Sud-Est. Il y a de cela quelques siècles, à l’époque où le commerce des épices était à son plus fort entre l’Europe et les Indes, Melaka était l’un des ports… et incidemment l’une des villes… les plus importants du monde.
Bien avant les Singapour et Kuala Lumpur de ce moment, Melaka a représenté une plaque tournante en Asie, et ce, pendant plus de 1000ans, soit des environs de l’an 800 ou 900 à son très lent déclin amorcé au 19ème siècle. En effet, avant que les grandes explorations européennes se rendent jusqu’en Asie et découvre l’endroit, des traités commerciaux avaient déjà été signé entre le Sultana de Melaka (État dirigé par un Sultan) avec l’empire chinois, les arabes du Moyen-Orient, le Siam et l’ile de Java.
D’ailleurs, Melaka fut la porte d’entrée de l’islam en Asie… si la grande majorité des pays et iles d’Asie du Sud-Est sont aujourd’hui de foi musulmane, ils peuvent dire un gros merci (ou pas… c’est selon) aux marchants arabes qui faisait escale à Melaka et qui ont faits un très bon ‘’travail’’ à l’époque.
Puis, le Sultana fut renversé par les portugais en 1511. De cette période, il ne reste rien mis à part le très riche et unique héritage culinaire que l’on retrouve ici et résultat de la fusion entre la cuisine traditionnelle d’ici et la cuisine portugaise.
Le règne des portugais sur Melaka fut cependant écourté par les hollandais qui prirent le contrôle de l’endroit en 1641. Ceux-ci ont régné en roi et maitre sur Melaka pendant plus de 200ans et ont laissé une trace bien visible et indélébile sur l’endroit, alors que bon nombre des bâtiments historiques datent de l’époque hollandaise et qui sont concentrés autour de la petite colline au centre de la ville.
Sur la colline se trouve notamment l’église St-Paul. Bâti à l’origine par un navigateur portugais qui avait survécu à des attaques de pirates, c’est la plus vieille église d’Asie. Au fil du temps, elle est passée d’une simple chapelle, à une véritable église, à une forteresse, à une église à nouveau. En plus d’être la plus vieille, elle est aussi fameuse pour avoir été la demeure de Saint Francois Xavier, célèbre missionnaire catholique, durant plus de 9ans au 16ème siècle. Il n’en reste aujourd’hui que des ruines (les murs très imposants), le reste ayant disparu depuis très longtemps.
Sous les règnes portugais et hollandais, Melaka se développa et prit de plus en plus d’ampleur… jusqu’au jour où un très petit français eu l’idée de conquérir l’Europe (imaginez-vous tous les européens parler français aujourd’hui… ca fait froid dans le dos)… je parle bien sur du Grand Petit Napoléon Bonaparte. C’est quoi le rapport avec l’Asie?!? Voulant maximiser leur chance de repousser l’envahisseur français, les hollandais ont décidé de rapatrier toute leur force qui se trouvait outre-mer. D’un commun accord, ils ont alors cédé Melaka aux Britanniques… sous condition que l’endroit leur soit rendu une fois qu’ils en auraient fini avec le petit bonhomme bleu…
Sous le contrôle des britanniques, le déclin de Melaka s’est accéléré de manière exponentielle. Ceux-ci avaient déjà fondé les colonies de Georgetown un peu plus au Nord et de Singapour plus au Sud. Ils n’avaient donc que faire de Melaka… qui tomba peu à peu dans un état de décrépitude.
À leur reprise de possession de l’endroit, les hollandais se sont vite lassés de l’endroit notamment en raison du fait que la rivière, représentant le principal attrait de l’endroit en raison de son eau profonde qui permettait au bateau d’y accoster, avait rétréci considérablement et ne pouvaient plus accueillir les bateaux de plus en plus gros.
À partir de là, Melaka a tranquillement été oublier de tous pour finalement renaitre il y a quelques décennies en raison de l’attrait touristique grandissant de l’endroit. L’endroit fut finalement déclaré site de l’UNESCO en 2008.
Cet endroit allait donc être mon terrain de jeu pour les prochains jours…
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Après avoir trouvé une belle guesthouse pour pas cher (tout est pas cher à comparé à Singapour), j’ai entrepris de marcher pieds nus jusqu’au centre d’achat afin de m’acheter de nouvelles flip flop…
Un peu fatigué et trainant toujours ma vilaine grippe datant de ma fin de séjour aux Philippines, je grandement ralenti le tempo depuis mon arrivé sur le continent. Cela ne m’empêche par contre pas de marcher plus de 15-20km par jour. J’ai aussi fini par comprendre pourquoi j’étais tout le temps fatigué, que je m’endormais vers la fin de l’après-midi et que je ne dormais pas la nuit… je suis décalage horaire… plutôt drôle quand on pense que je voyage depuis maintenant 9 mois et que cela ne m’était jamais arrivé auparavant. L’explication tient essentiellement au fait que les Philippines et Singapour se trouvent dans le même fuseau horaire même si j’ai volé 4h plein Ouest pour me rendre de Manille à Singapour.
J’avais prévu passer en coup de vent ici, pour me diriger vers Kuala Lumpur, mais j’ai changé mon fusil d’épaule à la minute où j’ai posé les yeux sur la rivière, tout mon stress et ma fatigue se sont envolés et je me suis tout de suite senti revigoré. Comment ne pas aimer l’endroit…
J’ai donc passé les jours suivants à arpenter les rues du Chinatown…
À visiter les bâtiments historiques…
La vieille église sur la colline…
Le bateau musée…
À regarder le coucher de soleil du haut de la colline près de la vieille église et surplombant la ville…
À relaxer sur le toit-terrasse de mon auberge…
Et monter et descendre la rivière sur plusieurs kilomètres… mon passe-temps préféré.
À ce sujet, en revenant d’une marche quelconque, j’ai aperçu un lézard qui nageait dans la rivière… c’était soit une jeune crocodile ou un lézard monitor… dans les 2 cas, il était maintenant hors de question que je me baigne… mais bon, cela n’avait jamais été à l’ordre du jour (l’eau est dégoutante).
Je profite ensuite de mes fins de soirée pour quitter ma petite chambre sans fenêtre et m’enfermer dans la superbe Suite inoccupée juste en face et ayant vu sur la rivière. Étant au dernier niveau d’une auberge où je suis probablement le seul occupant, qu’est-ce qui peut m’arriver… j’en profite donc pour écrire mes aventures bien tranquille et dans le confort.
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BON APPÉTIT
Bon, j’ai déjà établi plus tôt dans mon épisode que Melaka est fait sur mesure pour ceux qui veulent voir de la belle architecture patrimoniale et pour les fervents d’Histoire… et que ceux à la recherche de plage devrait passer leur chemin. Eh bien, il faudrait aussi ajouter à la liste des gens qui tomberaient en amour avec cet endroit, les épicuriens… les vrais de vrai… ceux qui n’ont pas peur d’essayer de nouvelles choses… et quand on parle de nouvelles choses, il y a une tonne de mets que je n’avais jamais vu nulle avant (on peu faire cela avec de la nourriture… eh bien…).
Si l’architecture de la ville a été marquée à jamais par l’époque hollandaise… la nourriture l’a été par l’époque portugaise. Au niveau culinaire, Melaka est unique en Malaisie et peut-être en Asie. On y retrouve pas moins d’une bonne dizaine de plat résultat d’une fusion entre la nourriture traditionnelle des Malay d’ici (Nonya) et celle portugaise…
Melaka est assurément l’endroit où j’ai mis à rude épreuve mes papilles gustatives et mon estomac de tout mon voyage. La plupart du temps, je n’avais aucune idée (je n’en ai toujours aucune idée) de qu’est-ce que je pouvais bien manger. Je me promenais et voyais une image devant un resto ‘’oh… regarde estomac… j’ai jamais vu ca… allons l’essayer’’ et juste avant que mon estomac ait le temps de dire ‘’NOOOOON’’, j’étais à l’intérieur à commander.
À ne pas manquer, le Jonker’s Walk Night Marker; le vendredi et samedi soir…
La rue principale du Chinatown, donc Jonker avenue, est fermée aux voitures et une quantité insensée de kiosques font leur apparition. Alors que la très grande majorité sont occupés par des vendeurs de cossins, il suffit d’être patient et d’avoir les yeux… et surtout le nez… grand ouvert et vous trouverez de véritable petits bijoux de kiosques vendant de la nourriture. Durant l’heure que j’ai marché dans la rue, je me suis arrêté un peu partout et j’ai rempli mon estomac de plein de chose en ayant absolument aucune idée de qu’est-ce que je mangeais (vive le fait de n’avoir aucune allergie). En fait, si ça sentait bon et si ça avait l’air bon au look, je l’achetais… Il y a un kiosque en particulier qui m’a fait une forte impression. Le cuisinier préparait quelque chose dans un immense wok. Je croyais que c’était du bœuf, pour ensuite penser que c’était du poulet et finalement y gouter et être complètement perdu… peu importe, l’important c’est que c’était délicieux.
Le repas le plus mémorable restera celui que j’ai eu au restaurant Jonker 88, situé en plein cœur du Chinatown sur la très touristique Jonker street. Bon, j’ai du faire la file pendant plus d’une heure… à me faire frôler par les est! de chauffards malaysiens… avant de pouvoir commander et entrer à l’intérieur du resto, mais ça en a valu pleinement la peine. Que dire de plus que WOW… j’ai pris un Baba Laksa (il est possible de prendre des Laksa partout ailleurs en Malaisie, mais le Baba Laksa est différent). J’avais donc devant moi une soupe au lait de noix de coco très épicé, comprenant des pâtes, des crevettes, des boules de poissons frits, du pain très bizarre (enfin, je crois que c’était du pain) et une tonne d’autres éléments que je n’ai pas été en mesure d’identifier. Comme si cela n’était pas assez, j’ai aussi commandé Cendol, espèce de crème glacé/slush avec du fondant au chocolat dessus. Je voulais cela simplement comme désert, mais le plat était presque aussi gros que mon repas… on ne s’en plaindra pas… Au final, les 2 assiettes étaient vide… plus aucun liquide/solide… rien… tellement qu’ils auraient pu se servir des 2 assiettes tout de suite après tellement elles étaient nickel. Tout le long du repas, j’ai alterné entre le Baba Laksa (chaud et très épicé) et le Cendol (froid et très froid). J’avais donc les yeux qui pleuraient et le nez qui coulait… et la seconde d’après j’avais le cerveau complètement gelé et un glaçon qui pendait sur le bord du nez. Ajoutez à cela que comme dans la plupart des restaurants asiatiques, il n’y a pas d’essuie-tout… je donnais donc l’impression d’avoir fondu en larme en sortant de là.
Au niveau gout, cette expérience fut un succès. Il ne reste plus qu’à voir si je passerais le test du temps. J’imagine très bien la réaction de mon estomac quand elle a vu les 2 plats que je venais de commander via le nouvel écran plat qui vient d’être installé dans la salle de contrôle de mon estomac et qui retransmet Live ce que mes yeux voient; ‘’WTF… Come On Nik… tu nous fais travailler jour et nuit depuis 2 jours à traiter des choses que nous n’avons jamais vu auparavant… mes gars sont complètement crevés et tu nous arrives avec 2 nouveaux plats bourrés de saloperies en même temps… le jour où je vais monter dans ton cerveau, parce que non je ne resterais pas toujours dans ce trou à ras qu’est ton estomac, tu vas voir de quel bois je me chauffe’’… ouais ouais… des menaces… pour l’instant aide moi à digérer et ferme la…
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En cette journée pluvieuse, je quitte Melaka de reculons. Cet endroit possède un magnétisme bien à lui et est une escale à ne pas manquer pour tout amateur d’architecture patrimoniale, fervent d’histoire et glouton. Propagez la bonne nouvelle mes frères… et sœurs… euh… bon, il est temps que je m’achète un chapeau/casquette, je commence à délirer en raison des coups de soleil répétés…
Je serais resté plus longtemps à Melaka simplement pour essayer toutes les choses bizarres que j’ai vues dans les stands, mais comme il est difficile d’avoir plus de 5 repas par jour comme depuis que je suis arrivé ici, et que j’ai fait le tour des attractions en ville… j’ai besoin de changer d’air… et ce changement d’air a pour nom Kuala Lumpur…
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P.S. I – Note intéressante… pour moi… donc complètement inintéressante pour vous, toutes les rues de Melaka sont à sens unique. Il faut donc avoir un bon sens de l’orientation et avoir le moindrement regardé comment se rendre à un endroit si on veut louer une voiture ou un scooter. Autrement, la balade risque d’être looooongue, vous allez être perdu assez vite et la destination finale pas nécessairement celle que vous vouliez.
P.S. II – Seul point négatif de Melaka, et ce n’est pas uniquement Melaka, mais bien généralisé à toute la Malaisie, les voitures se foutent complètement des piétons et rare sont les trottoirs. Gare à vos fesses quand vous marchez dans la rue…
P.S. III – Vous auriez de la misère à deviner qu’est-ce qui se trouve au milieu de la ville de Melaka, à l’endroit le plus stratégique… je vous le donne en mille; un Hard Rock Café… et moi qui pensais que tous ces restaurants avaient disparu de la surface de la Terre en même temps que les dinosaures…
P.S. IIII – Les gens sont complètement fou ici (Asie du Sud-Est). Dans la plupart des bâtiments, l’air climatisé est dans le TAPIS… vous pouvez à peine comprendre comment il peut faire froid. Tout un contraste avec la chaleur et l’humidité à l’extérieur. Bref, l’autre jour j’étais dans mon dortoir à travailler bien tranquillement… il y avait de l’air climatisé juste assez tempéré pour être agréable… puis la femme de ménage est entrée et a allumé le ventilateur… je l’ai regardé complètement abasourdi et je lui ai dit ‘’could you stop the fan please (pourriez-vous arrêter le ventilateur)’’… et elle m’a répondu ‘’but sir… it’s really hot here (mais monsieur… il fait vraiment chaud)’’… ce qui était complètement faux… bref, cette petite anecdote pour illustrer comment les gens sont tombés sur la tête.
P.S. IIIII – Il y a déjà quelques années de cela, alors que j’étais à terminer ma maitrise à l’université, mon mentor et ami Jacques Plante m’a recommandé une lecture qui a changé ma façon de voir les villes; ‘’Les villes imaginaires’’ de Italo Calvino. Ce tout petit livre de poche très facile à lire offre une vision différente des environnements urbains dans lesquels nous visons. Pourquoi je vous parle de ce livre, parce qu’il m’est revenu en mémoire à me promener dans Singapour et Melaka. Ce petit livre a eu une grande influence sur moi, je recommande donc cette lecture à tous… vous pourrez voyager sans quitter votre salon.
P.S. IIIII – En plein centre-ville de Melaka, on retrouve le nom de Québec City marqué en grosse lettre? Pourquoi?!? une image vaut 1000 mots…
J’aime beaucoup toute la nourriture dont tu nous parles. Ça nous donne envie de manger….