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Épisode 102 – Nahuel Huapi… la fois où je pensais faire un trek facile… ouch

 Les lumières du bus fendaient la noirceur de la nuit sur la Ruta 40 au travers de la plaine infinie qu’est la Patagonie argentinienne… que des buissons à perte de vue sur 360 degrés.

Après avoir roulé toute la nuit, changé de bus en matinée, et roulé toute la journée, j’arrivais finalement à destination 25heures après mon départ de El Chalten;
B A R I L O C H E
Ce nom avait été sur beaucoup de lèvres depuis mon arrivé en Amérique du Sud… comme dans « Tu dois à tous prix passer par B… ».
Eh bien, j’y étais… déjà… que le temps passe vite… je suis « déjà » à remonter vers le Canada 😉
Il y a de tout pour tout le monde à Bariloche; destination no.1 pour skier dans les Andes en hiver (avril à septembre… mais surtout juin à aout) et Mecque de la randonnée et du plein air en été… ou farniente (avec une bouteille de vin) sur le bord d’un lac avec une vue de fou à l’année longue. Bariloche a tout d’un Chamonix Argentin… peut-être du Chamonix sud américain point à la ligne. Il n’y a probablement que Pucon et Puerto Varas (au Chili) qui peuvent se rapprocher de Bariloche, mais en moins connus, et qui sont toutes les 2 à seulement quelques centaines de km.
À Bariloche je ne suis plus en Patagonie (même si le slogan de la ville est « La Porte d’Entrée en Patagonie » (on joue avec les mots). Je suis désormais dans la province des Los Lagos (Les Lacs).
Bariloche, mot Mapuche (les natif qui vivaient là avant d’être chassés au milieu du 19ème siècle), signifie « le peuple derrière la montagne. Fondée par des immigrants allemands au 19ème siècle, une légende locale veut que Adolf Hitler et sa compagne Eva Braun se soient réfugiés à Bariloche après la 2ème Guerre Mondiale. Ils y auraient vécu jusqu’aux années 60. Les corps de Adolf Hitler et sa compagne Eva Braun n’ayant jamais été retrouvé, L’Histoire veut que les 2 soient morts lors des derniers jours de la guerre, mais leur corps n’ont jamais été retrouvés. Des livres et 1 film ont d’ailleurs été faits à ce sujet. Pour clore le sujet, un ancien SS a été retrouvé à Bariloche en 1995. Il avait changé d’identité et était le directeur de l’école.
J’arrivais à Bariloche avec l’intention de faire une randonnée de plusieurs jours (quelle surprise) dans le Parque Nahuel Huapi… le plus vieux Parque Nacional d’Argentine.

NAHUEL HUAPI
Parque Nacional le plus visité d’Argentine, Nahuel Huapi offre un mélange de forêt, de montagnes frôlants les 2000-3000m, et de jolies lacs. Le Parque est super bien aménagé avec une multitude de refuges et une des tonnes de sentiers pour l’explorer du nord au sud, de haut en bas.
En suivants les conseils d’un couple de brésiliens rencontré quelques semaines plus tôt à Puerto Williams, je décidais de m’attaquer à la randonnée des « Los Cinco Lagos (Les 5 Lacs) », les 5 lagos étant le Negra, le CAB, le Creton, le Azul et le Ilon; « Avez cette randonnée, tu vas éviter la horde de touristes, avoir un bon défit devant toi et voir de supers panoramas ».
On m’avait conseillé de le faire en 4-5jours… je planifiais le faire en 2.5jours, tout en et y ajoutant (en extra) l’ascension du volcan Tronador jusqu’au Refugio Otto Meiling… pour un total de 4jours/3nuits.
Sur de moi, j’avais même réservé mon billet de bus pour quitter Bariloche vers d’autres cieux au 5ème jour.
En m’enregistrant à l’office du parc de Bariloche (je pouvais faire cette randonnée seul et il n’y avait aucun frais ou matériel requis… donc pourquoi ne pas m’assurer les arrières en cas de pépin), j’expliquais mon itinéraire au Ranger (un guide comptant plus d’une 20ème d’années d’expérience dans le parc), et celui-ci me répondait;
« En seulement 4 jours!!! Tout en se grattant la tête… puis en m’offrant une poignée de main… et en me lâchant un « Bonne Chance » sur un ton sarcastique.
Je voyais bien qu’il pensait que je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait. Je ne le savais pas encore, mais il avait bien raison.

Je quittais Bariloche à la 1ère heure dans un bus de ville en direction de Colonia Suisa.
08.59 – Au final d’une route de terre perdue au beau milieu des bois, le bus s’arrêtait, le chauffeur se tournait vers moi (j’étais le seul à bord) et s’exclaffait « gringo… rio lopez aqui »…
Plus de doute, j’avais décidément choisi un trek en dehors des circuits touristiques… yessss…
Je commençais alors ma marche en forêt. Ici, pas de vent violent, pas de pluie à l’horizontale, pas de tempête de neige… seulement de la grosse chaleur… et des moustiques. Cela ne voulait toutefois pas dire que ce serait facile.
Je me retrouvais dans des paysages canadiens typiques. J’aurais pu être dans le parc des Hautes-Gorges que l’illusion aurait été parfaite.
Au travers du feuillage, j’apercevais une haute montagne de granite devant moi… forcément ma 1ère destination; le Cerro Lopez.  
Pour l’ascension du Cerro, le sentier préférait les lignes droites au zig zag… de sorte que le sentier était très incliné…
J’arrivais au Refugio Roca Negra, peut-être le plus beau refuge de montagne que j’ai vu dans ma vie (si on exclu le galactique Refuge du Gouter sur le Mont Blanc). De l’architecture rustique dans toute sa splendeur.

J’atteignais par la suite le Refugio Lopez, dit « La (très laide) Petite Maison Rose dans la Montagne », se donnant des airs de nid d’aigle surplombant la vallée.

De là, il ne restait plus que 450m de dénivelé positif pour atteindre le sommet. La randonnée n’était désormais plus pour les randonneurs du dimanche; il fallait franchir une paroi rocheuse en condition semi-escalade.


Après 3h, 4.2km de marche et +1230m de dénivelé positif, j’atteignais finalement le sommet du Cerro Lopez. Culminant à 2076m, le Cerro offrait une impressionnante vue à 360, avec Bariloche tout au loin d’un coté, et le Volcan Tronador de l’autre, le seul géant des neiges du parque du haut de ses 3500m.



C’est au sommet du Cerro Lopez que je réalisais l’ampleur de la tâche que je m’étais confiée. J’avais prévu dormir sur les flancs du volcan dans 2 jours, mais j’avais un instant de panique en voyant le nombre de montagnes qui se dressaient entre ma position actuelle et le Tronador… ouch.
Il valait mieux se remettre l’ouvrage puisque la journée était loin d’être terminée. Pour atteindre mon objectif du jour, il me restait encore à franchir 10km de marche, plus de -1270m de descente, et +870m d’ascension.
Sans plus tarder, je disais Au Revoir à Bariloche et basculais dans la nature la plus totale.
1er obstacle; une descente casse-cou dans un champ de roche… que dis-je, une paroi complètement instable à plus de 70 degrés d’inclinaison et faite de roches de toutes tailles.


Chaque pas devait être soigneusement placé… je manquais mon coup quelques fois, dont l’une ou je chutais d’une bonne cinquantaine de mètres sans rien pouvoir contrôler. Je protégeais alors ma tête avec mes mains et espérais pour le mieux.
Une fois dans le fond de la vallée, j’entreprenais presque aussitôt l’ascension d’un 2ème sommet; le Cerro Bailey Willis, pour ensuite franchir un champ de grosse roche à la diagonale. Je suivais alors les taches de peinture rouge disposées à tous les 100m. L’idée était bien simple; tu rejoins une tache, tu t’arrête, localise la prochaine tache, ajuste ta trajectoire… et baisse la tête pour marcher sur les roches. Avoir la tête en l’air et admirer le paysage en marchant pourrait être fatal dans ce genre d’endroit.


Dès lors, mon objectif du jour, le Laguna Cab, était droit devant moi… de l’autre coté d’un canyon étroit… mais profond.
Une fois descendu les -800m jusqu’au fond du canyon, je me retrouvais à la jonction de 3 rivières. Je perdais complètement la trace du sentier pendant une bonne demi-heure. À partir de là, et jusqu’à mon arrivé à Pampa Linda 2 jours plus tard, ma carte maps.me allait s’avérer complètement inutile. Je devais donc m’en remettre à la bonne vieille technique; mes yeux et mon instinct.
En tournant en rond et en montant et descendant les rivières, je finissais par trouver un super spot de camping… avec le sentier juste à coté.
17.00 – Je décidais que j’en avais assez et y installais mon campement pour la nuit. La journée avait été extrêmement taxante, sur le corps et le mental, mais très amusante.
Distance du jour; 13km


Dénivelé Positif; +1600m

Dénivelé Négatif; -1270m
Pensez-y une seconde. Sans même parler de la distance marché, j’ai monté/descendu presque 3km à la verticale. C’est l’équivalent de monter 4 fois l’édifice le plus haut au monde à la marche.
Je croyais alors que cette journée serait la plus difficile de la randonnée. C’est que je n’avais aucune idée de ce qui allait suivre.

Jour 2 – 17KM EN 11 HEURES
07.38 – C’est un départ… alors que le soleil… et les mouches n’avaient pas encore atteints ma position.
J’étais un peu nerveux en pensant que j’avais fait 13km en 8h la veille, et que mon programme du jour comportait 4 ascensions d’au moins 400m chacune et 17km de marche. Peu importe, tout ce que je pouvais faire était de mettre un pied devant l’autre…
Dès le départ, je me tapais une ascension de +550m jusqu’au Lago CAB… l’endroit où j’avais prévu dormir la veille.
08.43 – Je me trouvais sur les berges du Lago CAB avec ma 1ère ascension de la journée dans la poche. Le lac se situait dans une espèce de cuvette formée par des montagnes de granite sur tous les côtés, sauf celui de où j’arrivais.
Il me fallait maintenant contourner le lac afin de gagner le sentier montant jusqu’au Cerro CAB, le sommet de la cuvette.
Plus facile à dire qu’à faire…
J’avais beau avoir cherché partout et suivi la moindre petite trace, je ne trouvais pas le sentier.
Du coup je décidais de contourner le lac en traçant en ligne droite dans la forêt.
L’heure qui allait suivre serait l’une des pires de ma vie. Plus j’avançais, plus la forêt était dense, et plus je perdais espoir. À certains moment, je devais me battre avec les branches pour avancer. À certains moment, il m’aurait fallu une grosse Machete comme dans les films (je ne rigole pas). Faute de Machete, j’ajoutais à ma collection BEAUCOUP d’égratignures aux bras et aux jambes.
La petite voie dans mon fort intérieur me disait de rebrousser chemin… mais je la mettais en sourdine…
Complètement désespéré, je finissais par changer de stratégie. Je gagnais le bord du lac… pour marcher directement dans le lac.
À voir le nombre de trace de pieds qu’il y avait, je n’avais pas été le seul à me perdre ici et avoir eu cette idée.


Une fois de l’autre coté du Lago, je tombais sur le sentier, comme par magie, et entreprenais ma 2ème ascension du jour.


11.10 – J’étais au sommet du Cerro CAB.
Lors de la descente de l’autre coté, je me perdais encore solide. Il n’y avait tout simplement pas de sentier… pas de traces de peinture… pas de totems… rien… et tout se ressemblait autour de moi.


Je me guidais en me dirigeant vers l’emplacement du prochain lac à atteindre; le Lago Creton.
Je me ramassais à descendre un pan de mur rocheux. Il m’aurait fallu un harnais et une corde pour cette section tellement c’était abrupte et qu’il n’y avait pas de prise pour les pieds et les mains. Mon dieu que j’avais la chienne…
Je manquais céder à la panique à plusieurs reprises. Après tout, j’étais seul perdu seul au milieu de nul part dans un parc en Argentine. Aujourd’hui c’est comme si on m’avait donné un point de départ et un point d’arrivé et qu’on m’avait dit; « arrange toi ».
Je repérais à nouveau le sentier tout juste avant d’entreprendre ma 3ème ascension du jour; le Cerro Los Cristales.
Celle-ci se faisait sans embuche et sans jamais perdre de trace le sentier (les totems). Ça ne veut pas dire que ce fut facile…
14.20 – J’atteignais le sommet du Cerro Los Cristales. La vue était sublime.


Une fois descendu au Lago Creton, je songeais fortement à y arrêter pour la nuit, mais décidais de continuer jusqu’à mon objectif du jour.
15.20 – Je quittais Laguna Creton en destination du Lagune Ilon, 7.5km plus loin. Pour vous donner une idée, j’en avais marché 10km en presque 8 heures depuis le début de la journée. J’avais cependant confiance que je n’allais plus perdre le sentier (une confiance basée… rien).
J’entreprenais donc ma 4ème et dernière ascension du jour pour rejoindre le sommet du Cerro Capitan… sous une chaleur accablante et sans vent. Décidément, quelqu’un en haut avait décidé de me tester.
Cette ascension s’avérait mon moment préféré de la journée; une ascension sur le rock, sans roches instables, ni forêt/buissons, et sans avoir besoin de fixer ses pieds en permanence. Bref, tout sauf ce que j’avais vécu depuis le début de la journée.


L’ascension se faisait en ligne droite à relier les totems. Mes mollets avaient depuis longtemps dépassé le stade d’être en feu… ils voulaient arracher.
J’étais tellement épuisé que je ne ressentais plus la fatigue (c’est assez contradictoire, mais à un certain moment votre corps arrête de vous envoyer des signaux de fatigue).
La vue sur le Tronador du haut du Cerro Capitan était sublime. J’avais le Tronador droit devant moi, sans aucune montagne entre nous 2… quel soulagement.


Pour l’heure, il ne me restait plus qu’à descendre jusqu’au Lago Ilon.
18.45 – 11 heure et 7 minutes après avoir commencé à marcher, je déposais mon sac et enlevait mes bottes sur le bord du Laguna Ilon… ma destination du jour.
Résultat de tout mon hors piste du jour; j’avais les jambes et les bras recouvert de sang séché.
Il m’avait fallu 11 HEURES pour franchir 17km, avec +1700m de dénivelé positif et -1210m de dénivelé négatif… 11 HEURES de randonnée… un record personnel que je ne voulais jamais battre.


Si je ne dormais pas bien ce soir, il y aurait un problème…

Jour 3 – LE TRONADOR
Le camp remballé, que je prenais la direction de Pampa Linda, 8km et -650m plus loin.
Pampa Linda marquait la fin du sentier Los Cinco Lagos.
Avec une grosse bière dans le nez au restaurant du coin, je prenais la direction du Refugio Otto Meiling; 12km de marche,+1000m d’ascension de « Pur Bonheur ».
Sans vent, ni nuage, c’était la canicule… et les mouches s’en donnaient à coeur joie… à m’en rendre fou. Avec toutes les grosses mouches noires que j’avais tuées depuis mon départ de Pampa Linda, j’aurais pu me faire une soupe très consistante.
15.00 – J’étais désormais sur les hauteurs de la vallée. J’avais alors le glacier du Tronador juste devant moi. Sur la gauche, le glacier se transformait en une chute vertigineuse (Saltillo de las Nalcas), qui dégringolait plusieurs centaines de mètres sur une paroi rocheuse jusqu’au fond de la vallée.


Le Refugio Otto Meiling dominait la vallée. Du haut de ses 1885m, il se situait au pied du glacier du Volcan Tronador. Peu importe le coté où je regardais, je voyais des sommets à perte de vue.


Un endroit de merde… croyez-moi sur parole… et j’avais le « malheur » d’y passer la nuit 😉

Jour 4 – ON REDESCEND

23jan
Ayant trainé les pieds au Refuge Otto Meiling jusqu’à 11.00, je mettais finalement le cap sur Pampa Linda… un petit -1000m de descente réparti sur 12km de marche.
Dès le départ, je mettais mon costume de musulmane (malgré une chaleur écrasante je couvrais chaque bout de peau pour que les mouches me laissent tranquille), inondais mon cerveau de musique électronique (à tue tête… pour me pas entendre les mouches bourdonner autour de moi) et enclenchais le cruise control; mes pieds connaissaient le chemin, ils savaient ce qu’il y avait à faire… je donnais congé à mon cerveau.

  
Allez… on en fini…
Bariloche ce soir…

ÉPILOGUE NAHUEL HUAPI
Et moi qui pensait avoir affaire à une petite randonnée tranquille en forêt. C’est en fait ce qu’offre Nahuel Huapi… sauf pour la randonnée des « Los Cinco Lagos » de Colonia Suisa à Pampa Linda via le Cerro Lopez.
Je classe cette randonnée dans mon Top3 des randonnées les plus difficiles que j’ai faite en Argentine/Chile; le Circuit Huemul bon 1er, Dientes de Navarino en second (même si c’est en Terre de Feu) et celle-ci 3ème.
Pour tout dire, par moment sur le Los Cinco Lagos, je me serais cru sur le GR20 en Corse… en un peu plus technique.
Bon… il faut aussi relativiser… j’avais fait en 2.5jours une randonnée qui était supposée me prendre de 4 à 5jours…

LES VACANCES
Avec mon départ de Bariloche, j’entreprends officiellement la portion « vacance » de mon voyage. Les 2 prochains mois ne comporteront que peu ou pas de randonnées alors que nous visiterons l’Uruguay, le Paraguay (peut-être), le Brésil, la Guyane Française, le Suriname et Guyana.
Notre prochaine grande randonnée devrait être au Venezuela (oui… j’ai bien dit Venezuela… mais c’est un TRÈS GROS peut-être), sinon lors de notre retour en Bolivie ou au Pérou.

Il est maintenant temps de couper cette barbe…

Publié par Nicolas Pare le 29 janvier 2017

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