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Épisode 79 – Shakira… vous-avez dit Shakira?!?

Je quittais Salento et la Zona Cafetera en sautant dans un congélateur de nuit en direction de Neiva. J’avais cette fois-ci prévu la shot; habillé de mon manteau d’hiver et de ma tuque (oui… il fait froid à ce point dans les bus sud américains), j’allais avoir une « bonne » nuit… je n’avais pas pris en compte que la route serait houleuse comme une mer agitée.

Dès lors, j’entamais mon lent périple vers le sud de la Colombie, périple qui allait me mener en Équateur sous peu.
Exception faite de Cali; capitale mondiale (autoproclamée) de la salsa, il y a encore 2 ou 3 ans, seuls les voyageurs téméraires osaient visiter le sud de la Colombie. Alors sous forte influence du mouvement FARC, plus grosse organisation de guerrieros en Colombie, les voyageurs passaient plus souvent qu’autrement en coup de vent pour gagner la frontière en croisant les doigts pour qu’il n’y ait pas de casse en chemin.
On peu dire que les temps ont (rapidement) bien changé. Les FARC ont récemment signé un accord avec le gouvernement pour cesser le feu, et le sud de la Colombie est en plein essor touristique.
03.55 – Arrivé au terminus d’autobus (crasseux) de Neiva avant le soleil, je lutais alors contre le sommeil; il était hors de question que je dorme avec tous les gens louches qui peuplaient cette gare d’autobus à cette heure. Dormir dans un coin avec mes 2 sacs était l’équivalent de lancer une invitation officielle aux voyous pour me dépouiller.
05.30 – Je sautais dans un espèce de pick up modifié afin de me rendre à Villa Vieja, village perdu au milieu de nul part, 1h plus loin. Bien assis à l’arrière de la camionnette, je me faisait brasser à souhait en regardant le ciel passer du noir, au bleu poudre, au gris…
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06.20 – Une pluie fine me disait; « Bienvenue à Villa Vieja ». De cette petite ville encore endormi, il ne me restait « plus qu’à » franchir les 6.5km me séparant de ma destination; le Désert de Tatacoa.
On m’offrait un service de moto, que je déclinais immédiatement. Vous savez cette impression de liberté quand votre agenda du jour est complètement vide et que vous n’avez pas à vous « grouiller » pour arriver à temps au boulot ou à un rendez-vous. J’imagine que quand cela vous arrive, vous vous sentez coupable de ne rien faire… eh bien pas moi…
Non je n’allais pas prendre une moto pour me sauver du temps que je n’avais pas besoin de sauver. Il était à peine 06.30 et j’avais tout mon temps… et j’allais utiliser tout ce temps libre pour marcher 6.5km dans le désert. (J’aurais probablement du trouver un synonyme à « temps », mais je ne l’ai pas fait 😉
DÉSERT DE TATACOA
Tu vas dans un désert? Le Moyen-Orient ne t’a pas sufit? Eh bien il faut croire que non. Minuscule désert de seulement 300km2, le Tatacoa n’est pas un désert de sable, plutôt un endroit aride comme un décor de film western tout droit sorti du sud ouest américain. C’est le repère des lézards, araignés et serpents de ce monde…
Autrefois appelé « Valle de la Tristezas (vallée de la tristesse) » par les 1ers conquistadors, il doit son nom actuel aux nombreuses couleuvres noires qui y habitents… les couleuvres Tatacoa.
J’étais seul à marcher sur la route fraichement goudronnée qui serpentait au travers de beaux gros cactus et sur le dos des collines. Je me permettais même de marcher pieds nus… l’asphalte neuve étant un véritable massage pour mes pieds. Déjà inhospitalier, l’endroit était rendu encore plus dramatique par la présence de gros nuages gris au-dessus de ma tête. Le moment était magique; seul à marcher sur une route menant nul part.
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Les rares motos qui croisaient ma route me regardaient comme si j’étais un extra terrestre. L’image devait effectivement être assez amusante; un grand barbu blanc, portant de lourd sacs à dos (15kg et +) et marchant pieds nu en direction du bout du monde. Vous savez quoi; je m’en foutais royalement… rien n’allait pouvoir gâcher ce moment… je les saluais de la main et continuais mon petit bonheur de chemin.
J’admirais l’endroit en slow motion… ses multiples teintes de jaune (herbe), orangé (buissons), vert foncé (rares arbres et cactus) et gris (terre)… couleurs clairement usées par le soleil.
07.45 – J’arrivais au coeur du désert à l’observatoire d’étoile (le désert de Tatacoa est un super endroit pour admirer les étoiles).
De l’autre coté de la rue se trouvait un « shack à patate » surplombant l’attraction no.1 des environs; le Laberintos de Cusco, un espèce de labyrinthe naturel formé de multitude de monticules de terre. Vu de haut, le labyrinthe semble enfantin, mais une fois dedans, on change d’opinion; plus on s’enfonce et moins ça devient évident d’en sortir. La nuit venu, cela pourrait être un lieu de game de cachette mémorable.
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10.30 – Il n’était même pas midi et j’avais déjà fait le tour des environs. Avec la nuit de merde que j’avais passé, j’avais l’impression d’avoir  toute une journée dans le corps et qu’il était 21.00. J’atteignais alors un niveau de crassitude rarement égalé; mes pieds étaient bruns (j’avais aussi marché pieds nus dans la boue du désert) et mes vêtements sentaient la… ouais… bon… vous avez compris.
Je me trouvais un petit auberge pour me reposer le reste de la journée (ça s’appelais auberge, mais bon… c’était plus une grange). À peine arrivé que je rencontrait 3 jeunes backpackers sur leur départ et qui me déconseillaient de rester pour la nuit (d’un ennui mortel). Ni 1, ni 2, je sautais dans leur transport pour retourner à Neiva.
1 marche de 6.5km, 1 déjeuner copieux à moins de 3$ et 1 marche dans un labyrinthe… cela résumait mon trip dans le désert Tatacoa.
Allez… scram gram… direction le sud.
Un autre bus et un autre pick up modifié plus tard, que je me retrouvais à San Agustin, ville tranquille enfouie dans une vallée montagneuse toute verte.
C’est d’ailleurs à l’arrière de ce dernier pick up modifié que j’avais pu cocher de ma To Do List; être assis à l’arrière d’un pick up juste à coté d’une adolescente qui donne le sein à sa fillette. Dans une « zone de turbulence », elle manquait échapper son enfant sur la route. Je dois avouer que je ne savais même pas que c’était dans ma liste de chose à faire.
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J’atterrissais dans un véritable havre de paix; une auberge/ferme organique perdue au sommet d’une colline, entourée de forêt… et renommée pour sa cuisine thai et ses curry (WTF?!?).
Cela couronnait la fin d’une loooooongue journée. J’allais pouvoir profiter d’un repos bien mérité.
SAN AGUSTIN
Situé dans un cadre enchanteur de montagnes à plus de 1700m d’altitude, le petit village de San Agustin et ses environs sont le plus grand site archéologique de Colombie. Depuis 1995, la région est d’ailleurs inscrite au Patrimoine de l’humanité (UNESCO).
L’instant de quelques jours j’enlevais mon chapeau de randonneur, pour mettre celui d’archéologue. J’allais plonger dans le passé et découvrir une civilisation ancienne de tailleur de pierre ayant vécue d’environ 1000ans BC jusqu’à l’an 1000 de notre ère. On n’en sait pas vraiment beaucoup sur ce peuple de maçon, autre qu’ils auraient vécu durant la période pré-hispanique et auraient probablement été exterminés par les Incas. Ce qu’on sait en revanche c’est que l’ensemble de la région est parsemée de monuments funéraires.
On m’offrait de visiter les lieux à cheval, mais je préférais la bonne vieille technique… que beaucoup de gens semblent oublier de nos jours… qui consiste à mettre un pied devant l’autre.
En marche vers mon premier site, un gros chien rottweiler décidait de me tenir compagnie. Je marchais sur le bord de la route et il bloquait le traffic en zigzaguant d’une voie à l’autre. Un conducteur me lançait même de garder mon chien en laisse. Comment vouliez-vous que je fasse signe à ce chien de déguerpir… nous avions une barrière de langue et lui taper sur le museau pour me faire mordre par la suite n’était pas une option. Il allait donc continuer à faire ce qu’il faisait si bien (bloquer la route) aussi longtemps qu’il le voulait.
PARQUE ARCHEOLOGICA
Première visite, le Parque Archeologica, inscrit à l’UNESCO depuis 1955 et principal site archéologique de la région. Il comprend la plus grande quantité de monuments funéraires. Si vous êtes de passage à San Agustin et n’avez qu’un seul site à voir… c’est celui-ci.
Les multiples monuments de pierre prennent la forme de poissons, amphibiens, reptiles, félins, singes et humaines, la plupart combinant des traits humain et animal.
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Le parque culmine avec le Alto de Lavapatas, site le plus ancien de toute la règion et évalué à il y a 3300ans… Très compréhensible vu sa position avantageuse au sommet d’une montagne dominant toute la région.
SHAKIRA!!! VOUS-AVEZ DIT SHAKIRA?!?
M’en allant voir un autre site complètement perdu en marge du village, un vieil homme criait « shakira » à plusieurs reprises en me regardant.
Ne comprenant pas du tout ce que la célèbre chanteuse colombienne pouvait bien venir faire dans mon périple, je continuais sans broncher… jusqu’à ce que j’arrive au site… Chaquira… Aghhh… le vieil homme voulait simplement me montrer la voie.
Cela n’était pas la 1ère fois et ce ne serait assurément pas la dernière où j’aurais l’air complètement stupide dans un pays étranger.
On accède a Chaquira au bout de 2km sur une route de terre au travers de plantation de café et autres…2 magnifiques km… Mais aussi 2km au beau milieu de nul part, où je me sentais extrêmement stupide d’avoir apporté avec moi tout mon argent et mon passeport.
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On peux finalement admirer Shakira après avoir descendu la moitié d’une belle vallée via un escalier tout sauf bien entretenu. Comme pour plusieurs endroits où je suis allé dans ma vie, la trajet s’était avéré beaucoup plus passionnant que le monument lui-même… monument qui peut se résumer à une grosse roche avec une femme ou un chaman les bras en l’air (je ne l’ai même pas prise en photo)…
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ANILLO TURISTICO
Voulant visiter les autres sites un peu plus en marge et difficile d’accès à la marche, je me résignait à prendre un tour organisé en jeep.
Avec un chauffeur armé d’un fusil à la taille… j’imagine qu’un groupe de touristes peut s’avérer attrayant pour des bandits… moi et ma bande de touristes étions en route pour la campagne profonde entourant San Agustin.
La journée consistait à passer plus de 90% du temps à se faire brasser sur des routes de terre défoncées entre montagnes, champs et forêt. Il fallait avoir l’estomac extrêmement bien accroché et ne pas trop avoit mangé.
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Salto (chute) de Mortino…
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Alto de las Piedras…
Complexe funéraire vieux de plus de 3000ans
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Salto (chute) de Bordones…
2ème plus haute chute en Amérique du sud. Endroit assez impressionnant, j’aurais voulu avoir le temps de marcher le sentier (45min en descente, 1h30 en monté pour le retour) jusqu’au pied de la chute, mais le guide/conducteur me signalait que nous repartions dans 10min. Si vous allez à San Agustin un jour, organisez vous pour faire un day trip à cette chute par vous-même sans un tour organisé.
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Altos de los Idolos…
2ème site en importance après le Parque Archeologico, l’endroit abrite le plus haut monument (7m de haut) et 2 représentations de crocodiles… même si c’est maintenant prouvé qu’il n’y a jamais eu de crocodiles dans les environs.
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Je finissais tranquillement la journée en « surfant » debout derrière le camion… illégal en Amérique du Nord, mais toléré ici 😉
C’est couvert d’une bonne couche de poussière et après m’être fait bardasser toute la journée (de 09.00@18.00) que nous retournions finalement à San Agustin. On ne me reprendrais pas à faire un tour organisé de si peu.
Dommage que je ne sois pas un grand amateur de vieilles pierres sculptées sinon San Agustin aurait été mon coup de coeur en Colombie…
Une dernière nuit à San Agustin et puis je passais à un autre appel.
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POPAYAN – « LA CIUDAD BLANCA »
Popayan n’est qu’à 137km de San Agustin. Il faut cependant au moins 4h pour franchir cette distance. La raison; une route défoncée, digne du Madagascar, traversant jungle & montagnes à plus de 3000m d’altitude et sous une pluie diluvienne. Il fait comprendre le gouvernement de ne pas avoir invertis dans cette route jusqu’à maintenant puisque le territoire était sous contrôle des guerreros.
Célèbre dans l’histoire pour avoir été un bastion de la couronne espagnole durant les guerres d’indépendance, la ville est très impliquée socialement. Siège du pouvoir à l’époque de la colonie espagnole, pas moins de 11 présidents de Colombie étaient originaires de Popayan depuis l’indépendance du pays.
La ville porte aussi plusieurs chapeaux: ville blanche (reconnu pour son architecture coloniale avec sa vieille ville fait uniquement de bâtiments blancs), ville sainte et ville gastronomique (désigné par l’UNESCO).
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Le soir venu, des lumières (blanches) illuminent toutes les rues de la vieille-ville.
La ville compte sur la plus belle place centrale que j’ai vu en Colombie (et il n’y a pas de statu de Simon Bolivar). De plus, de jour comme de soir, il fait bon de vagabonder dans les rues de la ville. On s’y sent en sécurité.
LE VOLCAN PURACÉ
03.40 – Le réveil sonne… WTF…
Ahhh… oui… je me souviens… j’ai eu la bonne idée de vouloir monter le volcan Puracé.
Situé à 40km de Popayan dans la Réserve Indigène Puracé (autrefois un parc national de Colombie, mais depuis redonné à la communauté indigène de la région), c’était loin d’être évident pour s’y rendre.
Il fallait tout d’abord se pointer à la gare d’autobus vers 04.15, acheter un billet pour le seul bus passant par l’entrée du parc… et croiser les doigts pour que celui-ci parte. En effet, ce bus était réputé comme étant « extrêmement peu fiable ». Plus souvent qu’autrement, le bus ne partait pas faute d’une quantité insuffisante de passagers.
Le bus prévu à 04.30 partait finalement à 05.05… à l’heure en terme de bus colombien. Nous étions en route…
Nous?!?
Oui « nous »… par pur hasard j’étais tombé sur Hannah (Los Nevados) qui se promenait dans le rue à Popayan la veille. Elle aussi était intéressé par l’ascension du Volcan Puracé.
De Popayan (1700m d’altitude) à l’entrée du parc (3300m d’altitude), le bus devait se taper 1600m d’ascension sur une route de terre sinueuse en montagne. On pouvait entendre le RPM du moteur du vieux bus qui peinait à la tâche.
06.40 – Débarqué en bord de route au milieu de nul part à la « Cruce de la Mina », nous gagnions l’entrée du parc quelques 2km plus loin.
De là, on nous assignais un guide (obligatoire) et l’ascension de 8km (allé) et 1370m pour rejoindre le cratère au sommet du Volcan Puracé (Koko-Urko en langue indigène), pointant à 4670m, allait commencer.
On nous jumelait avec indigène semi-nain de 17ans. Celui-ci avait l’air équipé pour faire tout sauf de la montagne; botte d’eau dans les pieds, pantalon trop court mettant bien en évidence sa craque de plombier et sac qui ne zip pas. Peu nous importait, nous n’avions pas vraiment besoin de guide puisque le sentier était bien balisé.
Autour de nous, tout resplendissant… sauf le sommet du volcan qui était complètement bouché par les nuages. Nous marchions tout d’abord dans les prés, puis dans la toundra, pour finalement marcher dans un environnement de roches volcaniques.
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Passé 4000m, les conditions devenaient très difficiles; le soleil faisait place au brouillard qui nous enveloppait tranquillement, mais surement, le vent soufflait comme si il voulait écorner les boeufs et il faisait un froid glacial. L’environnement était devenu complètement inhospitalier.
L’ascension finale sur un sentier en lacet fait de petites roches volcanique et totalement exposé au vent était infernal. Juste avant le sommet, la grêle se mettait de la partie.
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Alors que Hannah & midget utilisaient leur nitro pour monter jusqu’en haut, ma transmission restait bloqué à vitesse tortue. L’altitude m’avait complètement intoxiqué.
Je continuais à monter avec l’espoir que le sommet soit au-dessus des nuages… pour le trouver enveloppé dans la tempête. Il était impossible de voir le cratère.
Bien que chaudement habillé, j’avais un peu plus tôt prêté mes (seuls) gants à Hannah qui se les gelait plus que moi. Désormais dans la tempête glaciale, j’en payais le prix; mes doigts étaient tout boursoufflés et raides.
À peine rendu au sommet que je n’avais qu’une seule envi; redescendre au plus vite.
Plus je descendais et mieux je me sentais. Après 2h de descente, nous étions de retour à l’accueil et déjà sur le retour vers Popayan après 21km, +1300m, -1300m.
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Randonnée d’entrainement et d’acclimatation à l’altitude no.2 en vue de l’ascension de l’Aconcagua; Check
CE N’EST QU’UN « AU REVOIR » COLOMBIE
Après maintenant 29 jours passés en Colombie, je quitte Popayan ce soir avec un bus de nuit en direction de la frontière équatorienne.
Un avis en vigueur par la gouvernement du Canada, recommande à ses ressortissants (voyageurs canadiens) d’éviter le sud de la Colombie, de ne pas voyager de nuit dans le sud de la Colombie, et surtout, de ne pas franchir la frontière terrestre entre la Colombie et l’Équateur.
Eh bien, vous savez qu’est-ce que je fais de cet avis; je m’en t@rch€ le c$l.
Après une longue réflexion, j’ai décidé de faire une croix sur Cali (capitale de la salsa, mais aussi l’une des villes les plus dangereuses au monde), San Ciprianos (et ses étranges train/moto), Mocoa (où les Andes rencontrent l’Amazone) et Terradentro (second site archéologique en importance en Colombie).
En ce qui concerne le parc El Cocuy & la cote des Caraïbes, je les garde pour quand je bouclerais ma boucle de l’Amérique du Sud.
On se revoit dans 10/12mois Colombie. Jusque là, porte-toi bien et je tâcherais d’en faire de même.
Équateur dans 3, 2, 1…
BUDGET POUR UN VOYAGE EN COLOMBIE
Pendant mon mois en Colombie, et malgré toutes les activités que j’ai pu faire, j’ai dépensé un peu moins de 75000COP (COlombian Pesos) par jour. C’est environ 30$… et j’ai très bien vécu.
Voici un résumé de ce que chaque truc devrait vous couter;
– Auberge jeunesse
Entre 20000 & 30000COP (9 et 12$) pour un lit en dortoir. Je n’ai pas encore vu le reste de l’Amérique du Sud, mais ce sont pour l’instant les plus beaux auberges que j’ai vu de ma vie.
– Bière
3000COP (moins de 1.5$)
– Déjeuner/Lunch
Moins de 10000COP
– Souper
Moins de 20000COP

Épisode 78 – Lost in the Los Nevados

07.30 – 24 aout 2016
Je regardais tranquillement Medellin s’éloigner derrière moi alors que la vallée était couverte de sa brume matinale.
Direction la Zona Cafetera, ou plus communément le « Triangle du Café »… étrange destination pour un non buveur de café…
MANIZALES
Une route sinueuse menait jusqu’à Manizales, ville universitaire de 350000 habitants perchée tout en haut d’une vallée montagneuse, et ma porte d’entrée dans le triangle.
Aussitôt arrivé que je sautais dans le cable car (un autre) pour rejoindre la haute ville.
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Au premier coup d’oeil, j’aurais dit que Manizales était une ville de merde sans charme (je l’avais même écris)… mais bon, comme j’avais tout mon temps, j’avais les moyens d’y « perdre » une journée.
Choix judicieux puisque passé une première impression désagréable, qui vous donnait envi de prendre vos clics et vos claques et de partir sans plus tarder… et en faisant abstraction de l’étrange rue principale avec ses grands palmiers (on est en montagne à 2100m d’altitude!!!), Manizales renfermait quelques trésors (oui oui, le mot n’est pas exagéré) qui valait la peine de s’y arrêter une journée (pas plus).
D’une part, tout en haut de la ville se trouvait une magnifique promenade offrant de super points de vue sur les montagnes et vallées environnantes (malheureusement pour moi, la lumière ce jour là était nul… du coup toutes mes photos sont à chier…).
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La promenade culminait avec le « Monumento a los Colonizadores (monument en hommage aux colonisateurs) », sculpture impressionnante de réalisme comme rarement j’en avait vu et hommage au premiers colons de Manizales.
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Je fais une parenthèse pour dire que peu importe où je vais en Colombie, les cerf-volants (kites) sont très populaires auprès des enfants… vous savez ces objets tout simple qui pouvaient occuper la journée des enfants avant l’avènement des ordis et téléphones intelligents de ce monde… mais bon, il est toujours plus facile de surveiller un enfant qui fixe la TV dans le salon que de se donner la peine d’aller au parc avec lui.
La basilique et la cathédrale de l’Immaculé Conception valent aussi 1 seconde de votre vie; l’une pour son ensemble (intérieur comme extérieur et qui pourrait être un parfait décor pour un film d’horreur), l’autre pour son intérieur composé d’impressionnantes arches de bois… et une Plaza Bolivar (encore) avec une statue de Simon Bolivar (encore)… représenté en espèce d’oiseau de la mort (ça c’est nouveau).
Clou du spectacle, je séjournais dans une auberge familiale aux allures de vieux château… avec un espèce de bar hawaïen bizarre au sommet… qui offrait une superbe vue sur toute la ville.
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Overall, ville de montagne, mais un peu trop urbaine à mon gout.
Après 1 journée bien remplis, je reprenais le cable car pour descendre en basse-ville, sautais dans un bus, défaisais la route sinueuse jusqu’en bas de la vallée, et me dirigeait vers le coeur de la Zone Cafetera.
SALENTO
Depuis mon arrivé en Colombie, Salento était LA destination que j’avais le plus hâte d’atteindre. Non pas pour le village en tant que tel, mais pour sa proximité avec le Parc National Los Nevados.
Nevados signifie en espanol « neige éternelle ». Le parc « protège » quelques-uns des derniers sommets enneigés se situant au niveau des tropiques; 5 volcans, dont 3 dormants et 2 actifs, tous entre 4700 et 5300m d’altitude.
3 de ces volcans sont encore aujourd’hui considérés comme des Nevados, mais il faut maintenant aller à plus de 5000m pour voir de la neige « éternelle ». Vous aurez donc compris que ce n’est qu’une question de temps avant que la neige disparaisse totalement…
Du nombre, le Nevado del Ruiz est le plus beau, haut (5321m) et dangereux (interdit d’accès); sa dernière grosse éruption (1985) a tué 22000 personnes et fait disparaitre le village de Amero de la carte.
Les 2 montagnes qui attirent plus particulièrement mon attention sont le Nevado de Tolima, 2ème plus haute montagne du parc (5220m) et le Paramillo del Quinto… autrefois Nevado del Quinto, dorénavant appellé Paramillo (haute montagne) depuis qu’il a perdu sa neige éternelle… sommet à 4750m, qui offre une splendide vue sur tout le parc et les 3 Nevados par temps clair.
Malheureusement pour moi, les volcans sont dans les nuages en quasi permanence dû à El Niño. C’est donc dire que même si j’atteints leur sommet, j’ai 90% de chances de n’avoir aucune vue… mais j’ai 100% de chance de ne pas avoir de vue si je n’y vais pas.
Autre inconvénient; il est obligatoire d’avoir un guide ($$$)… même si j’ai tout mon matériel et que les ascensions sont réputés faciles.
Salento dans tout cela; un village sans histoire situé sur un plateau perdu dans un cadre enchanteur de montagnes toutes vertes.
La Plaza Mayor avec (surprise) un monument de Simon Bolivar au milieu… et le Camino Real (rue principale), bondés de boutiques & restaurants pour attirer les touristes, jurent avec la tranquillité du reste du village.
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En une après-midi, j’avais déjà fait le tour des compagnies de plein air et ramassé toutes les informations dont j’avais besoin pour ma randonnée.
PARAMO TREK
Les no.1 à Salento… mais ne sont pas flexibles (randonnée sur le Paramillo del Quinto seulement… le Nevado de Tolima étant hors de question) et seulement en groupe; 6 personnes, 470000cop/personne (environ 160$) pour 3 jours,
SALENTO TREKKING
Je ne les ai jamais trouvé…
FOG WALKERS
Nouvelle compagnie avec des forfaits hors de prix… même le gars au comptoir me disait que les prix n’avaient pas de bon sang (son honnêteté est tout à son honneur, mais il devrait repenser à sa stratégie de vente),
CRESTED OUTDOORS
Diego est semble-il LE guide par excellence des Los Nevados. J’aI eu une très bonne et surprenante discussion avec lui.
En lui expliquant mes intentions, mon expérience de montagne et tout le matériel que j’avais, il m’a donné une réponse complètement inattendue; « if I was you, I would do it alone (si j’étais toi, je le ferais tout seul).
Le meilleur guide de la région me disait que je devrais faire la randonnée tout seul.
Moi; « … mais c’est obligatoire d’avoir un guide dans le parc non?!? »
Diego; « mmm… oui et non… il n’y a pas de garde dans le parc et le seul endroit où ils vérifient est à l’entrée officielle du parc à 150km d’ici. Avec l’experience que tu as, l’ascension devrait être sans grande difficulté ».
Dans une gentillesse extrême, il avait pris le temps de me donner des infos sur le parc; où bivouaquer (camper), la localisation des points d’eau pour faire le plein, les difficultés du terrain, etc.
J’avais l’équipement, l’expérience, la volonté et surtout la folie pour le faire seul. Ma décision était prise…
LOS GRINGOS EXPEDITION
Jour 1 – LA TÊTE DANS LES NUAGES… LES PIEDS DANS LA BOUE
07.30 – 27 aout 2016
Je sautais dans un « willie » (vieux jeeps américains reconvertis en transport en commun) à la première heure en direction de Cocora quelques 20km plus loin. À la manière des locaux, j’étais agrippé debout derrière le jeep.
Quelque chose de magique s’était passé la nuit dernière; juste avant d’aller au lit la veille, 3 personnes étaient arrivées dans mon dortoir. Après leur avoir brièvement parlé de mon intention de faire une randonnée dans les Los Nevados sans guide, ceux-ci voulaient se joindre à moi.
À minuit moins 1 de mon départ, je trouvais des compagnons;
– Jordi | Espagnol
– Larry | alias le « sleepwalker » | Canadien
– Hannah | Allemande
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07.50 – Moi et mes 3 gringos quittions Cocora (2445m), minuscule village au pied du parc Los Nevados. Nous marchions alors dans la vallée de Cocora; plaine montagneuse parsemé de waxpalm (espèce de très haut et mince palmier et arbre national de Colombie). La vallée propose un sentier en boucle d’environ 6 heures… la plupart des touristes de passage à Salento se contente de faire cette marche.
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Pour notre part, nous ne faisions que passer dans la vallée et prenions un embranchement pour rejoindre les Los Nevados.
Dès le départ, le sentier proposait une très bonne inclinaison, rendant l’ascension difficile.
12.15 – Après avoir atteint Estrella de Agua (3250m), le sentier devenait extrêmement boueux. En contrepartie, il était extrêmement bien balisé.
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Nous sortions finalement de la forêt pour gagner un plateau à 3700m. À partir de là, le paysage changeait du tout au tout pour devenir toundra.
16.00 – Nous finissions notre journée à marcher dans le brouillard jusqu’à La Primavera (3700m), notre refuge du jour, une ferme/gite familiale située dans les hauteur d’une vallée toute verte.
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RÉSUMÉ DU JOUR
Distance 22km
Dénivelé positif +1700m
Définelé négatif -300m
Heure de marche 8 heures
Jour 2 – OÙ EST LE FOUTU SENTIER
La nuit, passée dans un bâtiment fait de planches de bois non isolés, avait été GLACIALE. Tellement pas près pour une randonnée du genre, Jordi avait passé la soirée avec ses bas Ralph Lauren dans les mains 😉
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Nous avalions notre déjeuner en vitesse pour prendre la « route » au plus vite.
Nous avions alors une vue sublime et complètement dégagée des environs. On pouvait admirer la vallée d’où nous étions arrivée à droite, le Nevado de Tolima (montagne au sommet enneigé) au centre gauche et le Paramillo del Quinto (notre destination du jour) en arrière gauche.
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Contrairement à la veille, le sentier était dorénavant tout sauf bien balisé.  Je perdais complètement la trace du sentier, pour la retrouver quelques minutes plus tard… et ainsi de suite. Je m’en remettais à mon application maps.me et à mon instinct.
Nous marchions alors dans une vallée faite de cactus bizarres et de marécages… une vallée exempte de son… pas même un seul oiseau.
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Après 2h de marche, nous arrivions sur un promontoire à mi-hauteur d’une nouvelle vallée. Nous étions à plus de 4000m et le paysage devenait désertique.
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Pour atteindre le sommet du Paramillo del Quinto, 2 choix s’offraient à nous selon maps.me;
– Descendre dans le fond de la nouvelle vallée et remonter de l’autre coté,
OU
– Longer la montagne en marchant dans une zone de glissement de terrain.
Bien que plus dangereuse, je préférais l’option de longer la montagne.
Nous entamions donc notre longue et périlleuse traversé.
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12.20 – Après plus de 2h de marche dans la zone de glissement de terrain, je devais voir la réalité en pleine face; j’avais pris la mauvaise décision… continuer à longer la paroi ne menait nul part et j’avais depuis longtemps perdu toute trace du sentier. Le sommet du Paramillo del Quinto semblait alors plus loin que jamais.
Je me sentais terriblement mal envers mes 3 gringos qui m’avaient suivit les yeux fermés. Heureusement pour moi, ils se montraient très compréhensif, notamment en raison du fait que la vue était impressionnante.
Alors à plus de 4550m, nous prenions la décision d’abandonner l’idée de gagner le sommet et de descendre jusqu’en bas de la vallée.
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Une fois au fond, je réalisais que ma décision de marcher sur la paroi avait été COMPLÈTEMENT INSENSÉE. Or, je n’avais alors pas le point de vue que j’avais du fond de la vallée et il était toujours plus facile d’analyser après coup.
À partir de là, nous décidions de regagner notre gite de La Primavera par une nouvelle vallée. Ma carte montrait 2 sentiers parcourant cette vallée, mais il nous était impossible de les trouver. Ne sachant pas où étaient les sentier, je savais par contre dans quelle direction se trouvait notre gite; il « suffisait » de descendre jusqu’au fond de la vallée. Nous allions donc descendre en ligne « droite ».
La vallée s’avérait être un véritable labyrinthe parsemée de ravin et rivière difficilement franchissable. Nous étions constamment à rebrousser chemin pour contourner les obstacles. La crainte s’installait alors dans le groupe et les visage se crispaient. Nous étions perdu, mais je gardais le moral puisque je savais dans quelle direction aller.
15.00 – Nous arrivions finalement dans une plaine au bout de la vallée. Ne restait alors « plus qu’à » monter une montagne de +/-300m et le gite se trouverait derrière. Le brouillard faisait alors son apparition en force.
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La Primavera sortait finalement du brouillard de l’autre coté. Nous étions sain et sauf après ce qui était sans aucun doute l’une des journée de randonnée les plus bizarre de ma vie.
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RÉSUMÉ DU JOUR
Distance +/-24km
Dénivelé positif +/-1200m
Définelé négatif +/-600m
Heure de marche 8.5 heures
Jour 3 – TOUT CE QUI MONTE DOIT REDESCENDRE
07.30 – Ne pouvant pas me fier à maps.me, je devais renoncer à explorer plus en détail le parc et me résignais à terminer mon périple dans les Los Nevados et redescendre jusqu’à Cocora avec mes 3 gringos.
Nous prenions le décision de descendre par une valkée différente que celle par laquelle nous avions fait l’ascension. Dès le départ, nous perdions la trace du sentier… pour le retrouver quelques minutes plus tard et ne plus jamais en perdre la trace.
Le Nevado de Tolima se decouvrait l’instant d’une seconde pour nous dire Au Revoir.
La descente passait par un super sentier panoramique avec une vue imprenable sur les environs, et passant par des champs et fermes perchées dans les hauteurs de la vallée. Le genre d’endroit magique où tu veux rester jusqu’à la fin de tes jours.
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Nous pénétrions ensuite dans la forêt, puis gagnions la vallée de Cocora pour finalement gagner Cocora. J’étais alors devenu un zombie avec les jambes en guimauves. Il n’y avait plus aucune activité dans mon cerveau, je laissais mes jambes me guider.
À 13.50 nous avions une bière à la main en attendant le Willie qui allait nous ramener à Salento.
RÉSUMÉ DU JOUR
Distance +/-24km
Dénivelé positif +/-600m
Définelé négatif +/-1850m
Heure de marche 6.5 heures
Au final, on va le dire une fois pour toute; vous n’avez pas besoin de guide pour aller dans les Los Nevados à partir de Salento… mais vous risquez de vous perdre… et ce sera une expérience magique.
Réputé comme un endroit où il fait un temps de cul à l’année, nous avons été extrêmement chanceux d’avoir 3 jours sans pluie et avec peu de nuages.
Constat personnel inquiétant; mon mois au Canada a faut beaucoup plus de dommage que je ne l’aurais pensé; j’ai perdu toute ma bonne forme physique accumulée durant les 3mois précédents. Il faudra recommencer presque à zéro.
DOSSIER SPÉCIAL – LE CAFÉ COLOMBIEN POUR LES NULS

Par le passé, la Colombie a toujours eu 2 grosses exportations; l’or blanc… pas vraiment legit… et le café.

De passage à Salento, au coeur de la Zona Cafetera, je pouvais difficilement quitter la région sans visiter une plantation de café.
Mon choix s’arrêtait sur la Finca Don Eduardo, la plus vieille plantation de café de Salento (plus de 100ans) et propriété de Tim, un vieil australien passionné de café. C’est peut-être la visite guidée la plus passionnante que j’ai eu de ma vie… même si je déteste le café.
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Tout d’abord, un petit bourrage de crâne;
– Il y a 5 types de café dans le monde, mais seulement 2 sont commercialisés;
1. ARABICA
Originaire de l’Éthiopie, ce type de café a plus de gout et moins de caféine. Il y a plus de 100 sous-types de café Arabica réparti en 2 grandes familles; les traditionnels et modernes (développé en laboratoire). Aujourd’hui, la très grande majorité du café est de type moderne.
2. ROBUSTA
Originaire d’Afrique de l’Ouest, ce type de café contient beaucoup de caféine mais a un gout désagréable pour la majorité des gens.
– La Colombie est à ce jour le 4ème plus gros exportateur de café au monde après le Brésil (1er… en produisant plus du 1/3 de la production mondiale), le Vietnam (2ème), l’Indonésie (3ème), et devant l’Éthiopie (5ème), le Mexique (6ème) et l’Inde (7ème).
– Les meilleurs cafés dans l’ordre;
1. Arabica Washed Coffee
2. Arabica Unwashed Coffee (le sucre pas complètement enlevé)
3. Robusta
Vous aller comprendre washed/unwashed plus loin.
– La Colombie est le 2ème producteur mondiale de Arabica Washed Coffee. C’est donc dire que le pays est reconnu pour son café de grande qualité.
– Le café venant du Panana est le café le plus reconnu dans le monde ($$$). Il a gagné les médailles d’Or lors des 10 dernières années. Une tasse de café pananéen peut couter jusqu’à 20$
– Il y a plus de 3000 fermes de café en Colombie. La plupart sont de petites fermes qui vendent leur production à des usines qui commercialisent le café.
– Le café pousse à l’année longue, mais doit idéalement être récolté durant la mousson (les mois pluvieux).
– Une fois cueilli, il est impossible de différencier un type de café d’un autre. Toutes les graines de café sont pareil.
– Une plantation de café n’est pas du tout comme un vignoble. Le café pousse dans de petits arbustes disposés de manières aléatoires sur un flanc de montagne. Tout peu influencer le gout du café (climat, qu’est-ce qui pousse à coté, etc.), de sorte que beaucoup de plantation de café font aussi pousser des ananas, des avocatiers, etc.
Voici donc le processus du café de la plantation jusqu’à votre tasse en 24 étapes.
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Étapes 1, 2 & 3
Développer la plante de café en incubateur
Étape 4
Après 5 mois, la plante est prête à être transplanté dans le sol.
Étape 6, 7 & 8
Cela prend entre 30 et 36 semaines avant de voir les fleurs de café se transformer en cerises de café
Étapes 9 & 10
La cueillette. Les cerise rouge sont prête à être cueilli, les noires ne sont plus bonnes et les vertes ne sont pas encore prêtes.
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Étapes 11, 12 & 13
Despulpadora. Il faut extraire les graines de café des cerise.
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Étape 14
Une fois les graines extraites des cerises, il faut enlever le sucre du café. Ceci se fait avec le processus de fermentation; les graines sont mises dans l’eau… celles qui flottent sont éliminés… celles qui coulent sont conservés. Il faut répéter le processus en changeant l’eau de 5 à 8 fois pour que les graines soient complètement exempte de sucre (d’où le Arabica Unwashed Coffee d’un peu olus haut). Qui dit fermentation dit alcool. Les colombien font de l’alcool avec l’eau utilisé pour extraire le sucre; la Crema de Coffee goute et ressemble à du Bailey’s.
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Étape 15, 16 & 17
Il faut maintenant faire sécher les graines (de 7 à 18 jours). Dans la Finca Don Eduardo, on utilise un système de double toit; 1 toit semi-transparent et rétractable par beau temps, et un toit de béton en dessous où l’on dispose les graines pour sécher. En période de cueillette, les routes sont couvertes de graines de café à sécher.
Étape 18 – Les graines de café sont vendus aux usines.
Étapes 19, 20 & 21
Trilladora – Une mince peau ressemblant à une feuille de papier est enlevé des graines de café. À ce moment les graines sont verdatre et ressemble un peu à des peanuts. Les graines noires sont éliminées.
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Étape 22
L’étape la plus importante et difficile; il faut faire rôtir à sec les graines de café jusqu’à obtenir une couleur chocolaté. Plus la graine est rôtie et moins elle aura de caféine (Starbuck a des graines extrêmement rôties).
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Étape 23
Mouler les graines de café.
Étape 24
Déguster le café
Au final, pour 2 tonnes de cerises de café récoltés, il y aura environ 14kg de café.
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Quelques trucs pour boire votre café;
1. Le meilleur moyen de boire du café est en utilisant une presse francaise?!?
2. Il est préférable d’acheter des grains de café et de les mouler vous même,
3. Le meilleur moyen de boire du café Robusta est en Expresso… et le pire moyen de boire du café Arabica est en Expresso.
Au fait, vous connaissez Juan Valdez… la célèbre marque de café? Eh bien Juan Valdez n’a jamais existé, c’est un personnage fictif inventé pour représenter le label de qualité du café colombien.
Direction le Sud. Goodbye Salento.
P.S. Dans la catégorie « pas très éco responsable » et qui me chicote depuis mon arrivé en Colombie; j’ai pu observer depuis mon arrivé en Colombie qu’il y avait BEAUCOUP TROP de compagnie d’autobus. Pour un même trajet, il peut y avoir 4-5 bus qui partent en même temps et qui roulent tous presque vide. Il n’y aurait pas moyen de travailler conjointement? Quand on pense qu’on ne voit que cela des bus sur la route, cela pourrait faire toute une différence.

Épisode 77 – Medellin; la rédemption… par l’architecture

Comment complètement changer l’image d’une ville? Demandez à Medellin… pas à Clotaire Rapaille!

En moins de 10ans, la ville est passée de la Capitale Mondiale de la drogue à une Mecque de l’architecture.
LE CARTEL DE MEDELLIN
Revenons dans les années 90. Depuis plus de 20ans, Medellin était alors la Capitale de l’or blanc (cocaine) et le Cartel de Medellin y régnait en roi et maitre. À la tête du cartel; le tristement célèbre Pablo Escobar; le plus célèbre baron de la drogue que la Terre ait porté.
Si vous êtes adulte et que vous ne connaissez pas Pablo Escobar, je vous suggère de sortir de votre grotte et de lire un peu… ou d’écouter les excellents films « Escobar » et « Blow ».
Durant les années 80 et 90, de tous les endroits peu recommandables que la Terre pouvait proposer, Medellin était le moins recommandable. La ville était alors considérée comme LA ville la plus dangereuse au monde année après année.
Enlèvements et meurtres étaient monnaie courante. On parlait d’environ 6000 meurtres par année… 6000… ça revient à plus d’une quinzaine par jour.
Vous aurez compris que les autorités étaient totalement impuissantes devant le règne sanguinaire des narco trafiquants. Vous aurez aussi compris (j’espère) que Medellin était TOUT SAUF une destination touristique. Il fallait être suicidaire ou trafiquant de drogue pour s’y rendre.
La mort de Pablo Escobar en 1993 sonnait la fin de « l’âge d’or » des trafiquants de drogue. À partir de ce moment, les choses commençaient à changer (ça allait toujours très mal… pour encore très longtemps… mais c’était mieux).
LA RÉDEMPTION
Quand on dit que les villes ont le pouvoir de faire changer les choses, Medellin en est le meilleur exemple.
2 mesures implantées par les autorités municipales ont eu un impact majeur sur la ville.
Une 1ère mesure, implantée dans les années 80, voulait que tout bâtiment public consacre au moins 5% de son budget total à des oeuvres d’art et/ou à améliorer l’environnement urbain. Résultat; il y a une multitude de parcs un peu partout en ville, la ville est (quand même) verte et est aujourd’hui reconnue comme « la ville aux sculptures ».
La 2ème mesure, implantée quelque part à la fin des années 90, consistait à construire des bâtiments éducatifs emblématiques; écoles, bibliothèques et musée… non pas dans le centre-ville, mais dans les quartiers les plus pauvres & dangereux. Pour les autorités, ces bâtiments icônes allaient agir comme catalyseur et aider à revitaliser & sécuriser les quartiers… un peu à l’image du Parc St-Roch par le maire L’Allier.
Pour ce faire, la ville allait faire confiance à ses architectes locaux… pas de syndrome du petit peuple qui considère que pour avoir un bâtiment d’envergure international il faut un architecte de réputation international… MNBAQ… 😉
Cette dernière mesure allait avoir une influence majeure sur la ville d’aujourd’hui.
LA VILLE AU PRINTEMPS ÉTERNEL
Vous connaissez mon amour pour les grandes villes… je déteste les grandes villes… Medellin était cependant un incontournable. Je m’étais donné 48h pour arpenter ses rues.
Medellin 2016 est une ville entre fiction et réalité; une ville qui allie un passé trouble à un avenir de plus en plus radieux.
Je dois avouer que j’avais beaucoup d’appréhension. Avec tout ce que j’avais lu sur son histoire, mon imagination fertile avait fait le reste et transformé cette ville en un véritable Enfer sur Terre… avant même d’y mettre les pieds.
Je m’imaginais un endroit où les criminels frappaient en pleine journée dans les rues bondées…
La réalité fut tout autre; j’ai marché pendant 2 jours toute la ville en limitant au minimum la prise de transport en commun… bref j’ai marché Medellin de long en large… j’ai été voir beaucoup de ces bâtiments icônes… ce qui veut dire que j’ai marché dans les quartiers peu recommandables.
Jamais au grand jamais je ne me suis senti menacé d’une quelconque façon. Le fait d’être un gars qui mesure 6.2 y est peut-être pour quelque chose, mais je doute que ce soit la seule raison. Par contre, tout le monde était unanime pour le soir; ne pas sortir dehors seul… ou ne pas sortir dehors POINT dans certains quartiers. Je n’avais pas vraiment envi de tester si c’était vrai.
Bref, revenons à nos moutons… l’exploration de Medellin.
Blotti dans une immense vallée formant une immense cuvette, Medellin et ses 2 millions d’habitants s’étendent dans le fond et les parois de cette « cuvette ». « The City of Eternal Spring (la ville au printemps éternel) » avec ses 24 degrés celcius à l’année longue, est la 2ème ville en importance en Colombie (après Bogota) et est la seule à avoir un métro (aérien… Dubai Style) au pays.
En fait, les transports en commun pullulent; métro traversant la ville dans le fond de la vallée, tramway & bus pour relier les périphéries, et remontés mécaniques quand les pentes sont trop raides. Tous ces services étant reliés l’un à l’autre.
Comme si ce n’était pas assez, de multiples pont piétons extravagants évitent aux piétons de se faire tuer par le traffic qui abonde.
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Bref, ce ne sont pas les options qui manquent pour se rendre à bon port. Heureusement puisque (comme je le mentionnais plus tôt) les bâtiments à voir sont dispersés un peu partout dans le chaos urbain qu’est Medellin.
En voici quelques-uns;
PARQUE DE LAS LUCES
En plein centre-ville, ce parc tout bétonné est des plus intrigant avec sa forêt de sabres lasers pointant vers le ciel.
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PARQUE BARRIO
Aussi au centre-ville, ce parc est un incontournable avec ses multiples sculptures d’humains et d’animaux « obèses » (la définition officielle est « satirique »… dans mon livre à moi ils sont « obèses ») gracieuseté de l’artiste Santiago Botero, natif de Medellin, et rendu célèbre pour sa Mona Lisa… obèse…
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MUSEO CASA DE LA MEMORIA
Rendant hommage aux victimes des conflits qui ont déchiré la ville et le pays.
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PARQUE BIBLIOTECA LÉON DE GREIFF
Probablement celui que j’aime le plus;  une bibliothèque + parc… qui garde les geeks (intérieur) et les bums (dehors) au même endroit… tout en ayant une superbe vue sur la ville.
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PARQUE BIBLIOTECA ESPAÑA
Un peu en périphérie de la ville, le musée en formé de 2 gros blocs noirs est accessible via une remontée mécanique et offre une vue imprenable sur l’ensemble de la ville. En total rénovation lorsque je suis passé, cela vaut tout de même le détour pour y admirer la vue de la ville.
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C’est la 1ère fois que je prenais une remonté mécanique sans bottes de ski à mes pieds.
JARDIN BOTANICO
Même si vous n’êtes pas un adepte de plante (genre moi), sa superbe structure semi-transparente utilisée pour accueillir des expositions temporaires vaut le détour… et c’est gratuit.
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CERRO NUTIBARA
Situé en plein coeur de la ville, cette petite colline toute verte offre un magnifique (presque) 360 degrés de Medellin.
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ETC.
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CUVETTE ORANGÉE
La cerise sur le sunday, une mer de bâtiments orangés entassées l’un par dessus l’autre sur les flancs de la vallée. Le bâtiment suivant étant toujours un peu plus haut que celui le précédant, cela fait en sorte qu’à peu près tout le monde en ville à une vue de la vallée de leur maison.
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Le soir venu, les bâtiments disparaissent dans la noirceur, mais les montagnes scintillent de lumières tels des tapis d’étoiles.
Bien joué Medellin pour ce revirement de situation pour le moins spectaculaire.
Si l’ancienne ville la plus dangereuse au monde peut le faire, rien n’est à l’épreuve d’une ville motivée.
Bon, ce n’est pas tout, j’ai un bus à prendre. Direction la Zona Cafeteria… enfin un peu de marche en montagne… et peut-être mon 1er 5000m en Amérique du Sud.
À suivre…

Épisode 76 – Colombie; il fut un temps…

 

Il fut un temps pas si lointain… où le mot « Colombie » était indissociable du mot « Cocaine ».
Il fut un temps pas si lointain… où la Colombie était le royaume des narco trafiquants et des guerrieros.
Il fut un temps pas si lointain… où on n’allait pas en Colombie pour voyager… oh que non.
Il fut un temps pas si lointain… où, autre que les trafiquants, seuls les espions de la CIA, MI6 et KGB de ce monde osaient y mettre les pieds.
Il fut un temps… où au tournant des années 2000, la Colombie a décidé de se prendre en main. Tout n’est pas parfait, mais le pays s’en va dans la bonne direction.

MERCI CANADA

À peine sorti de l’avion que je me retrouvais au douane et faisais connaissance avec la « Bienvenidos Tax »; une taxe spécialement conçue pour les canadiens (nous sommes les SEULS à avoir à payer pour avoir le visa colombien)… parce que le Canada est un véritable emmerdeur pour les colombiens voulant venir au Canada. Ils font donc subir le même sort au canadiens venant en Colombie.
Avantage non négligeable; cela nous permet d’éviter la loooooongue file d’attente… mais bon… je tentais d’amadouer la douanière avec mon espagnol cassé, en lui expliquant que j’étais toujours gentil avec les colombiens au Canada… et que j’adorais Shakira… en vain. J’ai au moins eu droit à un éclat de rire de sa part 😉
80$ et un visa bon pour 90 jours plus tard, je me retrouvais seul au monde à Bogota… en Colombie… en Amérique du Sud.
La réalité me frappait de plein fouet; j’allais passer la prochaine année sur un continent où la langue principale était l’espagnol… langue que je ne maitrisais pas du tout.
Petit (gros) instant de panique, une grande respiration et je sautais dans un taxi pour officiellement lancer mon voyage en Amérique du Sud.
COLOMBIE POUR LES NULS
Nommé en l’honneur de Christophe Colomb… même si il n’a jamais mis les pieds sur le territoire de la Colombie d’aujourd’hui, le pays a obtenu son indépendance de l’Espagne en 1810 après une très longue et sanglante guerre d’indépendance. Alors la « Grande Colombie », le pays regroupait l’Équateur, le Venezuela et le Panama.
L’Équateur et Venezuela se sont séparés de la République en 1830, suivit de Panama en 1903, pour former le pays que l’on connait aujourd’hui.
Quelques infos supplémentaires;
– Monnaie; Peso Colombien (COP), mais ils utilisent le signe $ partout… ce qui peut porter à confusion au premier abord; une chambre à 21000$?!?
– Population; 45 millions d’habitants,
– Presque 1/2 de la superficie de la Colombie est occupée par la jungle amazonienne. C’est un « No Man’s Land »; repère des guerrieros et des trafiquants de drogue… autant dire que je n’ai aucune intention d’aller dans ce coin.
– La cordillère des Andes prend forme en Colombie, pour longer la cote ouest du continent jusqu’en Argentine tout en bas.
– La Colombie est l’un des pays où l’on retrouve le plus de mines anti-personnelles dans le monde. Autant dire que je ne quitterais pas les sentiers.
– De manière plus générale, vous allez souvent m’entendre parler de Simon Bolivar un peu partout en Amérique du Sud.
Ayant vécu de 1783 à 1830 et surnommé « le Liberator (le Libérateur) », il a joué un rôle majeur dans la libération des colonies espagnoles d’Amérique du Sud du joug de la couronne espagnole. Il a participé à l’indépendance de la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Panama, le Pérou & sa terre natale le Vénézuela.
Il caressa toute sa vie (en vain) le rêve d’unir toutes l’Amérique du Sud sous un seul état… un peu à la manière des États-Unis.
LA VILLE AUX GRAFITIS
Perché à plus de 2600m au dessus de la mer, Bogota, ou plutôt Santa Fe de Bogota est la capitale du pays. Fondée en 1538 sous le nom de Bacata, la ville n’avait que 300000 habitants en 1940, tout un contraste avec les 7.6 millions d’aujourd’hui.
Ma 1ère impression de Bogota; bof. Une grande ville comme une autre. Certains éléments valent tout de même le détour.
CERRO DE MONSERRATE
Du haut de ses 3152m, Monserrate surplombe Bogota. L’endroit vaut le détour pour le super panorama qu’il offre sur l’ensemble de la capitale.
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LA CANDELARIA
Quartier historique de Bogota, vagabonder dans les rues est un régal pour les yeux. On croise entre autre sur notre chemin;
La Plaza de Bolivar, aussi appelé Place de l’Indépendance, coeur de la ville,
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La Plazoleta del Chorro de Quevedo, lieu de fondation présumé de Bogota,
Une multitude de jolies murales (grafitis),
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Et le Museo del Oro. Bon… vous connaissez mon amour pour les musées. On m’avait mentionné que si j’avais un seul musée à voir à Bogota, c’était le musée de l’or. Celui-ci relatait l’histoire de l’or en Amérique du Sud avant l’arrivé des espagnols.
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Toute la journée durant, le regard de tout le monde pointait sur mes pieds. Il devait faire 10 degrés et j’étais le seul à me promener en short et en flip flop dans la rue.
J’apprenais plus tard que nous étions en hiver en Colombie. Désolé je n’avais pas eu le mémo.
CLAUSTROPHOBE S’ABSTENIR
Direction Zipaquira, ville à 50km en banlieue de Bogota, pour y admirer « La primera maravilla de Colombia (la plus grande merveille de Colombie) »; la Catedral de Sal, une cathédrale construite dans une ancienne mine de sel.
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Depuis la surface, on s’enfonce sous la terre en arpentant un tunnel long de 2km et creusé au travers de la roche, du sel et du sel pétrifié (noir). Fait intéressant, nul besoin de dynamite pour creuser des tunnels dans une montagne de sel… de l’eau sous pression suffit.
Tout au long du chemin, 14 stations ont été aménagées et relatent le chemin de croix de Jésus. Le tout culmine avec une immense cathédrale située à plus de 180m sous terre… ce qui en fait l’église la plus profonde au monde.
Je vais laisser les images parler par elles-mêmes…
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Après plus d’une heure sous terre, l’atmosphère était très lourde et l’air tout sauf agréable à respirer… on aurait dit que je pouvais la gouter. Ajoutez à cela que j’en avais mare d’entendre la chanson « Ave Maria » en boucle. Il était temps de sortir et de retourner à Bogota.
SAN GIL
Par une journée grise et au ciel très bas, je mettais le cap sur San Gil; la capitale du plein air en Colombie… à 300km et des poussières au Nord de Bogota.
Après 1.5h de route, nous étions encore au beau milieu de Bogota. Je ne sais pas qui était le Génie qui avait eu l’idée de mettre la station de bus au beau milieu de la ville.
À peine quitté Bogota que l’autoroute disparaissait pour faire place à une route de montagne sinueuse. Le traffic lui ne disparaissait pas. En clair, les routes étaient bouchonnées.
Il m’a fallu 9h pour franchir les 300km…. 9h… et il fallait avoir l’estomac bien attaché pour ne pas faire un Numéro 3 (le Dedans Dehors… vous voyez ce que je veux dire 😉
J’avais donc tout le loisir d’admirer le paysage de la campagne colombienne (en fait je n’avais pas trop le choix); un mix de petites collines, champs et forêts à perte de vue… avec de multiples teintes de vert.
Parti tôt en matinée de Bogota, j’arrivais en milieu de soirée à San Gil. C’est fou comme 300km faisaient toute la différence; alors qu’il faisait frisquet le jour et froid la nuit à Bogota, il faisait très chaud le jour et chaud/humide le soir à San Gil.
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JUAN CURI WATERFALL
La fille travaillant à mon auberge avait été clair; si tu as une seule chose à voir/faire ici, c’est aller voir la chute Juan Curi.
Ouin… une chute… une autre chute… j’en ai vu des centaines des chutes… c’est toujours du pareil au même. Je me laissait tout de même convaincre en raison du fait qu’il fallait marcher 45min dans la jungle pour y accéder (quelqu’un a dit randonnée?!?).
1 bus local et 1 marche de 45min dans la jungle plus tard et je me trouvais devant cette « fameuse » chute.
Le sceptique en moi aura été confondu. WOW… l’une des chutes les plus photogéniques que j’ai vu de ma vie… dans mon top 3 avec celles de Kanchanaburi (Thailande) et de Yosemite (Californie). Ajoutez à cela qu’elle une immense piscine naturelle à ses pieds et la possibilité de la descendre en rappel.
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LE LABYRINTHE BLANC
Aussitôt levé, aussitôt dans un bus. Cap sur Barichara à 30km dans les hauteurs de San Gil via une route en lacet qui ferait l’envi de tous les cyclistes grimpeurs.
Réputé comme étant l’un des plus beaux villages de Colombie, Barichala datait de l’époque coloniale et était extrêmement bien préservée. J’avais l’impression d’avoir remonté 100ans en arrière.
Mis à part la cathédrale et les 3 autres églises, tous les bâtiments était finis à la chaux blanche.
Ajoutez à cela que toutes les rues étaient identiques; les façades de bâtiments étaient alignées pour ne former qu’un seul et même mur, de sorte que cela donnait l’impression de marcher entre 2 murs blancs… ce qui pouvait donner l’impression d’être dans un labyrinthe.
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CAMINO REAL
Aussitot trouvé mon auberge (tâche rendue difficile puisqu’elle était mal localisé sur ma carte… une maison blanche tu dis…) que je quittais Barichala via le Camino Real.
J’allais marcher (sous un soleil de plomb) sur un vieux chemin de pierre pour rejoindre le village de Guane 5.5km plus loin.
J’avais encore une fois laissé mon bon jugement de coté en optant pour mes flip flop au lieu de mes bottes. Sage décision sur un sentier de pierres toutes croches… idéal pour se fouler une cheville…
Peu m’importait, j’avais monté le Mont Blanc, marché l’Espagne, la Corse et la Réunion… ce n’était pas un vulgaire sentier de touristes qui aurait raison de moi 😉
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Je descendais donc dans la vallée aride pour atteindre Guane; charmant petit village où toute l’activité se concentrait autour d’une place publique et d’une jolie église.
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Je choisissais un restaurant pour y casser la croute et demandait « la specialidad ». La femme se mettait alors à m’expliquer plus de truc (que je ne comprenais pas). Je lui relançais alors; « si si, la specialidad ».
J’aurais peut-être du être plus attentif à ce qu’elle m’expliquait puisque je me ramassais à manger des intestins de mouton ou quelque chose de pas très beau à voir comme cela. À ce moment même, je décidé d’ajouter à mon vocabulaire « soy vegetariano / comida vegetariana ». On ne me reprendrais pas 2 fois.
Je finissais l’assiette et décidais de retourner à Barichara par le sentier. Il faut savoir que la plupart des touristes font le sentier de Barichara à Guane, pour ensuite prendre un bus pour revenir à Barichara… mais bon, je ne suis pas la plupart des touristes, je suis un idiot borné… pour économiser les 2000cop de la run de bus… environ 0.80$… c’est avec des $ qu’on fait des milles $…
Fidèle à mes habitudes, je n’avais pas assez pris d’eau… et je suffoquais sous la canicule. C’est fou comme j’étais dans la meilleure forme de ma vie au début juillet après le Mont Blanc, et qu’un mois au Canada à trop manger et boire avait tout détruit. Tout était à recommencer.
De retour à Barichara sain et sauf, j’entreprenais une farniente bien méritée à mon auberge, un véritable havre de paix aux allures de resort avec piscine et balcon surplombant la ville… pour la modique somme de 12$ 🙂img_1891
RIO SUAREZ
De retour à San Gil et à mon dernier jour dans les environs, je me laissais tenter par une randonnée en rafting sur la rivière Suarez.
Cette rivière proposait des rapides de classes 4 et 5… les classes 5 étant les rapides les plus difficiles à franchir… un rapide de classe 6 étant réputé infranchissable.
Après 2 intenses heures sur la rivière, je peux maintenant dire que faire du rafting sur la rivière Suarez est ma meilleure expérience de rafting à vie (c’est ma 5ème fois)… ça brassait à souhait.
VILLA DE LEYVA
Situé à 150km en banlieue de Bogota, Villa de Leyva est considérée comme un « joyaux de l’époque coloniale ». Plusieurs considèrent cette ville comme étant la plus belle de Colombie. On va se le dire bien franchement, Villa de Leyva était plate à mort. Sans rien lui enlever, elle n’arrivait pas à la cheville de Barichala.
Fondé en 1572 et perché à 2143m d’altitude au plus profond d’une vallée semi-désertique et entouré de montagnes allant jusqu’à 3500m, l’endroit est un lieu très prisé par les familles aisées de Bogota depuis toujours.
Sa place centrale, Plaza Mayor, est la plus grande place publique de Colombie et l’une des plus grande d’Amérique du Sud. Dit comme cela, ça pouvait paraitre impressionnant, mais c’était en vérité un grand espace vide avec un pavement de roches de toutes sortes et propice à se péter une cheville.
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Les paysages étaient bien sur intéressant, mais sans plus, notamment en raison du fait que la vallée ressemblait à une grosse banlieue désorganisée; ils avaient laissé les gens se construire où ils voulaient. Résultat; il n’y avait pas moyen de regarder nul part sans voir des constructions.
Heureusement pour moi, j’avais encore une fois touché le jackpot avec mon hébergement; un magnifique complexe à flanc de montagne un peu en retrait de l’action. On m’avait même offert une bière de bienvenue puisque j’avais marché pour m’y rendre au lieu de prendre un taxi.
SAGRADO CORAZON
À la 1ère heure le lendemain matin, je décidais d’aller piquer une jasette avec la status du Christ tout en haut de la montagne derrière la ville.
Avec ma stupidité habituelle, je décidais de ne pas apporter d’eau et de prendre mon déjeuner après… mauvaise idée. Perchée à 2500m, soit 400m au-dessus de la ville, le sentier s’avérait plus difficile que prévu.
J’avais la vallée au complet sous mes pieds; un paysage de montagne semi-aride sans grand intérêt. Peut-être aurait-il été plus intéressant si il n’y avait pas eu de trace humaine PARTOUT.
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Sur les coups de midi, j’entreprenais de faire une randonnée d’acclimatation en altitude dans les montagnes derrière Villa de Leyva. J’avais localisé un sentier montant jusqu’à 3500m. Mon entreprise coupait malheureusement court quand je rencontrais des policiers. Ceux-ci m’expliquaient que la montagne était interdite d’accès pour une raison que mon espagnol limité m’empêchait de comprendre.
Je décidais de faire l’idiot qui n’avait pas compris (c’était en parti vrai) et décidait de continuer l’ascension. C’est alors qu’un des 2 policiers a couru devant moi, a placé ses 2 mains sur mon torse et m’a fait un signe assez clair de retourner sur mes pas. J’aurai au moins essayé…
LE MONOLITHE & L’ARCHIPEL
04.35 – Après une nuit sans trop de sommeil dans un congélateur sur 4 roues (tous les bus colombiens sont glacials), je débarquais à Medellin.
05.30 – Aussitôt arrivé, que je ne laissait pas le temps au soleil de se lever et que je sautais à nouveau dans un bus. Direction Guetape, 2 heures plus loin.
Guetape est un lieu à ne pas manquer en raison de El Peñón. Faisant plus de 200m, la Piedra est un étrange monolithe de pierre qui semble avoir été placé au beau milieu de nul part. Certaines locaux racontent que c’est un météorite… qui sait.
Un escalier de 680 marches, construit dans une crevasse, permet d’atteindre le sommet. C’est toutefois sans compter l’ascension pour se rendre à la base du monolithe.
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Il faut être ajun et attentif du début pour entreprendre l’ascension; tantôt large, tantôt étroit, des fois triangulaire, l’autre seconde plongé dans le noir, l’escalier ne passeraient pas le test du Code du Bâtiment du Québec (qui demande à ce que toutes les marches soient identiques). N’empêche, ce double escalier en colimaçons (l’un pour monter, l’autre pour descendre) est un superbe ouvrage d’ingénierie qui offre des points de vue bien particulier.
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Une fois au sommet, si vous n’avez pas fait une fait une crise cardiaque lors de l’éreintante monté, il ne reste qu’à monter (encore) les 60 marches de la tour d’observation pour vous retrouver avec une vue à 360 degrés de la région.
La vue est tout simplement spectaculaire; on peut admirer sous toutes ses coutures le lac El Penol; réservoir créé lors de la construction d’un barrage hydroélectrique et qui fournit plus de 30% de l’électricité en Colombie. Le réservoir ressemble à un archipel avec tous les petits sommets/iles qui sortent ici et là de l’eau bleu azur.
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Le village de Guetape en lui-même est à ne pas manquer. Situé à 4km du monolithe, un programme d’embellissement urbain opéré de 2012 à 2015 à fait en sorte de transformer ce village autrefois monotone en un endroit coloré.
La plupart des bâtiments sont colorés et tous les bâtiments ont une bandeau de dessins (représentant n’importe quoi) sculptés & peinturés dans le bas.
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Bref, il fait très bon de visiter les environs de Guetape… et je n’ai même pas mentionné que l’endroit est un paradis des sports nautiques… et j’avais encore une fois touché le jackpot en ce qui concerne mon hébergement.
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Après maintenant 12 jours passés en Colombie, je dois dire que l’adaptation s’est bien passée. Je parle en espagnol comme un analphabète, mais les gens sont gentils et très serviables. Toujours avec le sourire (ils doivent se bidonner), ils prennent le temps de m’expliquer et de me ré-expliquer jusqu’à ce que je comprenne… ou que je me tanne et fasse semblant de comprendre.
Il n’y a pas eu de choc culturel à proprement parler… probablement dû au fait que je commence à avoir l’habitude d’être dépaysé.
J’adore tout particulièrement le fait que la Colombie n’est pas un gigantesque attrape touriste comme l’Asie du Sud-Est. Il y a une sorte d’indifférence envers les touristes… et j’adore cela. Je n’ai pas l’impression d’être le centre d’attention comme en Inde par exemple.
Je dois par contre avouer que j’ai hâte de gagner la montagne et de bouger.
J’en ai presque terminé avec les visites culturelles… l’action commence dans pas très longtemps.
Pour l’heure… cap sur Medellin.
TEJO
Difficile de passer en Colombie sans faire une partie de Tejo.
Sport traditionnel du pays, le Tejo est un espèce de jeu de poche… avec de la boue, des roches de métal et des explosions (sérieux). Si vous voulez mon avis, le Tejo est une excuse pour se saouler la gueulle… parce que (selon moi) c’est bien la seule manière de trouvez ce jeu amusant.
COLOMBIAN BOWLING
Tant qu’à y être, il fait aussi essayer les quilles colombiennes. Imaginez-vous une game de quille colombienne comme une game de quille joué à l’extérieur dans une cour à scrapt, avec de la musique espanol un peu cul cul, et ou presque tout le monde fument comme des cheminées et boivent comme des trous.
Le but est de faire tomber 3 quilles en lançant une boule de métal par delà un champs de cailloux. Plus facile à dire qu’à faire. J’ai quand même fait un abat avec chacune de mes mains… et failli tuer le ramasseur de quille (pauvre gars).
P.S. I – Je me sens comme chez moi en Colombie avec mon nom écrit partout; le mot « Stop » sur les panneaux rouges est remplacé par le mot « Pare ». Peut-être ais-je résolu le mystère de mon nom de famille. Peu être suis-je un latino?!?
P.S. II – En Colombie, et j’imagine un peu partout en Amérique du Sud, partir à l’heure signifie partir avec 15 à 30 minutes de retard.

Épisode 75 – À la poursuite des Mystérieuses Cités d’Or

10 Aout 2016


Après en avoir rêvé depuis mon enfance, je me lance finalement sur les traces d’Esteban, Tao, Zia… et Mendoza, à la recherche des mystérieuses cités d’or (peut-être la meilleure émission pour enfants jamais faite)… avec la portion « être pourchassé par des Conquistadors » en moins.

LE PLAN EST DE NE PAS AVOIR DE PLAN
Fini la planification à outrance comme je l’ai fait depuis mon départ de Dubai. Madagascar, La Réunion, le Camino de Santiago, le GR20 en Corse et l’ascension du Mont Blanc, il fallait toute une planification pour faire entrer tout cela dans 3 petits mois.
Comme je l’avais fait en Asie il y a 3ans, je me lance à l’assaut de l’Amérique du Sud avec un billet Allé Simple, un sac à dos et sans véritable plan. Les voyages comme je les aimes doivent laisser toute la place à l’improvisation au jour le jour. 

LE NORD DE L’AMÉRIQUE DU SUD
Point de départ; Bogota en Colombie, à la pointe Nord de l’Amérique du Sud. 
J’ai l’intention de descendre la Cote Ouest de l’Amérique du Sud en passant par l’Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chile et l’Argentine, pour ensuite remonter la Cote Est via le Paraguay, Uruguay, Brésil, Guyane, Surimane, Guyane Française, Vénézuela (?!?), etc. 
Une fois de retour en Colombie, je remonterais alors l’Amérique Centrale jusqu’à la frontière américaine et ensuite entreprendre la Pacific Crest Trail (si j’arrive au bon moment) du Mexique au Canada sur la Cote Ouest des États-Unis…
Bref, c’est un peu l’idée… mais bon… je sais très bien que tout cela va changer en cours de route et que bien des surprises m’attendent… pour la plupart positives je l’espère.

Fin de mon voyage et retour au Québec? Aucune idée… mais (si tout va bien) surement pas avant fin 2017 / début 2018.

Est-ce que je suis fou d’entreprendre un tel voyage? Peut-être bien… mais peut-être bien que je ne fais que faire ce que j’aime dans la vie. Posez-vous la question; qui est le plus fou des 2… celui qui va au bout de ses rêves ou celui qui a peur de les réaliser sous prétexte qu’ils sont difficile/impossible?!?

Trêve de discussion… j’ai un avion à prendre. 

Je serais cette fois sur le même continent que vous… mais la tête en bas 😉
Hasta Luego America del Norte. America del Sur ahi vamos.

Épisode 74 – Au sommet de l’Europe*

28 juin 2016
Fraichement arrivé sur le bord du lac Léman en provenance de Corse, je ne m’attardais pas plus longtemps qu’une soirée à Genève avant de sauter dans un bus en direction de Chamonix.
Non pas que je n’aimais pas Genève, bien au contraire, J’ADORE Genève, mais bien parce que je n’avais qu’une seule chose en tête… une très grosse chose en tête… et non je ne parlais pas de mon truc entre les jambes… NON… je parlais plutôt de la grosse crème glacé dominant les alpes à la frontière de la France, l’Italie et la Suisse… la plus haute montagne d’Europe… j’ai nommé le Mont Blanc.
Je mentirais si je disais que l’ascension du Mont Blanc était un vieux rêve. Cela remontait à mon séjour en Asie et à ma lecture du livre « Annapurna; le premier 8000 », ascension historique du 1er sommet de plus de 8000m, 3 ans avant l’ascension du sommet de l’Everest par Edmund Hillary et Tenzig Norway, par une équipe française composée d’alpinistes de la Compagnie des Guides de Chamonix.
Le mandat que je m’étais donné était très clair; j’allais faire tout en mon possible pour atteindre le sommet du Mont Blanc. Plus que jamais, mon objectif dépendait du bon vouloir de Dame Nature; il me fallait une température parfaite sinon je rentrerais bredouille.
LA COMPAGNIE DES GUIDES DE CHAMONIX
L’ascension du Mont Blanc est possible sans guide, et je l’aurais probablement fait ainsi en temps normal, mais je m’étais laissé tenter par la Compagnie des Guides de Chamonix.
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Fondée en 1821, la compagnie est la plus vieille organisation de guides de montagne au monde. D’une durée de 5 jours, leur « Stage Mont Blanc » proposait 3 jours de formation sur glacier en haute altitude pour se familiariser avec les techniques de crampon/piolet/corde, tout en s’acclimatant à l’altitude, suivit de 2 jours de monté/descente du Mont Blanc.
Du haut de ses 4809m, le Mont Blanc était loin d’être mon plus haut sommet. Or, c’était justement l’erreur à éviter avec cette montagne; il ne fallait pas se contenter de regarder les chiffres… cette montagne pouvait être sournoise. En condition hivernale à longueur d’année, on raconte qu’un peu moins de 50% des randonneurs qui tentent l’ascension du Mont Blanc parviennent jusqu’au sommet. Du 50% qui échouent, certains renoncent pour cause de blessure, mal des montagne/altitude, ou en raison du mauvais temps. Ajoutez à cela que la montagne fait entre 5 et 10 victimes par année. Bon nombre de randonneurs/alpinistes plus chevronnés que moi y avait perdu la vie. Tout cela pour dire que c’était le plus grand défi de ma jeune carrière de randonneur en haute montagne.
J’avais beau avoir plusieurs 5000m+, presque 6000m avec le Kilimanjaro, à mon actif, je n’avais jamais eu à négocier des sentiers de haute montagne sur neige/glacier. Comme j’avais l’intention de répéter l’expérience plusieurs fois en Amérique du Sud, je voyais cette formation comme un investissement dans ma santé & sécurité.
SOUS HYPNOSE
Vous êtes-vous déjà senti à la maison instantanément à un endroit où vous n’avez jamais habité. C’est le feeling que j’ai éprouvé à mon retour à Chamonix.
Bien que je déteste tout le fla fla entourant les villes dégoulinants de touristes, peu importe l’endroit où je me trouvais en ville, je n’avais qu’à lever les yeux vers le ciel pour trouver la paix et me rappeler pourquoi j’étais là.
Situé au plus profond de la vallée à 1035m d’altitude, Chamonix est à l’ombre de géants. Collé l’un sur l’autre, le Mont Blanc et ses 2 éternels acolytes, l’Aiguille du Midi et le Glacier des Bossons, m’hypnotisaient. Même quand je marchais en sens opposé, je me surprenais à me détourner pour les fixer.
Du haut de ses 3842m, l’Aiguille du Midi était une formidable montagne pointant vers le ciel. On peut accéder au sommet via un téléphérique et le panorama y est grandiose, ce qui en fait l’attraction touristique no.1 de la vallée.
Faisant figure de négligé, le Glacier des Bossons était celui qui m’impressionnait le plus. Le meilleur moyen de le décrire est d’imaginer une cascade d’eau descendant du sommet du Mont Blanc, cascade qui aurait brusquement mis les freins à mi-hauteur de la montagne… et gelé sur place. En résultait donc une mer de glace… avec une gentille forêt sur la partie basse de la montagne. Ces arbres n’avaient aucune idée que leur paisible existence prendrait brusquement fin si (quand) le monstre juste au-dessus se réveillait.
Le contraste était total; je me trouvais à la chaleur à Chamonix et passait ma 1ère soirée dans le jacuzzi extérieur de mon auberge à contempler le montagnes, alors que dans quelques jours je serais tout en haut à me les geler en conditions hivernales.
Jour 1 – MONTENVERS – MER DE GLACE
30 juin 2016
Après 2 jours de repos à ne rien faire d’autres que fixer les montagnes… et boire de la bière locale, l’action reprenait enfin.
Direction Montenvers (1913m), via un petit train sur un chemin de fer très incliné. Nous descendions ensuite sur la « mer de glace » (glacier) pour faire une journée d’entrainement.
Au 19ème siècle, la gare de Montenvers avait été construite tout juste au-dessus du glacier, mais il fallait aujourd’hui descendre pendant plus de 30 minutes pour atteindre le glacier. Tout au long de la descente, on pouvait voir des panneaux indiquants la hauteurs du glacier à partir de 1820 jusqu’à aujourd’hui. Il devait y avoir une bonne cinquantaine de mètres entre le panneau « 2005 » et la hauteur actuelle.
Les 16 randonneurs inscrits au Stage Mont Blanc avec les Guides de Chamonix passaient la journée sur le glacier en compagnie de guides afin d’apprendre / parfaire les techniques de marche avec crampons, d’encordage et d’utilisation du piolet dans diverses situations; sur glace/neige/roche, sur pente abrupte/légère, en monté/descente, etc.
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En fin de journée, nous étions séparé en groupes de 2 randonneurs (basé sur nos aptitudes) pour être ensuite jumelé à un guide. Ces 2 autres personnes allaient être mon équipe pour les 4 prochains jours.
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Je me retrouvais jumelé avec Arnaud, un jeune suisse hyperactif qui en était à sa 2ème tentative; l’an dernier, il avait dû rebrousser chemin à 4300m en raison du très mauvais temps.
Christophe, le chef guide qui nous avait donné la formation d’aujourd’hui, ne tardait pas à nous choisir. Il nous confiait qu’il voulait une équipe performante avec des gens qui se débrouillaient bien en montagne. C’était un peu compréhensible; il allait devoir s’encorder avec ces clients sur la montagne… et donc mettre sa vie entre leurs mains.
Jour 2 – FUNAMBULE DES NEIGES
1 juillet 2016
Aujourd’hui j’allais réaliser un rêve (un peu con), un rêve vieux de seulement 2 ans, mais un rêve quand même.
Lors de mon passage à Chamonix avec mon pote Julien Fumard en Janvier 2015, nous étions monté à l’Aiguille du Midi. J’avais alors pu admirer de valeureux skieurs quitter le « confort » (il n’y a aucun confort… on se les gèles en été comme hiver) de la station de l’Aiguille du Midi pour s’aventurer sur la très étroite arrête de l’Aiguille du Midi avec leur ski sur le dos. Cette arrête toute enneigée n’était pas plus large que mon cul (en fait moins large que mon cul), avec une drop de plus de 1000m de part et d’autre. Cette arrête ne présentait aucune difficulté technique, mais personne n’était à l’abri de perdre pied, de s’enfarger dans ses crampons, ou d’un coup de vent aussi soudain que puissant. Pas besoin de vous dire (mais je vais vous le dire quand même) qu’il n’y avait pas de seconde chance en cas de chute… c’était GAME OVER. Cette arrête, comme la plupart des montagnes environnantes, avait fauché plusieurs vies.
Bref, j’avais été fasciné de regarder ces skieurs marcher tels des funambules… fascination résultant d’un mix de jalousie et de voyeurisme… voyeurisme dans la mesure où je voulais voir si ils allaient se péter la gueulle. Dès lors, je m’étais promis de marcher cette arrête un jour… eh bien… je vous le donne en mille; ce jour était venu.
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Nous ne franchissions pas cette arrête simplement par plaisir. C’était le meilleur moyen d’accéder au Col du Midi, glacier situé entre l’Aiguille du Midi et le Mont Blanc, et lieu de notre 2ème journée de stage et première journée de randonnée en haute montagne.
Armé de mes crampons, de mon piolet et bien encordé à mon guide et à mon jeune ami, je quittais la plateforme de l’Aiguille du Midi premier de cordé sous le regard de plusieurs touristes incrédules.
Pour la durée de la traversée, mon destin était lié à celui de mes 2 compagnons; une erreur de l’un pouvait être fatale à tous les 3.
J’avais l’étrange feeling de marcher sur un fil (de neige) suspendu dans le vide. La dernière chose à faire était de tenter de franchir l’arrête en vitesse. Il fallait prendre tout son temps. Je profitais pleinement du moment et admirais la vue. Nous étions à plus de 3800m avec une vue imprenable sur Chamonix 2000m plus bas.
Le plus « drôle » dans tout cela; environ au milieu de l’arrête, je chantonnais la chanson « way down we go » de Kaleo. Pour les non anglais, « way down we go » se traduit littéralement par « directement en bas nous allons ». Réalisant la stupidité de la situation, je stoppais net sec de chanter et serrais un peu plus mon piolet.
Passé l’arrête sans encombre, on s’amusais sur le glacier quelques  heures… avant de repasser l’arrête pour retourner à l’Aiguille.
Je vous laisse deviner comment s’est passé la trajet du retour sur l’arrête puisque je n’écris pas cet épisode post mortem…
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Toujours en vie, mais mort de fatigue.
Jour 3 – JOUR DE PLUIE
2 juillet 2016
Le temps orageux et les grands vents ont coupé court à notre journée en montagne. Nous sommes plutôt allé dans un centre d’escalade intérieur.
Jour 4 – LE BALCON DES DIEUX
3 juillet 2016
06.30 – Mon réveil sonne… j’ai les yeux ronds… je me lève d’un coup et me dirige à la fenêtre… bleu… le ciel est bleu sans aucun nuage… Hip Hip Hip…
La réalité me sautait aux yeux; j’allais réaliser l’ascension du Mont Blanc aujourd’hui. J’étais envahi par un mélange de nervosité (que ça commence), de peur (avec tous les accidents qui arrivent sur le Mont Blanc) et d’excitation.
09.30 – Après avoir pris le téléphérique des Houches, suivit d’un train qui donnerait mal au coeur même à ceux qui n’ont pas le vertiges, nous étions au Nid d’Aigle. À 2380m, c’était le terminus du train et le départ de la voie normale d’accès au sommet du Mont Blanc.
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S’en suivait une monté de 800m d’altitude relativement facile, alternant entre cailloux, neige et glace.
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11.15 – Nous franchissions le « Refuge de Tête Rousse » pour se rendre à la base du « Corridor du Gouter ».
Communément appelé « le couloir de la mort », cette paroi rocheuse, frôlant les 70/80 degrés d’inclinaison, était la section la plus difficile / dangereuse du sentier. L’idée consistait à monter en zigzag sur 600m de hauteur au travers d’une zone d’avalanche / glissement de terrain comportant des chutes de pierres en permanence.
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Le Corridor du Gouter était l’endroit le plus meurtrier du Mont Blanc; la plupart des gens qui se tuaient sur la montagne se tuaient ici; soit à recevoir une pierre par la tête ou en raison d’une erreur. Être la personne la plus prudente au monde ne suffisait pas, il fallait avoir la chance de notre coté et être concentré du début à la fin… le moindre moment de relâchement pouvait être fatal.
Et moi dans tout cela? J’avais bien sur peur… ce qui est tout à fait normal; la peur est cette petite alarme dans la tête qui éveille vos sens et vous empêche de faire des trucs (trop) stupides. Si mon heure était arrivé, elle allait arriver, that’s it. Jusque là, je n’allais pas laisser la peur prendre le dessus et j’allais profiter du moment.
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Ce passage obligé menait au Refuge du Gouter, notre objectif de la journée. S’était impressionnant à voir d’en bas; perché en porte-à-faux à 3863m (à moitié dans le vide) tout en haut du corridor du gouter, le refuge se donnait des airs de forteresse imprenable tellement il était juché sur une paroi rocheuse en apparence impossible à franchir.
Tout le long de la monté, je n’arrêtais pas de taquiner mon guide Christophe en disant « quand est-ce qu’on monte? Je ne savais pas que le Mont Blanc était aussi plat que cela… », alors que nous étions en train de monter un mur. Je lui signifiais indirectement que notre rythme était trop lent pour moi. Il me regardait en souriant… sans accélérer le pas… alors qu’Arnaud peinait à suivre le rythme.
À tout moment lors de la monté, on entendait des cris « Attention », « Pierre » venant d’un peu partout en haut ou en bas. S’était chaque fois la même chose; on s’arrêtait un instant pour voir d’où ça venait avec les yeux bien ronds et tous nos sens en alerte, les roches passaient, on poussait un soupir de soulagement, et on repartait.
Je demandais à Christophe de nous raconter des incidents qu’il avait vu sur le corridor. Il nous parlait d’une femme qui avait décroché presque tout en haut du mur et qu’il avait vu tomber jusqu’en bas, de ce guide qui avait reçu une roche par la tête, pensait être ok et découvrait en enlevant son casque que la roche lui avait percé le crâne, et ainsi de suite.
13.25 – Non sans quelques frayeurs, nous parvenions sain et sauf tout en haut du couloir de la mort. Le Refuge du Gouter n’était plus qu’à une centaine de mètres devant. Nous avions réalisé le trajet Nid d’Aigle / Refuge du Gouter en un peu moins de 4 heures, ce que notre guide jugeait excellent vu le temps normal de 5.5 heures.
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À partir de là nous n’avions plus de difficulté majeure pour rejoindre le sommet; ce n’était essentiellement qu’une marche sur la glace/neige avec un dénivelé positif de +1300m. L’ennemi no.1 était dorénavant l’altitude; il fallait prendre de grande respiration et boire beaucoup d’eau pour contrer les effets de la haute altitude.
Le Refuge du Gouter semblait tout droit sorti d’un film de science fiction; sa forme ronde, sa façade métallique et sa position donnant l’impression d’être dans un équilibre précaire sur le bord de la falaise, faisaient penser à un vaisseau spatial qui se serait écrasé dans une plaine enneigé et aurait arrêté sa course à la dernière minute pour éviter de plonger dans le précipice.
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Le Refuge du Gouter était sans aucun doute le plus beau refuge de montagne que j’avais vu de ma vie… rien à voir avec les refuges de merde sur le GR20 en Corse. Le bâtiment était une réussite architecturale sur toute la ligne autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. La salle à manger et les dortoirs étaient comparables aux plus beaux auberges jeunesses où j’avais séjourné dans ma vie.
Cela ne s’arrêtait pas là, le balcon extérieur, que j’avais rebaptisé « Balcon des Dieux », valait à lui seul le détour; déjà que le refuge était à moitié dans le vide, le balcon ceinturait le bâtiment avec un plancher fait de grillage métallique. En clair, on voyait le vide sous nos pieds en marchant sur le balcon. Il ne fallait donc pas souffrir du vertige pour apprécier la vue imprenable sur les montagnes environnantes (impossible de voir le sommet du Mont Blanc d’ici), le couloir de la mort tout en bas et la vallée de Chamonix au loin. On voyait même le lac Léman et Genève à l’horizon.
Je passais le plus clair de mon temps sur le balcon à sourire en songeant à quel point ma vie était merdique 😉
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Jour 5 – LE SOMMET DE L’EUROPE
01.30 – Oui Oui… 01.30… le refuge commençait à s’activer. C’était la course pour déjeuner et partir au plus vite.
Ayant réussi à fermer l’oeil quelques heures, je me sentais frais et dispo, malgré un bon mal de crâne et le coeur qui battait à tout rompre même au repos… problèmes dû à ma non acclimatation à la haute altitude. L’adrénaline qui coulait dans mes veines compensait à me faire oublier tout cela.
La journée s’annonçait très longue. Alors que nous avions marché « à peine » 4 heures la veille, le pronostic d’aujourd’hui était de 4 heures de monté jusqu’au sommet, 3 heures de descente pour revenir au refuge, et 3 heures de descente jusqu’au train.
02.30 – Nous étions lancé pour le sommet dans la nuit glaciale. La température était officiellement de -10 degrés Celsius, mais le vent faisait descendre la température ressenti à environ -20.
Nous passions la première 1h30 à monter le « mur des flatulences » en marchant sur le coté en faisant des pas croisés. Le « mur des flatulences » était bien sur mon appellation personnelle… parce que les pets étaient les seuls bruits transperçant le lourd silence de la nuit.
03.45 – Le Dôme du Gouter était atteint. Une grosse ombre en forme de dôme sortait alors de la pénombre devant nous. Pour la 1ère fois, nous avions une vue sur le sommet.
Nous passions ensuite le Refuge Valot à 4362m. Sans gardien, ni chauffage, cet abri rudimentaire était à utiliser en dernier recours lors de tempête ou pour récupérer un petit peu lors de la monté/descente.
2 jours plus tôt, un alpiniste y était mort. Jeune trentenaire (comme moi), et se croyant invincible (comme moi), il s’était tapé 19 heures de monté depuis le Refuge des Cosmiques par mauvais temps. Le Refuge des Cosmiques est situé tout près de l’Aiguille du Midi via un sentier alternatif pour atteindre le sommet. Arrivé au Refuge Valot, son corps avait lâché et il s’était tapé un oedème cérébral. Cela faisait de lui la 1ère victime du Mont Blanc cette saison.
Fin de la parenthèse… Gulp…
S’en suivait la monté du versant « coup de cul »… de son véritable nom… pas mon invention. Mon guide me racontait que c’était la portion la plus incliné du sentier et qu’il lui fallait souvent donner un bon « coup de pied au cul » à ses clients pour qu’ils continuent à avancer. Il n’aurait pas à faire cela avec nous… même si j’avais soudainement arrêté de dire que le Mont Blanc était plat pour me concentrer sur ma respiration.
05.40 – Le sommet était désormais a porté. À ce moment là, plus rien ne pouvait m’empêcher d’atteindre mon but… pas même un orage soudain.
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05.56 – Un dernier pas et il n’y avait plus rien à monter, que de la descente de tous les cotés avec une vue à 360 degrés. L’Europe étaient sous mes pieds… Angleterre non inclus 😉
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Le ciel était alors complètement dégagé avec le soleil qui se réveillait à l’horizon. La température n’aurait pas pu être plus parfaite… une journée « Grand Beau » comme le disent les cousins français. J’avais encore une fois une chance incroyable.
Le sommet du Mont Blanc n’était pas un sommet comme les autres. N’ayant aucun panneau indiquant « Sommet du Mont Blanc – Toit de l’Europe – 3810m », un randonneur sans guide pourrait très bien passer tout droit. Bon… il faudrait que ce randonneur soit vraiment idiot, ou complètement intoxiqué par l’altitude, pour ne pas se rendre compte en regardant autour de lui qu’il n’y avait pas de montagne plus haute… improbable, mais possible.
Cela s’expliquait en raison du fait que le Mont Blanc était recouvert d’une couche de neige/glace épaisse d’environ 20 mètres et que cette couche variait selon les années. Mesuré à chaque année, le sommet du Mont Blanc avait très bien pu être à 3815m l’an dernier…
Le sommet n’était que la moitié du trajet… il fallait maintenant descendre.
En regardant vers l’ouest, on pouvait voir l’ombre que le Mont Blanc projetait sur la vallée; il y avait du soleil partout, sauf dans une gigantesque pyramide d’ombre.
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Une fois de retour au Refuge du Gouter, et avec déjà plus de 6 heures de marche dans les jambes, le plus dur restait à faire; il nous fallait descendre le Corridor du Gouter. Déjà que ça avait été une montée éprouvante, j’anticipais la descente « rock’n roll »… en espérant que l’expression ne soit pas prise au 1er degré.
Contrairement à un chat monté trop haut dans un arbre, il n’y aurait pas de pompier pour nous faire descendre… seulement notre huile de genoux et un peu de jugeote.
J’étais encore une fois premier de cordé; je n’avais rien sauf le vide devant moi. Nous avions à descendre un mur… et par « mur » je voulais vraiment dire MUR. Ce pan de mur en descente est DE LOIN, la section de sentier la plus difficile que j’ai eu à négocier dans ma vie. On ne se le cachera pas; j’avais peur… peur de faire un mauvais mouvement et de me retrouver en bas plus vite que prévu. J’avais failli commettre l’irréparable quelques fois… en pouvant toujours récupérer à minuit moins une.
Pour détendre l’atmosphère, Christophe me lançait un « est-ce que tu trouves encore le sentier trop plat? »… et moi de répondre « oui… beaucoup trop plat… mais plat vertical ».
Arrivé au « Refuge de Tête Rousse » sain et sauf, je lançais à mes compagnons « qui l’eu cru… nous sommes toujours en vie » avec un rire rempli de soulagement. Je n’avais jamais douté que nous serions en bas de la montagne avant la fin de la journée… mais j’avais eu quelques craintes à savoir si nous serions en bas… vivant.
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La pression tombait… à partir de là, il n’y avait plus « aucun » risque; ne restait plus qu’à se laisser glisser sur la neige (parfois littéralement) jusqu’au train 1h plus bas.
11.30 – La gare du Nid d’Aigle était à portée. Le trek était terminé.
Notre guide regardait sa montre avec étonnement. Il nous disait qu’il était normalement de retour à cette gare entre 14.00 et 17.00, et que nous étions probablement son groupe le plus rapide.
À moins que le train ne manque de frein, nous allions vivre un autre jour…
EPILOGUE
Un jacuzzi, quelques bières et une bonne nuit de sommeil plus tard, j’étais dans le train « Mont Blanc Express » à quitter la « Vallée Blanche ». Par la fenêtre, je fixais l’Aiguille du Midi et au Mont Blanc.
J’avais un immense sourire… un sourire ayant une signification différente des sourires précédents; à les regarder d’en bas, je devais me pincer pour croire que j’étais vraiment allé tout en haut.
Le Mont Blanc n’était pas mon sommet le plus haut (à ce jour c’est toujours le Kilimanjaro), mais assurément le plus difficile. Des 16 randonneurs inscrit au Stage Mont Blanc en même temps que moi, seul 7 s’étaient rendus au sommet.
Moi qui était blasé et qui n’avait qu’une seule idée en tête après avoir fini le GR20 (épisode précédent); rentrer au plus vite au Canada, j’avais finalement passé les 5 plus beaux jours de mon voyage sur le Mont Blanc et ses environs… 5 jours qui faisaient passer le reste de mon voyage pour une promenade dans le parc tellement le niveau de difficulté/dangerosité avait été grand.
Je quittais les Alpes Françaises avec une excitation sans borne pour mon voyage en Amérique du Sud, voyage où je planifiais collectionner les sommets enneigés de plus de 5000/6000m.
Allez… cap sur Toulouse dans le sud de la France avant de rentrer 1 mois au Canada.
On se reparle en direct de Bogota/Colombie début aout.
P.S. – Un gros MERCI à mon guide Christophe Bougon pour nous avoir mené au sommet et retourné sur le plancher des vaches sain et sauf… et pour avoir enduré toutes mes blagues stupides avec le sourire et la bonne humeur.
*Sommet de l’Europe si l’on exclus la Russie de l’Europe. Le Mont Elbrus dans la chaine des Caucase est plus haut). Certains pourraient dire que c’est la Russie qui s’exclut elle-même de l’Europe… mais bon, je ne parle pas de politique.

Épisode 73 – GR Vins (20)

12 juin 2016
Dans la catégorie « À éviter », il y a bien sur les très évidents;
– Donner un coup de pied dans un nid d’abeilles,
– Fumer une cigarette en faisant le plein à la station service,
– Nager avec des requins si on saigne abondament,
Il faut maintenant ajouter à cette liste;
– Arriver à Calenzana un dimanche.
Calenzaquoi? Calenzana… le village situé au départ de la randonnée du GR20… si vous faites le GR dans la direction Nord/Sud.
Pourquoi? Pour la simple raison que l’endroit ressemble à une ville fantôme le dimanche; tous les services, ou presque, sont fermés (épicerie, etc.). Il nous était donc impossible d’acheter des provisions pour le GR.
Peu nous importait, ce n’était pas une absence de ration qui allait nous empêcher moi et Tanzi (venue directement de Dubai pour m’accompagner dans mes aventures en Corse) de commencer le GR20 tel que prévu à la première heure le lendemain matin. Nous allions partir aux premiers rayons de soleil et mettre notre destin entre les mains de la montagne.
CORSE ET GR20 POUR LES NULS
La Corse est une île au large de l’Italie, tout juste à coté de l’ile de Sardaigne dans la mer Méditerrannée. L’ile est un territoire francais, mais conserve une très forte influence italienne témoignant de ses origines (les noms de villes, montagnes, de familles sont italiens).
Créé au début des années 70, le GR20 est un sentier de randonnée dans les montagnes du Parc Naturel Régional de Corse. Le parc englobe presque tout le centre de l’ile et plus de 1/3 de la superficie totale de la Corse.
Le GR20 coupe en diagonale la Corse du Nord-Ouest (Calenzana) au Sud-Est (Conca) et fait environ 200km.
« Le GR20 a été concu au départ dans un esprit sportif, spartiate avec peu de confort, se pratiquant en autonomie. »
Le sentier a longtemps été réservé à un public averti marchant en autonomie complète (transporter sa nourriture, tente, sleeping… tout quoi) capable de porter des sacs de 25kg (mon sac en fait 5kg). C’est aujourd’hui loin d’être réservé à l’élite des marcheurs puisqu’il a depuis été « démocratisé » (facilité… facilité ne veut pas dire facile) avec l’ajout de gite et la vente de nourriture. Il est aujourd’hui fréquenté par une HORDE de randonneurs de tous les niveaux (surtout des vieux sans trop d’expérience si vous voulez mon avis). La portion Calenzana/Vizzavona (environ au centre de l’ile) est réputée comme étant la plus difficile passant par plusieurs hauts sommets frolants les 3000m. En contrepartie, la portion Vizzavona/Conca est réputé plus « facile », mais les distances y sont plus longues.
Bref, vous comprenez un peu dans quoi je m’étais embarqué. On ne parle pas de pèlerinage ou de marcher un GR quelconque, il s’agit de marcher le GR20, un sentier qui a la réputation d’être LA randonnée la plus difficile d’Europe.
On allait bientôt en avoir le coeur net et voir si ce qualificatif était méritée.
FLASHBACK DEPUIS COMPOSTELLE
Il s’était écoulé 6 jours entre la fin de mon Camino de Santiago (6 juin) et le début de mon GR20 (13 juin). 6 jours où j’avais fait tout en mon possible pour limiter les activités physiques afin de guérir mes blessures, faire la paix avec mes pieds et être dans une forme optimale pour le GR20.
En Suisse…
Genève… avec un coucher de soleil parfait sur le bord du lac Léman,
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Lausanne… un peu déçu de cette ville.
En Corse…
Bastia… avec sa vieille ville organisée autour d’un port surveillé par une citadelle perchée en haut d’une colline en bord de mer.
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Corte… et son intrigante citadelle en porte-à-faux sur un rempart rocheux dominant la ville,
Bonifacio… une ville défiant la gravité en surplombant la mer du haut de ses  falaises de calcaires.

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L’escalier du roi Aragon, qui descent jusqu’au niveau de la mer, peut-être l’escalier le plus intense que j’ai monté/descendu, est quelque chose à ne pas manquer.
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Je n’ai surtout pas chaussé mes souliers de montagne pour;
– marcher 1 journée (20-30km) dans les vignobles en terrasses de Lavaux. Situés entre Lausanne et Montreux et classés patrimoine mondial de l’UNESCO, ces champs de vignobles en terrasse vieux de plus de 1000ans surplombent le lac Léman. Véritable labyrinthe parsemé de petits villages, on se surprend à y marcher durant des heures,
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– faire un trek de 11km, +1200m -1200m, tout sauf une prommenade de santé, jusqu’au sommet de la plus haute montagne surplombant Corte pour y voir l’Arche (rocheux) de Corte,
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– marcher dans les Balanques de Piana, surprenant site de l’UNESCO sur la cote Ouest de la Corse,
– faire une « petite » randonnée matinale de 8km, +600m -600m en bord de mer jusqu’au sommet d’une grosse roche surnommé Capo Rosso, pour y admirer son vieux fort… et la vue sur la mer en contrebas.
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Ajoutez à cela que j’avais loué une voiture pour faire le tour de l’ile durant 4 jours… une voiture manuelle. Mon expérience en conduire manuelle se résumait à quelques fois il y avait 4 ans et cela n’avait pas vraiment été couronnée de succès. Je me retrouvais donc à conduire en Corse, une ile montagneuse, à constament monter/descendre et où les routes droites n’existaient pas. Plus de peur que de mal…
Bref, vous avez tous compris que je commencais le GR20 bien reposé 😉
JOUR J – RETOUR AU BOULOT
13 juin 2016 – Calenzana
06.30 – Le réveil sonne… la vérité me sautait au visage, à peine terminé le Chemin de Santiago que je reprenais du service.
Après avoir enchainé coup sur coup la Grande Traversé de La Réunion (plus de 150km) et le Camino de Santiago (plus de 800km), je tentais de compléter la trilogie en marchant le GR20 en Corse (plus de 200km)…
Mes pieds, qui portaient encore les cicatrices douloureuses du Camino, retournaient dans leur boureau et je remettais Boule de Quille sur mon dos.
Après avoir arpenté les petites rues de Calenzana, le début du sentier se trouvait maintenant devant nous. Je ne pouvais plus reculer… enfin… j’aurais toujours pu, mais cela n’aurait pas été très viril aux yeux de Tanzi.
Nous dévorions les 7 premiers km à un bon rythme; en 2 heures, nous avions atteint facilement le col Bocca u Saltu à 1250m.
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Le GR20 prennait véritablement son envol à partir de ce moment. Après avoir marché dans une très belle forêt de pins, le sentier montait désormais dans une zone d’éboulement. Un faux mouvement et j’allais ajouter une cicatrice (ou pire) à ma collection. Je me rendais compte que mon corps n’avait pas bien (pas du tout) récupéré depuis la fin du Camino de Santiago… un peu normal puisque je ne lui avait pas laissé l’occasion de reprendre son souffle.
12.05 – Arrivé au refuge sain et sauf 5h15 après notre départ, il n’y avait maintenant plus qu’à admirer le paysage et attendre le souper… 6h plus tard. Le campement était situé sur un faux plat à mi-hauteur d’une vallée, et offrait une vue sur la mer loin en contrebas.
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Après avoir passé l’après-midi à faire la sieste au soleil, je décidais de monter jusqu’au sommet de la montagne derrière le refuge pour me mettre en apétit (comme si j’en avais besoin). Alors que la montée se faisait sans problème, la descente était pénible; j’étais mort de faim et le sentier était glissant… j’avancais à pas de tortue (vous avez déjà vu une tortue en montagne… ouais… c’est ça).
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Pour le souper on nous servait des lentilles à la sauce tomate. Même moi, qui suis NUL en cuisine, n’oserais pas faire ce mix… et surtout charger 20 euros (+/-27$) pour le plat. La cuisinnière interprétait ma demande pour un 2ème plat comme si j’aimais sa cuisine (elle était toute contente). La vérité c’est que j’étais mort de faim et que j’aurais passé au travers d’un sac de croquettes pour chien si elle me les avait servi.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Calenzana
Altitude de départ; 280m
Arrivé; Refuge Ortu di u Piobbu
Altitude d’arrivé; 1560m
Distance; 11km
Dénivelé; +1360m -60m
JOUR 2 – L’ESPRIT EN PAIX
14 juin 2016 – Refuge Ortu di u Piobbu
À notre réveil, la vue panoramique que nous avions le veille à partir du refuge avait fait place à un mur blanc; une mer de brouillard.
Nous avions décidé de prendre un sentier alternatif pour nous éloigner des foules, éviter le grand vent et alonger notre randonnée (14km au lieu des 7.5km annoncé pour le sentier officier).
Le sentier descendait en serpentant au travers d’une forêt de pins. Arrivé tout en bas à l’Auberge de la Forêt, il était maintenant temps de remonter de l’autre coté.
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12.45 – Arrivé au refuge de Carozzu, notre refuge du jour. Perché a à 1270m dans une cuvette formée par la montagne qui se refermait sur 3 cotés pour s’ouvrir seulement sur une vallée plongeant vers le bas (d’où nous arrivions), avec la mer tout au loin.
À écouter tous les autres randonneurs dire oh combien le sentier du jour avait été difficile, je m’en voulais d’avoir pris un chemin « facile »… même si mon intention était bonne; faire plus de km.
J’allais passer le reste de l’après-midi à me reposer… ERREUR… vous me prenez pour quelqu’un de rationel?
Je décidais de faire une marche punitive jusqu’au sommet de la montagne derrière moi sur le sentier GR20 que nous aurions dû prendre. Je voulais m’enlever le gout d’avoir triché de la bouche.
J’avais l’impression de voler sur le sentier… même si je montais… comme si j’étais poussé par un sentiment d’urgence… ou par le fait que je n’avais pas de sac à porter.
Le sentier était comme je l’imaginais; difficile et extrèmement casse-gueulle. Il le fallait pour que 6km aient pris plus de temps à des gens de mon niveau, qui étaient partis plus tôt que nous et arrivé à Carozzu après nous.
Nous montions dans un glissement de terrain avec une quasi absence de prises solides pour les pieds. Pour chaque 3 pas que je montais, j’en descendais 1. C’était comme de la danse en ligne… mais en plus amusant 😉
Mon « moi du futur » (qui allait devoir redescendre jusqu’au refuge un peu plus tard) détestait mon « moi du présent » et son orgeuil mal placé.
Le sentier était tellement casse-gueulle que j’avais croisé une fille en larme. Elle descendait au refuge Carozzu et me demandait si elle était au bout de ses peines. Elle était malheureusement tout en haut du mur et bien loin de voir la lumière au bout du tunnel.
Mon sentiment de culpabilité s’envolait presque entièrement lorsque j’atteignais le sommet du col Bocca Innuminata à 1865m. J’avais monté 600m et marché 2.5km depuis mon départ de Carozzu. Il me restait à défaire mon chemin pour retourner au refuge. Plus facile à dire qu’à faire.
Ce soir, le souper s’améliorait un peu; du spaghetti à la sauce tomate. Loin d’un repas étoilé Michelin, mais une petite amélioration.
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RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge Ortu di u Piobbu
Altitude de départ; 1560m
Arrivé; Refuge de Carozzu
Altitude d’arrivé; 1270m
Distance; 14km (+5km)
Dénivelé; -1060m +770m (+600 / -600m)
Jour 3 – LE SINGE DES MONTAGNES
15 juin 2016 – Refuge de Carozzu
Connaissez-vous le singe des montagnes? En avez-vous déjà vu? J’imagine que non puisque c’est une espèce très rare que l’on retrouve presque uniquement sur les sentiers du GR20 en Corse. Ces humanoides mi-singe, mi-tortue qui avancent avec leurs pieds et leurs mains et qui transportent leur maison sur le dos. Eh bien nous n’en avons pas simplement vu, nous en sommes devenu aujourd’hui. Pas le choix si on voulait passer au travers de cette journée en un seul morceau vu la grande difficulté du parcours, qui s’apparentait plus à de l’escalade qu’à de la randonnée.
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Le sentier ne pardonnait tout simplement pas. Parti à 07.00 tapant, les premiers km se passaient à monter dans un canyon abrupte et parsemé de grosses roches. Une fois au col Bocca Muvrella à 1980m, nous avions parcouru 3km en un peu plus de 2h30.
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Par la suite, le sentier longeait la paroi avec des sections encore plus techniques. Il n’était pas rare d’avoir à descendre une paroi rocheuse de 8/10m de haut avec des appuis limités et aucune corde/chaine. Alors que je donnais l’impression d’être un enfant dans un magasin de jouet… j’avais le sourire fendu jusqu’au lèvre… je croisais beaucoup de randonneurs avec le regard crispé par la peur. Et pour cause, un faux mouvement et c’était une chute de quelques mètres… ou pire. Le GR20 n’est pas un sentier de randonnée qui prend par la main. Il faut en fait l’agriper à 2 mains si l’on veut avoir une chance de succès/survi.
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L’ascension d’un 2ème col nous mettait exactement à 2000m. On pouvait alors voir le refuge du jour tout en bas… loin tout en bas… qui donnait l’impression de pouvoir être atteint en 15 minutes… quand il nous fallait finalement 1h30 pour négocier le sinueux parcours d’escalade tout en descente.
11.45 – La journée de travail était véritablement terminée avec le refuge de Ascu devant nous. Nous bouclions les 5.5km en 4h45… en étant parmi les plus rapides.
Perdu dans les montagnes aux sommets enneigés et accessible par la route, Ascu est une petite station de ski l’hiver et se transforme en refuge du GR20 le reste de l’année. L’un des sommets qui l’entoure, le Monte Cinto, est le plus haut sommet de la Corse à 2700m.
Nous passions le reste de la journée à boire. Pour ceux qui lisent attentivement mes aventures depuis mon départ de Dubai, vous en êtes peut-être déjà venu à la conclusion que j’étais (re)devenu alcoolique. Vous n’avez pas tort… mais en montagne il y a 2 choses à faire; marcher et boire. Je bois mon 50/75cl de vin quotidiennement depuis 3 mois et j’ai quand même perdu plus de 10kg. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer une formule gagnante 😉
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de Carozzu
Altitude de départ; 1270m
Arrivé; Refuge de Ascu Stagnu
Altitude d’arrivé; 1420m
Distance; 5.5km
Dénivelé; +800m -640m
Jour 4 – BEAUTÉ FATALE
16 juin 2016 – Refuge de Ascu Stagnu
Lorsque j’avais procédé à la réservation des refuges avant de quitter Dubai, j’avais cru bon de doubler une étape aujourd’hui (faire 2 étapes en 1 journée). C’est assez commun sur le GR20… mais je ne crois pas que beaucoup de randonneurs doublent ces 2 étapes. Je ne sais pas trop à quoi j’avais bien pu penser.
La 1ère étape, longue de « seulement » 9.1km, montait jusqu’au toit de la Corse et avait un panneau où était écrit en grosses lettres « sentier hautement technique… 8-10heures ». Si ce sentier avait la mention « technique » et que le sentier d’hier ne l’avait pas… gulp…
Si nous étions toujours en 1 seul morceau à l’arrivé, la 2ème étape, longue de 6.5km, allait nous attendre les bras grand ouvert pour terminer le travail. Au total on parlait de seulement 16.6km de marche, mais d’environ +2000m et -1000m de dénivelé.
J’avais eu du mal à dormir tellement j’étais anxieux. Tout seul je n’aurais pas eu de problème, mais j’avais Tanzi avec moi et je me sentais responsable.
Peu importe, il n’y avait qu’une seule chose à faire; marcher.
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05.50 – Nous prenions la route avec un ciel bleu exempt de nuage. Les montagnes semblaient nous dire « Venez! ». Nous n’allions pas refuser leur invitation.
Premier sur le sentier, c’était le calme avant la tempête; les oiseaux chantaient, le soleil ne nous avait pas encore atteint et le sentier était facile. On se dirigait tranquillement mais sûrement vers le fond de la vallée, vallée qui n’était ouverte que sur un seul coté… celui dont nous arrivions… les autres cotés étant fermés par des parois rocheuses quasi verticales. Nous couvrions les 2 premiers km en moins de 1h. La suite devait nous prendre beaucoup plus long.
Après quelques minutes de monté éreintante, il était maintenant clair que le sentier était devenu un « non sentier », dans la mesure où il n’y avait pas vraiment de sentier tout tracé pour monter la paroi verticale; il fallait simplement faire de son mieux pour passer d’un drapeau rouge/blanc à l’autre. Le grand vent transformait tout mouvement en spectacle de haute voltige et tout équilibre était précaire.
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Une fois cette première paroi montée, nous débouchions dans une nouvelle vallée plus haute et toujours ceinturée de montagnes aux parois plus verticales qu’horizontales.
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Il n’y avait alors aucune trace de vie (humaine) autour de nous. Nous étions entouré de la nature à son état brut, la Beauté à l’état naturel… et hautement dangereuses. Cette Beauté n’attendait qu’un moment de relâchement de notre part pour nous faire un coup sournois aux conséquences imprévisibles.
D’ailleurs, il y a presque 1 an jour pour jour se produisait l’une des plus grande catastrophe du GR20 à proximité de où nous nous trouvions. Mi juin 2015, les montagnes étaient encore chargés de beaucoup de neige après un hiver rigoureux. Des températures extrêmement chaudes faisait se déclencher une avalanche qui emportait au moins 5 randonneurs avec elle. On retrouvait les corps seulement quelques jours après.
08.00 – Après 3.5km (1.5km d’ascension en 1h30), nous avions atteint un nouveau plateau à 2150m.
Par la suite, le sentier n’en finissait pas de monter, et plus ça montait plus ça devenait technique. Je ne ressentais plus la fatigue tellement j’étais boosté par l’adhrénaline. Un peu avant le sommet, la pente était devenue tellement raide, qu’il fallait toujours être en position plié vers l’avant pour ne pas perdre l’équilibre et se faire renverser vers l’arrière. Toute cette ascension finale se faisait dans un champ de cailloux vertical, avec certains passage dans la neige en guise de répit.
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09.20 – 2600m… nous avions atteint le sommet du sentier… un endroit TOTALEMENT inhospitalier, formé de roches de toutes formes et grosseurs, agrémenté d’un vent à écorner les boeufs et d’une température glaciale… même si le soleil rayonnait de tous ses feux dans un ciel sans nuage.
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De là, le Monte Cinto, sommet de la Corse, était à 1km allé. Nous y voyons peu d’intérêt puisque nous avions déjà un formidable panorama à 352 degrés de là où nous étions.
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Désormais en mode descente sur le versant opposé, nous étions exposé au grand vent à traverser une mer de cailloux sur 3km. Un pas nonchalant et votre pied se posait au mauvais endroit. Au départ amusant, on en venait vite à se lasser à constamment perdre pied.
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12.10 – Fin de la 1ère étape avec notre arrivé au refuge Tighjettu à 1683m et 9.1km dans les jambes. Cela n’était pas le temps de s’appitoyer sur notre sort. Une courte pause et nous étions de retour sur le sentier. La 2ème étape du jour se décortiquait en 3 temps; une descente toute en douceur dans une vallée longeant une rivière, suivit d’une agréable (c’est possible) monté dans une forêt de pins… et d’une beaucoup moins agréable montée assez technique sur des parois rocheuses pour rejoindre le col du Bocca Foggiale à 1962m. Cette dernière partie se révélait une véritable torture pour mes pieds, alors que mon cardio avait lâché prise il y a bien longtemps.
16.30 – Fin du calvaire. High Five à Tanzi pour célébrer le fait que cette journée tant redoutée était désormais chose du passé. Avant même d’avoir retiré mes souliers, je me dirigais à l’intérieur du refuge et commandais une bouteille de vin (le gars connait ses priorités).
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RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de Ascu Stagnu
Altitude de départ; 1420m
Arrivé; Refuge de Ciottulu di I Mori
Altitude d’arrivé; 1991m
Distance; 16.6km
Dénivelé; +1700m -900m
Jour 5 – DÉROULE LE TAPIS ROUGE
17 juin 2016 – Refuge de Ciottulu di I Mori
De très forts vents et une pluie dilluvienne avait frappés le refuge une bonne partie de la nuit. On pouvait donc s’attendre au pire pour cette journée de marche.
06.30 – À notre réveil, tout avait cessé. Ne restait qu’un sentier détrempé, un très fort vent et un épais brouillard (c’était déjà bien assez si vous voulez mon avis). Les Dieux de la marche étaient véritablement de notre côté.
Après avoir marché un bon moment sans rien y voir, nous descendions sous la nappe de brouillard pour  découvrir le paysage qui s’y cachait. Nous avions devant les yeux un paysage complètement différent des derniers jours. Alors que nous avions pris l’habitude de marcher de sommet en sommet, nous étions désormais à serpenter entre les montagnes dans une contrée de collines recouvertes de verdure et de roches. Le sentier nous guidait tout en bas de la vallée vers le seul endroit lumineux. C’était comme marcher dans un tunnel en se dirigant vers la source de lumière tout au bout.
Après quelques 2 heures de marche, l’horizon s’ouvrait devant nous; le brouillard au-dessus de nos têtes laissait toute la place à un ciel bleu, et les montagnes, qui agissaient tels de murs étouffants, s’élargissaient pour laisser place à une immense forêt.
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Après 10km de balade, le sentier commencait à monter. Que serait une journée sur le GR20 sans une ascension d’au moins une montagne? Celle-ci n’était qu’une formalité et à 12.10 nous étions au sommet du col Bocca a Reta à 1883m.
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Tout de suite après, le sentier descendait vers un grand lac entouré d’un étrange pâturage ressemblant étrangement à un vert de terrain de golf.
On se doutait que le GR20 n’allait pas nous laisser finir la journée aussi facilement et qu’il nous réservait une petite surprise pour la fin… du genre monté éreintante sur les 2-3 derniers km.
Et puis boum… on apercevait le refuge du jour au détour d’une grosse roche… perché… tout en bas de la vallée… avec un sentier hyper pénard traversant une plaine… comme si le GR avait déroulé le tapis rouge (vert) pour nous acceuillir au refuge.
Trève de célébration, même facile, il fallait tout de même les marcher ces 2km.
14.10 – Aussitôt arrivé au refuge de Manganu à 1600m, que nous étions prêt à repartir. Je ne sais pas d’où ils sortaient, mais je n’avais jamais vu autant de gens dans un même refuge de montagne. Le terrain de camping ressemblait à un parking de centre-d’achat un samedi après-midi.
Le refuge n’était guère mieux avec un dortoir constitué de matelas pas très large collés l’un sur l’autre. Cela voulait donc dire que je risquais fort de me réveiller nez à nez… ou même en cuillère (frisson de dégout)… avec le suisse dormant à coté de moi.
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Pas cool quand tu avais une grosse journée de marche dans les jambes et que tout ce que tu désirais était de relaxer.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de Ciottulu di I Mori
Altitude de départ; 1991m
Arrivé; Refuge de Manganu
Altitude d’arrivé; 1600m
Distance; 23km
Dénivelé; +650m -1050m
Jour 6 – SUR LE DOS D’UN DRAGON
18 juin 2016 – Refuge de Manganu
05.40 – Tout était déjà rangé et nous étions en route. Encore une fois nous allions doubler les étapes. Au menu 18km de marche, plus de +1800m de monté et -1200m de descente.
Le premier test de la journée ne tardait pas avec l’ascension d’un mur de pierres sans véritable sentier; il s’agissait de choisir les bonnes pierres pour s’agriper et monter jusqu’en haut. L’exercise se révélait ardue avec un cerveau encore sur l’oreillé. Quoi de mieux que d’éprouver un sentiment de danger après avoir perdu l’équilibre et manqué se fracasser le crâne pour être bien réveiller… je vous jure que c’est plus eficace que le plus fort café du monde.
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On montait sans relâche jusqu’à une vallée fermée de tous les cotés par des murs rocheux (un sentiment de déjà vu).
Il n’y avait pas de solution magique; on reprenait la séance de semi-escalade où nous l’avions laissé il y a 2 jours en s’efforçant de suivre les drapeaux.
07.40 – Après avoir réalisé l’ascension complètement à l’ombre, nous étions baigné dans la lumière en arrivant au col Bocca à la Porte à 2220m. En un instant, nous passions d’une vallée exposé au vent, sans soleil et où tu te les gèles, à un versant au plein soleil où tu sus à grosses goutes.
La vue du col était sublime; entouré de montagnes avec des lacs à l’eau bleu clair en contrebas.
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Les réjouissances étaient de courte durée alors que le sentier repartait de plus belle avec certaines des sections les plus technique de tout le GR20. Encore aujourd’hui, le sentier ne fairait aucun prisonnier… que des vainqueurs et des victimes.
S’en suivait une 2ème ascension à 2170m… avec beaucoup de sections dans la neige.
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Et une 3ème à 2210m…
Suivit d’une descente aux airs de balade du dimanche jusqu’au refuge Petra Piana à 1842m.
10.40 – La 1ère étape était dans la poche; 8.3km en 4h. Pas mal pour ce qui devait être une étape d’un jour pour la plupart des randonneurs. Pour nous ce ne serait qu’une halte avant de repartir de plus belle.
Motivé par l’attrait d’un sentier plus court, on optait pour la variante du GR20 passant par les sommets au lieu de contourner les montagnes par la vallée. Sentier plus court, mais beaucoup plus technique.
Sage décision puisque cette variante entre Petra Piana et Onda est probablement la plus belle section du GR20 que j’avais marché à ce jour. Le sentier avait des airs de montagnes russes, allant de sommet en sommet… comme si nous marchions sur l’arrête dorsale d’un dragon en se frayant un chemin au travers de ses épines… pour atteindre notre 4ème sommet du jour à 2035m… redescendre drastiquement… et remonter vers un 5ème sommet à environ 2000m.
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S’en suivait une descente sur un versant peu rocailleux de la montagne. Nous avions tout le loisir d’admirer en long et en large la chaine de montagne qui nous faisait face, avec notre refuge du jour tout en bas et une sentier qui montait tout en haut, sentier que nous aurions à fouler dès demain.
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14.40 – Exactement 8 heures, 15km, +1700m et -1200m après notre départ, nous foulions le plancher du Refuge de l’Onda à 1431m.
Le refuge était tout aussi merdique que les autres précédents… à la différence (majeure) d’être juste à coté d’une bergerie. Résultat; nous aurions enfin un bon repas (PAS de pâtes) faits de produits de la ferme.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de Manganu
Altitude de départ; 1600m
Arrivé; Refuge de l’Onda
Altitude d’arrivé; 1431m
Distance; 15.1km
Dénivelé; +1700m -1200m
Jour 7 – TERMINUS VIZZAVONA
19 juin 2016 – Refuge de l’Onda
06.30 – Ce matin on se gâtait un peu; grâce matinée jusqu’à 06.30… ouuuuu
Je n’avais AUCUNE envi de marcher. Mon cerveau se croyait déjà arrivé à Vizzavona, 10km plus loin et mi-parcours du GR20. Je salivais déjà à l’idée de dormir dans une chambre d’hôtel douillette (PAS un dortoir et PAS de ronfleur).
Pour une 4ème journée de suite, tout le monde nous annonçaient des torrents de pluie. En sortant du refuge, je ne pouvais que me résigner et leur donner raison; le ciel était sombre vers le Nord. Heureusement pour nous, nous allions vers le Sud et le ciel était bleu. Dame Nature était encore de notre coté.
08.30 – Après 1h30 d’ascension sans histoire, nous étions au sommet du mont Muratellu à 2020m.
Ne nous restait « plus que » 1200m à descendre jusqu’à Vizzavona. Chaque pas que nous faisions nous rapprochait d’une bonne douche chaude… une 1ère depuis le départ.
11.30 – Terminus Vizzavona. Ce village représentait la fin du parcours pour Tanzi qui allait quitter pour Ajaccio sur la cote dès demain, afin de repartir pour Dubai.
Nous étions tombé dans un vieil hôtel plein de charme à la décoration rétro-chic et dirigé par une grande famille… vous savez quand il y a une tonne de vieilleries un peu partout… il y avait même une vieille dame assise dans un fauteuil à la réception. Celle-ci donnait l’impression d’être morte et empaillée là tellement elle n’a jamais bougé de TOUTE la journée.
Pour tout dire, j’avais l’étrange impression d’être dans la maison de « La Famille Adams » (vous savez les vieux films où il y avait une main qui marchait toute seule).
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de l’Onda
Altitude de départ; 1431m
Arrivé; Hotel Monte D’Oro (Vizzavona)
Altitude d’arrivé; +/-900m
Distance; 8.4km
Dénivelé; +700m -1200m
Jour 8 – À COURT D’ARGENT
20 juin 2016 – Vizzavona
Arrivé à Vizzavona avec 0.5 euros dans mes poches, j’étais convaincu d’y trouver un guichet automatique.
ERREUR
J’avais fait la faute de penser que Vizzavona était une ville. C’était en fait un village… que dis-je… un trou perdu au milieu des montagnes avec un gare et une demi-douzaine de bâtiments.
Résultat; le guichet le plus près se trouvait à Ajaccio ou Corte… à 1 heure de train de Vizzavona dans un sens ou dans un autre.
« Tu n’as qu’à demander à un commercant de surfacturer ta carte de crédit et te redonner le tout en liquide » que quelques-uns d’entre-vous pourriez penser. Sachez que j’y avais pensé aussi… mais que c’était sans prendre en compte la « générosité » légendaire des Corses. En d’autres mots, il en était hors de question.
Aussi con que cela puisse sembler, j’étais en route pour Ajaccio avant l’heure (j’allais quitter le Corse par Ajaccio après avoir complété le GR20)… un mal pour un bien puisque j’avais entendu beaucoup de bien de ce chemin de fer passant par les montagnes, et j’allais pouvoir accompagner Tanzi à Ajaccio.
Le chemin de fer comportait de multiples tunnels, dont un de plus de 2km+.
Avez-vous déjà vu un train arrêter à chaque croisement de route, l’un des conducteurs descendre et stopper les voitures? Non?!? Eh bien c’est que vous n’avez jamais pris un train en Corse. Les Corses n’ont pas tout à fait compris le concept de train…
Une fois passé au guichet, j’étais sur mon départ avec le prochain train pour Vizzavona quand je décidais sur un coup de tête de rester à Ajaccio pour la nuit. Tanzi ayant choppé un début de bronchite, je me sentais mal de la laisser seule une nuit à Ajaccio avant son vol.
J’allais donc passer la nuit à Ajaccio, prendre le 1er train pour Vizzavona le lendemain et me taper 2 journées de marche en 1. J’allais probablement le regretter demain… mais pour l’heure j’avais une confortable chambre d’hôtel qui m’attendait pour une 2ème soirée de suite… il ne fallait pas trop y prendre goût.
En voyage comme dans la vie de tous les jours, il faut savoir improviser et être flexible dans son horaire pour s’ajuster aux imprévus et transformer une situation malheureuse (au premiers coup d’oeil) à son avantage.
Ajaccio est une ville cotière sans grand intérêt, mis à part pour ceux qui aiment la plage et/ou ceux qui font une fixation sur les petits bonhommes voulant conquérir le monde. Je parle bien sur du petit bonhomme d’entre-tous; Napoléon Bonaparte. Née dans la capitale de Corse il y a un peu plus de 200ans, nombreuses sont les références et monuments à lui et sa famille un peu partout en ville. Comme je n’étais ni un fervent de plage ou de petits bonhommes, j’allais profiter de l’air climatisé pour mettre à jour mes écrits.
RÉSUMÉ DU JOUR
Marche urbaine de 9km hors GR20
Jour 9 – ORGEUIL MAL PLACÉ
21 juin 2016 – Ajaccio
04.00 – Pendant un moment, je me demandais où est-ce que je me trouvais, pourquoi je n’étais pas à la montagne et pourquoi mon réveil était à 04.00 au lieu de 05.30?!?
Ça y est… la mémoire me revenait; Ajaccio… journée de repos la veille…
Je disais Au Revoir à Tanzi et retournais à la réalité en sautant dans le premier train en direction de Vizzavona avant même que le soleil soit levé… au grand dam de mes jambes/pieds qui avaient pris gout à ne pas marcher.
07.15 – Gare de Vizzavona. Les portes du train s’ouvrait. De l’argent plein les poches, je pouvais finalement entamer la portion sud du GR20.
Je devais maintenant rattraper mon retard d’hier et marcher plus de 32km pour rejoindre le refuge où j’avais réservé ce soir. Je mettais du beat dans mes oreilles et prenais la route. Le chant des oiseaux seraient pour un autre jour, j’avais besoin de motivation.
32km… sur le Camino de Santiago… c’était une petite journée, mais 32km avec plus de 1000m de monté et de descente représentait un certain défi. Maintenant seul, j’avais le loisir d’aller à la vitesse que je voulais… même si Tanzi avait suivit mon rythme, me laissant même derrière lors des descente…
La 1ère portion consistait à monter sur un chemin forestier, avec comme toujours mon ami le soleil qui tapait dans mon dos.
Trop confiant et ne portant pas trop attention à où j’allais, je manquais un virage et finissais par perdre le sentier. La chanson qui jouait dans mes oreilles me répetait « where are you now […] so lost I’m faded » (« Faded » de Alan Walker)… Je n’en avais aucune idée où j’étais Alan… mais merci de demander.
Je me retrouvais au beau milieu des bois pendant une demi-heure à chercher les drapeaux… que je retrouvais grâce à mon application IPhone gratuite « Maps.Me » qui contenait le sentier GR20 et offrait la localisation GPS sans connection internet/wifi (j’ai dit que c’était GRATUIT et sans frais caché).
Une fois de retour sur le sentier, je retournais à ma gentille promenade sur sentier de terre battue en forêt.
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08.45 – Je débouchais au sommet du Col Bocca Palmentu à 1640m, sans avoir dépensé trop d’huile de genoux.
900m d’ascension sur un sentier forestier… c’est tout ce que tu avais dans le corps GR20 du sud?!? Je n’avais même pas senti l’ascension tellement la pente était légère et le sentier dégagé. J’avais au moins une vue imprenable sur la mer tout en bas de l’autre coté.
Après une avant-midi pépère, le refuge de Capanelle, station de ski l’hiver et refuge de montagne l’été, ne se laissait pas atteindre sans effort. La montée finale, aussi abrupte que brève, faisait en sorte de vider ma batterie. J’arrivais à Capanelle avec la langue par terre et 14km dans les jambes.
10.45 – La 1ère étape de mon programme double était dans la poche. Un peu de repos, un bon fromage de chèvre et du pain frais, et je repartais pour Prati 18km plus loin.
Je repartais sur les chapeaux de roues en réalisant l’intense assension de 300/400m en dessous du monte pente dans un temps record et à la vue des autres randonneurs encore au refuge… pour m’appercevoir que le sentier ne passait pas par là, mais tout en bas.
Mal à l’aise et ne voulant pas redescendre la queue entre les jambes devant tous les autres, je décidais de continuer et de rejoindre le sentier officiel de l’autre coté de la montagne… par mon propre sentier; dans la brousse à descendre sur un flanc de montagne sans sentier, non dégagé et pentu. Plus de peur que de mal, mais au prix de nombreuses coupures sur les jambes, je retrouvais le sentier. Un gaspillage d’énergie qui pourrait me rattraper avant la fin de la journée.
Encore une fois, j’avais préféré risquer de me blesser gravement plutôt que de vexer mon égo. Mon orgeuil mal placé allait peut-être avoir raison de moi un jour… mais pas aujourd’hui.
La marche reprenais son court normal à zigzager gentiment dans les bois. Je me serais cru en train de faire le « sentier des loups » (en plus long) dans le Parc de la Jacques Cartier tellement la forêt et le sentier étaient identiques. Ce parcours de 18km ne comportait aucune difficulté (quand on suivait le sentier…), il n’y avait aucune haute montagne à l’horizon… que des collines recouvertes de forêt… de sorte que je montais 900m sans même m’en rendre compte. J’attendais les difficultés, mais elles ne sont jamais venus. Le sentier était resté un faux plat en montant, pour ensuite redescendre tout aussi tranquilement.
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En fait, l’ennemi principal était la chaleur accablante qui me bombardait de ses rayons toute la journée… ajouté à mon cerveau qui peinait à garder sa concentration un sentier très long. sans grand défi et aux paysages monotones.
Et puis venait la montée finale…
Après 27km sur 32, je croyais ma victoire unanime sur le GR20. J’avais célébré trop vite.
S’étant laissé marché dessus sans répliquer toute la journée, le GR20 avait une autre idée en tête. Tel Mohammed Ali, le GR20 avait gardé TOUT ce qu’il avait en réserve pour la fin…
Du 28 au 31ème rounds, le GR20 se réveillait et me lancait tout ce qu’il avait à la figure pour tenter le tout pour le tout et me passer le K.O.; une ascension de 700m sur 4km… ascension sans répit et abrupte.
Ayant relâché ma garde et à bout de force, j’étais secoué. J’étais tellement en confiance qu’au 26ème km j’avais cru bon de ne pas remplir ma bouteille d’eau à la dernière source.
ERREUR
Je me retrouvais maintenant à l’agoni devant la contre-offensive du GR.
MONTÉ… MONTÉ… MONTÉ…
Je réussisais à atteindre le sommet du Bocca D’Oro à 1825m de peine et de misère.
32ème et dernier round.
Je me promenais au sommet en titubant. Les attaques du GR20 avaient faits leur effet. Je cherchais le gite… mais il n’arrivait pas.
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Ding Ding Ding…
16.45 – Fin du combat. J’arrivais fivalement au refuge de Prati.
Les juges se sonsultaient; Victoire par décision partagée de Nicolas. Le GR20 avait failli me passer le K.0. à la toute fin…. j’avais échappé de justesse au désastre…
Peu importe, une victoire était une victoire… qu’elle soit obtenue par K.O., K.O. Technique, Décision Unanime ou Décision Partagé.
Je pouvais savourer le prix inattendu; du col Cerro D’Oru jusqu’au Refuge de Prati, à 1800m+, le sentier se trouvait dans les hauts de la cote Est de la Corse. La montagne plongait dramatiquement de 1800m à quelques mètres devant moi. On voyait ainsi la cote et la mer tout en bas au niveau 0.
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Réveil à 04.00 à Ajaccio, train de 1h jusqu’à Vizzavona et plus de 11 heures / 32km de marche… je me risquais à dire que cette journée avait été bien (trop) remplis.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Ajaccio / Gare de Vizzavona
Altitude de départ; +/-900m
Arrivé; Refuge de Prati
Altitude d’arrivé 1820m
Distance; 32km
Dénivelé; +1800 -850m
Jour 10 – SOLEIL DE PLOMB
22 juin 2016 – Refuge de Prati
Je me réveillais avec un ÉNORME mal de crâne. Voulant célébrer ma victoire In Extremis d’hier sur le GR20 et étant en extase devant la vue depuis mon refuge, je m’étais laissé allé un petit peu… beaucoup… sur la boisson. J’avais commencé par boire 1 bouteille de vin seul… pour en partager une seconde avec un groupe de jeunes qui me trouvaient amusant (allez savoir pourquoi… hic…).
Peu m’importait, j’avais survécu à hier, je pouvais affronter n’importe quoi…
Je ne ressentais AUCUNE presse de quitter ce petit coin de paradis et fixais longuement la mer tout en bas. Après tout, je n’avais que 11km, +700m et -750m à faire aujourd’hui… une prommenade de santé.
08.30 – Les esprits revenus (à peine), que je m’élancais le pas léger. Il n’y avait qu’une seule montagne dans les environs immédiat du refuge et le sentier avait décidé d’y monter jusqu’au sommet. Je me rendais tout de suite compte que mon corps n’entendait pas à rire; il n’avait pas vraiment apprécié (et digéré) toute l’alcool hier. Je manquais d’équilibre, escaladais une roche de manière nonchalante, manquais me fracasser le crâne par-ci… et cela me faisait rire. J’atteignais le sommet de Punta della Capella (1991m) relativement rapidement… pour un saoulons.
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De là, je pouvais apercevoir toute la pointe sud de la Corse, la mer des 2 coté, l’ile de la Sardaigne tout au loin au Sud et les montagnes que me réservait le GR20 jusqu’à la fin.
Le sentier descendait par la suite en passant de sommet en sommet et par des champs où les corses cultivaient de grosses roches… quels cons ces corses 😉
Je croisais plusieurs « troupeaux » de randonneurs. Je profite de cette occasion pour le dire une fois pour toute; c’est stupide et de l’argent jeté dans le feu que de faire le GR20 avec un guide dans un groupe organisé. Le sentier est très bien balisé, même seul vous allez vous faire des amis assez vite dans les refuges et vous avez l’air complètement ridicule de marcher 15/20 à la file indienne.
De plus, en montagne il est important d’aller à son propre rythme. En groupe vous êtes obligé de suivre la cadence moyenne. Si vous êtes le plus rapide, vous allez rapidement vous emmerder… et si vous êtes le plus lent vous serez à bout de souffle.
Fin de la parenthèse…
Bon an, mal an, moi et mon lendemain de veille avions réussis à nous rendre jusqu’à l’ascension finale sans encombre. Je n’entendais alors plus du tout à rire; le soleil était à son zénith, il n’y avait pas un seul nuage et je devais me rendre tout en haut d’un versant rocheux totalement exposé au soleil et sans la moindre goute de vent.
13.15 – Une marche de 3km sur l’arrête somitale plus tard et j’arrivais au refuge Usciolu, mon arrêt du jour, à 1810m. Situé dans le fond d’une dépression de la montagne, celui-ci ne ce dévoilait qu’à la toute dernière minute. Le refuge était dirigé par un jeune serviable et qui respirait la bonne humeur… inespéré après tous les acceuils glaciaux des refuges précédents.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de Prati
Altitude de départ; 1820m
Arrivé; Refuge de Usciolu
Altitude d’arrivé; 1810m
Distance; 11km
Dénivelé; +700m  -700m
Jour 11 – LA FIN AVANT LA FIN
23 juin 2016 – Refuge de Usciolu
05.00 – Il n’y avait pas de temps à perdre. Le refuge que j’avais réservé pour ce soir ayant passé au feu il y a 1 mois, j’avais dû penser à une solution alternative.
Après avoir envisagé plusieurs options, j’avais décidé de prendre la plus risqué et de faire 2 étapes en 1.
Cette décision n’avait pas été prise à la légère puisque j’allais devoir marcher plus de 35km, avec un dénivelé total de +1500m, -2100m.
Je n’entendais donc pas à rire… tellement pas à rire que j’avais troqué la bouteille de vin quotidienne du soir d’avant pour une tonne d’eau afin de bien m’imbiber.
L’avenir allait me donner raison…
05.29 – Sur le sentier aussi tôt le matin, il n’y avait pas de soleil, pas de vent, pas de bruit et surtout; pas d’idiot. Il n’y avait que moi et la montagne en tête à tête.
Le sentier continuait sur la crête commencé hier. Je jouais donc à saute-mouton avec les pics rocheux pointant vers le ciel ici et là. Cette crête suivait un axe Lune / Soleil; je marchais en direction de la Lune, qui terminait ses préparatifs pour aller au lit, tandis que le soleil se réveillait tranquillement (prend ton temps) dans mon dos.
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Avec un ciel encore une fois exempt de nuages, il allait faire très chaud aujourd’hui. Autant ne pas trop s’attarder et mettre le plus de km derrière moi avant que cela ne se produise.
08.00 – Le soleil était maintenant bien installé à son poste de contrôle et arrosait la Corse de ses rayons de chaleur dévastateur. J’en avais alors terminé avec la montagne, que j’avais troqué pour le confort (relatif) du plancher des vaches et un couvert végétal.
Je profitais de la relative absence de dénivelé pour engranger les km et de l’absence de randonneurs pour faire le plein de patience et de joie de vivre… qui m’avaient faits défaut depuis quelques jours vu les foules sur les sentiers.
J’en avais aussi profiter pour faire la paix avec la Corse; je me trouvais sur une île située au beau milieu de la mer Méditerrannée. En d’autres mots; c’est comme si j’étais en plein coeur d’une ruche de touristes. Demander que la Corse soit exempte de touristes était aussi improbable que de demander à un français de parler anglais sans avoir l’air fou…
09.00 – La forêt était malheureusement derrière moi. Je marchais désormais dans une plaine valonnée complètement exposée au soleil. Il n’y avait toujours aucun nuage dans le ciel et l’absence de vent me faisait suffoquer… même si je buvais beaucoup d’eau. C’était cependant la 1ère section du GR20 où j’aurais pu marcher en flip flop sans risquer de me tuer.
09.20 – Stop déjeuner à la bergerie I Croci. J’avais déjà 14km dans les jambes et était presque à la moitié de ma distance du jour… mais le pire était devant moi.
La plaine débouchait sur une longue ascension, qui ne m’aurait posée aucun problème en temps normal… mais qui devenait difficile avec l’absence totale d’ombre; la chaleur m’empêchait de respirer proprement.
J’avais la « patate » (« coeur » pour les non québecois) qui pompait fort… je pouvais l’entendre résonner jusque dans mes oreilles. Aussi fort soit-elle, tant et aussi longtemps que je l’entendais c’est ça qui importait non? 😉
Je sentais ma tête tourner quelques fois… je m’assoyais quelques secondes, me donnais 2-3 claques dans le visages, buvais un peu et repartais. Le soleil irradiait tout sur son passage. 1 ou 2 nuages bien placés m’auraient rendu la tâche tellement plus facile.
Arrivé au sommet, mes réserves d’eau étaient à sec. J’avais pensé que la descente serait facile et j’avais tout donné sur la monté…
Grosse ERREUR. La descente aurait déjà été casse-gueulle et technique avec toute ma tête. Je sentais mon cerveau capable de s’éteindre à tout moment.
J’étais comme le boxeur surpris par un uppercut à la fin d’un round et sauvé par la cloche. Je retournais dans mon coin, mon entraineur me demandait si tout allait bien, et je lui répondait « oui oui » d’une voix d’enfant en le fixant lui et ses 2 jumeaux un peu flous.
La différence majeure c’est que si le GR20 m’envoyait au tapis, on parlait d’un tapis tout sauf confortable; une paroi rocheuse à 45+ degrés. Qui sait ce qu’il allait m’arriver si je m’évanouissais.
Il n’y avait pas de solution magique; sans eau et surpris par une descente sournoise, je devais garder ma concentration coute que coute et descendre jusqu’en bas. Je me répétais tout haut; « Tu ne vas pas tomber dans les vappes… tu es fort… le GR20 n’est rien en comparaison à ce que tu as vécu au Kashmir… et tu n’es pas tombé dans les vappes là-bas ».
12.10 – J’atteignais le refuge d’Asinau. Je « garochais » mon sac par terre et me ruais sur la petite fontaine d’eau potable. J’y passais un bon 5 minutes avec la tête sous l’eau froide. De peine et de misère, j’avais complété la 1ère étape de mon programme double. J’avais marché un demi-marathon (21km) en 6h30. Il m’en restait encore 14. Je ne le savais pas encore, mais je n’avais encore rien vu.
Mes esprits revenus et mes réserves d’eau pleines telles les bosses d’un chameau, que je repartais d’un pas assuré. J’entrais dans la forêt… enfin à l’ombre.
Il était maintenant 14.00. N’ayant plus d’eau (encore…), avec 3km à parcourir, j’étais caché sous l’une des dernières zones d’ombres de l’infernale monté de la très difficile « Variante Alpine » reliant Asinau à Bavella. Depuis une bonne heure déjà, j’allais de zone d’ombre en zone d’ombre pour me refroidir. Je me sentais au bord du coup de chaleur.
Mais pourquoi diable avais-je décidé de prendre cette variante au lieu du petit sentier pépère faisant le tour de la montagne? Il fallait toujours que je choisisse la solution difficile… « Ain’t no mountain high enough (aucune montagne n’est trop haute) » comme le disait Marvin Gaye.
C’est à ce moment là que je prenais ma décision. Sans vous en parler, j’avais jonglé avec plusieurs scénarios depuis quelques jours. C’était maintenant décidé; je n’allais pas me rendre jusqu’à Conca (fin traditionnelle du GR20). Aujourd’hui serait ma dernière journée sur le GR20. Bavella serait mon stop.
Je n’abandonnais pas. Oh que non. J’arrêtais plutôt pour des raisons de logistique. Continuer jusqu’à Conca revenait à terminer le GR20 tard le samedi 25 juin. Or, en Corse, les transports en commun sont limités le samedi et ne fonctionnent pas le dimanche. Il me serait donc impossible de marcher jusqu’à Conca le 25, dormir là, prendre un bus tranquille le dimanche 26, pour attraper mon vol à Ajaccio tôt le 27.
Non… il fallait malheureusement que je sois à Ajaccio le 25.
Le gros avantage de Bavella est que le village se situait sur le chemin du bus jusqu’à Ajaccio. M’arrêter là le 23 me permettrait de me reposer en montagne le 24 et de prendre tranquillement le bus jusqu’à Ajaccio le 25.
En arrêtant à Bavella, je manquais seulement les 20 derniers km. Ajoutez à cela que le plaisir de marcher avait disparu; il y avait trop de randonneurs sur le sentier depuis quelques jours. De plus, j’aimais l’idée de terminer dans le cadre enchanteur des montagnes plutôt que dans un village pourri sur la cote.
Contrairement à La Réunion, je ne m’étais pas promis à moi-même de marcher de la mer à la mer, il n’y avait pas non plus d’enjeu spirituel comme sur le Camino. J’étais en paix avec ma décision. J’étais même heureux… soulagé… comme si on m’enlevait un fardeau des épaules (boule de quille).
Fin de la parenthèse.
J’étais toujours à l’ombre sous cet arbre sur le sentier de la Variante Alpine à essayer tant bien que mal de reprendre mon souffle.
Je quittais ma zone d’ombre pour me lancer à l’attaque du sommet.
Si jusqu’à maintenant j’avais trouvé les paysages du jour extrêmement ordinaires (pour être gentil) et que j’avais peiné autant dans les montées que dans la descente, je crois que tout cela était pour me préparer au spectacle que j’allais avoir sous les yeux à partir du sommet et dans la descente de la Variante Alpine sur Bavella.
WOW et reWOW
J’en avais le souffle coupé… et pas seulement à cause du soleil (qui plombait toujours) ou du manque d’eau (problème toujours pas résolu).
Le paysage était dramatiquement impressionnant; j’étais entouré d’aiguilles rocheuses pointant vers le ciel. Le sentier était tout autant dramatiquement dangereux en serpentant au travers tout ce chaos. Sans le savoir, je me trouvais au beau milieu des Aiguilles de Bavella, l’un des joyaux géologiques de la Corse.
Je ne pouvais m’empêcher de penser que c’était le décor parfait pour terminer mon GR20… s’il n’avait pas raison de moi avant.
Il n’y avait plus que 2km à faire, mais je me sentais plus loin que jamais. La descente n’était pas simplement une descente ordinaire, c’était un cycle infernal de montés et descentes… l’une des sections les plus ardus de tout le GR20. Une courte ascension, nécessitant l’utilisation de chaines pour s’aggriper, me laissait sans voix. Pas de doute, le GR20 avait compris que j’avais l’intention d’arrêter à Bavella et il n’entendait pas à me la donner facile.
J’avais des fous rires incontrolables (la fatigue) en pensant que ce serait complètement con de me tuer aussi près de mon fil d’arrivé immaginaire.
Une fois les aiguilles passés, ne restait plus qu’une dernière descente sur une paroi rocheuse ressemblant à un espèce de labyrinthe vertical aux multiples sentiers, dont plusieurs débouchaient sur des cul de sac (ravin). Je perdais beaucoup de temps à remonter, refaire mon chemin pour trouver l’issue. Décidément, j’allais y gouter jusqu’à la fin.
16.00 – Fin de cette journée infernale ayant commencée 10h30 plus tôt. Depuis 08.00 que je marchais au gros soleil, j’avais mangé pour la dernière fois à 09.20 et j’avais bu ma derniere goute d’eau vers 14.00. J’avais TOUT donné dans cette dernière journée… tellement tout donné que j’étais au bord des larmes… des larmes qui exprimaient toute ma fatigue et ma joie d’avoir terminé en un seul morceau.
Même mes bottes s’étaient sacrifiés pour la cause. En plus d’être trouées de partout, les semelles avaient fondues sous le coup de la chaleur. Si l’extérieur avait soufert, l’intérieur des bottes s’était transformé en véritable sauna. Par endroit mes bas avaient fusionnés avec la peau de mes pieds. Je les enlevais délicatement comme on enlèverais un bandage sur une plaie. Je n’avais jamais vu ça; mes orteils et le coté de mes pieds étaient brulés.
Je n’étais cependant pas au bout de mes peines. Je faisais le tour des auberges du village de Bavella avec toujours la même réponse; « désolé nous sommes complet ».
Il me venait alors une idée; j’allais me rendre jusqu’à Zonza quelques km plus bas… 10 km pour être exact. Avant de faire le GR20, moi et Tanzi avions séjourné dans ce charmant village.
Je commencais à marcher sur le bord de la route en levant mon pouce quand une voiture passait. Je souriais en pensant qu’à 31ans, c’était la première fois que je faisais du pouce.
10min, 20min, 45min passaient et j’étais toujours à marcher sur la route au gros soleil. Puis, une voiture s’arrêtais… je n’y croyais pas. Le gars m’avait vu un peu plus tôt à bout de souffle sur le sentier…
J’arrivais à Zonza, me trouvais un charmant auberge, pénétrais dans ma chambre, déposais Boule de Quille dans un coin et m’allongais tout habillé sur le lit pour reprendre mes esprits un instant… pour reprendre conscience seulement 2 heures plus tard quand quelqu’un cognait à ma porte pour me dire que le souper était servi.
Ce soir j’allais dormir seul dans un grand lit king, sans ronfleur dans la pièce et sans aucun réveil matin. Au programme de demain; RIEN.
Il fallait guérir vite puisque je commencais ma nouvelle aventure (et dernière avant mon retour au Canada) dans quelques jours dans les Alpes.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ; Refuge de Usciolu
Altitude de départ; 1810m
Arrivé; Bavella (fin du GR20)
Altitude d’arrivé; 1200m
Distance; 35.5km (marche le bord de la route non incluse)
Dénivelé; +1500m, -2100m
MON GR20 EN BREF
Ville de départ; Calenzana (Nord)
Ville d’arrivé; Bavella (Sud)
Distance totale; 172.1km
Dénivelé positif total (ascension); +/-11700m
Dénivelé négatif total; +/-11000m
Nombre de jours; 10* (Jour 8 = journée de repos à Ajaccio)
ÉPILOGUE
Tout d’abord, il faut se le dire, j’étais très sceptique à savoir que le GR20 était si difficile qu’on pouvait le raconter. Rendons donc à César ce qui revient à César; le GR20 est le sentier le plus techniquement difficile que j’ai marchè dans ma vie… et je commence à en avoir fait pas mal des treks.
Pour survivre au GR20, il ne faut pas simplement être un bon marcheur, avoir de bonnes jambes et un bon cardio, il faut aussi avoir certaines notions d’escalades, un très bon équilibre et ne pas avoir peur des hauteurs.
Lors de l’élaboration de mon plan de voyage pour la partie entre mon départ Dubai (début avril) et mon retour temporaire au Canada (juillet), j’avais passé beaucoup de temps à élaborer l’itinéraire de voyage parfait qui me permettrait d’en faire le plus possible avec le moins de temps possible. J’avais jonglé avec toutes les idées; Népal, Kyrgyzstan, Scandinavie, Namibie, Cap Vert, etc. pour acoucher de l’itinéraire que je venais de compléter; en plus du Madagascar, je venais de compléter 3 randonnées mythiques en moins de 3 mois.
La marche d’erreur était inexistante et les jours de repos très rare. Une petite blessure ou une longue période de mauvais temps auraient pu compromettre mon trip en parti ou totalité. Force est d’admettre que TOUT s’était passé comme prévu et que la mécanique avait tenu le coup… même si mon corps montrait des signes évident de fatigue (les vacances au Canada approchent).
Je me dirigeais donc vers les Alpes Françaises pour m’attaquer à ma cerise sur le sunday; le Mont Blanc.
COIN CONSEIL GR20
Pour ceux envisageant faire le GR20, voici quelques info utile;
DORMIR
– Favoriser la tente au dortoir des refuges du parc. Les refuges sont très vieux et les dortoirs se résument à des matelas collés l’un à coté de l’autre. Vous vous retrouvez entassé comme des sardines,
– Le camping est interdit dans le parc, mais chaque refuge offre des aires de camping,
– Pour ceux ne voulant pas trainer une tente, les refuges offrent aussi des tentes toutes montées (réserver à l’avance). Vous n’orez ainsi qu’à transporter un matelas de sol,
– À tout coup (même en refuge) il vous faut votre sac de couchage.
– Une autre option consiste à dormir dans les quelques bergeries sur le parcours (rare vers le nord mais plus fréquente dans le sud). Ils offrent généralement des aires de camping et plus rarement des chambres/dortoirs.
NOURRITURE
– Il n’est pas nécessaire de trainer sa nourriture pour l’ensemble du GR20. Il est possible de se ravitaisser dans les quelques villages que le GR croise et dans les refuges (ils ont généralement de (très) petites et $$$ épiceries.
– Les gites servent aussi des repas à tous les soirs au cout d’environ 20 euros. On vous sert généralement des pates sans gout en étant hyper radin avec les portions.
Les refuges sont tenus par des gens qui se foutent royalement des randonneurs. Vous vous sentez presque mal de leur demander quelque chose. Une fois, j’ai voulu prendre 2 morceaux de pain et ont m’a enlevé le 2ème des mains en me disant que c’était 1 seul par personne. J’imagine que c’est ça l’acceuil légendaire des Corses.
Si vous n’avez pas encore compris; NE MANGEZ PAS LE REPAS DU SOIR DANS LES GITES. C’est une véritable arnaque.
Seul point positif; les bergeries. J’ai rapidement pris l’habitude de m’arrêter dans chacune d’entre-elle pour me procurer du fromage et du pain.
Règle générale, la Corse aurait beaucoup à apprendre de La Réunion en terme de randonnée/gites/nourriture/respect des randonneurs. Les refuges devrait mettre l’accent sur les produits locaux au lieu d’arnaquer les gens à coup de pâtes sans gout à 20 euros.
La Corse fait partie de la France, le pays qui a inventé la gastronomie… et c’est en Corse que j’ai mangé des lentilles à la sauces tomates.
DOUCHE/EAU
– L’eau potable et facilement accessible dans les refuges et tout au long du parcours.
– Les refuges proposent des douches… avec de l’eau GLACIALE. Les rares fois où j’ai vu de l’eau chaude, on chargait 10 euros pour 5 minutes…
QUAND
Le GR20 se marche généralement de Juin à fin Septembre lorsque les sommets/cols ne sont pas trop enneigés.
Je vous DÉCONSEILLE de faire le GR20 durant l’été (beaucoup trop de randonneurs). Vous avez une petite fenêtre de la fin mai au début juin où les refuges ouvrent (il y a des gardiens) et où les foules ne sont pas encore présentes.
Autrement, si vous voulez la tranquilité… et le danger… vous pouvez le faire hors saison quand les refuges ne sont pas gardés. Il faudra porter votre nourriture, mais la parti dortoir des refuges est ouverte. À noter que des alpinistes chevronnés ont laissés leur vie sur le GR20 en hiver.
NE PAS commencer la randonnée un lundi. Commencer un lundi veut dire que votre préparation/achat se fera un dimanche… et tout sera fermé.
NE PAS finir un dimanche puisque la plupart des transport en commun ne fonctionneront pas.
BUDGET
Prévoyez;
– 14 euros / nuit pour dormir en refuge (dortoir),
OU
– 13 euros / nuit pour louer une tente déjà toute montée à coté des refuges
OU
– 7 euros / nuit pour une aire de camping pour y aménager votre tente.
+
– +/-10 euros / jour pour déjeuner/snacks/lunch
+
– environ 20 euros pour le repas du soir
En bout de ligne, le GR20 reste de la randonnées. Il vous faut « simplement » de bonnes jambes, des bonne bottes de montagne, un sac à dos confortables, une bouteille d’eau et beaucoup de détermination.

Épisode 72 – En Rout… Marche vers Compostelle

21 mai 2016 – 06.40
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Une dizaine de pèlerins se tiennent devant la porte extérieure à fixer l’obscurité et la pluie qui tombe comme des cordes. Tous ont leur sac sur le dos. C’est inévitable, mais aucun n’ose franchir le seuil.
Quelqu’un doit donner l’exemple. Je donne un coup dans les flancs de Boule de Quille pour m’assurer que tout y est… et m’élance.
Je cri « vamos a la playa » avec le sourire dans la voix. Dame Nature n’aura pas le dessus sur les pèlerins.
Mon aventure sur le Camino de Santiago avait commencé 10 jours plus tot!
Jour 1 – BUEN CAMINO!
12 Mai 2016 – Bayonne – Hendaye (France)
09.45 – Le train s’arrête en gare de Hendaye. Je peine à contenir ma nervosité. C’est bien réel! Dans quelques instants, les portes du train vont s’ouvrir et je vais commencer à marcher… marcher jusqu’à épuisement… jour après jour… après jour… jusqu’à ce que j’atteigne Santiago de Compostelle… approximativement 806km plus loin.
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Il n’y aura pas de triche, pas de bus pour couper court à une étape trop longue, pas de train pour éviter des montagnes trop hautes… je vais marcher de la frontière Espagne/France jusqu’en Galice, province au Nord Ouest de l’Espagne!
Les portes s’ouvrent… de retour au « boulot » à peine 4 jours après avoir terminé La Grande Traversée de La Réunion (Épisode 70).
Armé de ma désormais fidèle Boule de Quille (le prénom affectueux de mon sac à dos) et de ma Credencial (passeport de pèlerin – utile pour accéder aux hébergements pour pèlerins (Peregrinos Albergue) et pour obtenir la Compostela à la fin du Camino), j’entamais mon pèlerinage au Puente de Santiago (Pont de Santiago). Traversant la rivière Bidassoa entre la France (Hendaye) et l’Espagne (Irun), ce pont est emprunté par les pèlerins depuis le 7ème siècle.
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À peine passé le pont que j’étais déjà perdu; je ne trouvais pas les damnés signes du Camino. Il me fallait un moment pour comprendre que la plupart des signes (indiquant la direction du Camino de Santiago) étaient des graffitis (flèches jaunes) qui se fondent souvent dans le paysage (facile à manquer). Il y a bien quelques signes officiels ici et là (coquilles Saint-Jacques jaunes ou autre variantes), mais ils sont rares.
Le stress du départ et les signes trouvés que j’avais quitté la ville et marchais dans la campagne aux sons des petits oiseaux.
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Direction San Sebastian 25km plus loin. Pour rien au monde je n’aurais raté l’occasion de séjourner à nouveau dans cette ville, de loin le coup de coeur de mon voyage en Europe en 2009.
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RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Hendaye/Irun
Arrivé San Sebastian
Distance Parcouru Aujourd’hui 25.2km
Distance Parcouru depuis Irun 25.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 780.8km
Jour 2 – DES SACS DE PLASTIQUE GÉANTS
13 Mai 2016 – San Sebastian
Si on m’avait offert un biscuit chinois la veille au souper, il aurait pu me prédire une journée comme suit; « Entre Terre et Mer, tu marcheras sous la flotte ».
07.45 – Je devais me résigner à quitter San Sebastian. Le menu d’aujourd’hui était simple; marcher jusqu’à épuisement… et encore un peu… avec une pluie diluvienne comme compagnon.
Devinette; comment reconnait-on un pèlerin par mauvais temps; c’est celui qui ressemble à un gros sac plastique coloré.
Mis à part les pèlerins, il n’y avait personne d’assez fou pour sortir par ce temps.
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Je pensais à toutes ces personnes agés que je passais et qui trimbalaient leur sac sous la pluie battante. Le Camino allait possiblement renforcer leur foie en Dieu… mais assurément leur donner de bons rhumatismes.
12.15 – Complètement détrempé, j’atteignais la ville de Zarault (et sa superbe prommemade en bord de mer).
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Le Camino empruntait désormais une route en bord de mer, jusqu’au très jolie village côtier de Gernika. J’aurais souhaité pouvoir m’y arrêter pour la nuit, mais il était encore tôt, la pluie avait cessé et je me devais de mettre le plus de kilomètres possible derrière moi.
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Dès lors, je marchais dans des champs de vigne toujours avec l’océan sur ma droite.
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Je rencontrais un jeune belge, Quentin, qui avait commencé son pèlerinage à Bruxelles… 2mois et 1300km à la marche plus tôt…
Respect!
18.00 – Après 46km, je décidais que s’en était assez. En début de journée, j’avais identifié Deba comme destination potentielle, mais c’étais plus en joke (c’était beaucoup trop loin)… et pourtant j’y étais.
Toute cette marche en une seule journée avait un prix; je me déplaçais au mieux comme un handicapé.
Je finissait la journée dans un restaurant, à manger un repas spécialement conçu pour les pèlerins (moins cher) et à écouter une game de hockey des séries éliminatoire… en Espagnol.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ San Sebastian
Arrivé Deba
Distance Parcouru Aujourd’hui 46.3km
Distance Parcouru depuis Irun 71.5km
Distance Jusqu’à Compostelle 734.5km
Jour 3 – LENDEMAIN DE VEILLE
14 Mai 2016 – Deba
07.00 – C’était le bran le bat de combat à l’auberge. Tout le monde se préparait à prendre la route.
Mon crâne voulait alors exploser, mes jambes étaient raides comme 2 tiges de métal… et mon sac de couchage était REMPLIS de sable… What the fuck?!?
Hier soir, 3 ex militaires américains d’une soixantaine d’années étaient arrivés au restaurant alors que j’étais sur le point de partir. Ils s’étaient assis à ma table… et ce fut le commencement de la fin pour ma sobriété. Ils ont commandé une première bouteille de vin… puis une 2ème… une 3ème… hic… une 4ème… j’ai perdu le compte (et la mémoire) à la 6ème bouteille. Chaque fois que mon verre était vide, j’avais beau dire « Messieurs… ce fut un plaisir, mais je dois maintenant y aller », l’un mettait une main sur mon épaule, le 2ème s’empressait de remplir mon verre et le 3ème me lançait avec le sourire « quel genre d’homme es-tu pour quitter alors que ton verre est encore plein ».
J’avais fait l’erreur de commencer à leur raconter mes histoires de voyage (film de Bollywood, montagne de 4000m avec des sandales de femme, etc.)… et ils se marraient… et en voulaient encore.
Bref, j’avais mal à la vie…
Par ce matin nuageux, le Camino quittait la cote pour entrer dans les terres, passant par une contrée quasi inhabitée, alternant entre la forêt et les petites vallées luxuriantes remplis de moutons.
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13.30 – Blottis au fin fond d’une de ces vallées surgissait Markina, mon arrêt du jour. L’abrupte descente finale achevait de vider le peu d’énergie qu’il me restait.
Malgré la petitesse de la ville, je ne trouvais pas l’albergue… qui devait se situer juste à coté de la mairie… encore fallait-il trouver la mairie. Je croisais par contre 4 églises… dont une très étrange construite pour accueillir 3 grosses roches avec une status de Marie au milieu.
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Je passais finalement la nuit dans un monastère des Frères Carmélite… confort non inclus… mais bon… il était difficile de se plaindre quand le prix à payer pour y séjourner était une donation (tu donnes l’argent que tu veux… si tu es con, tu peux même ne rien donner).
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RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Deba
Arrivé Markina
Distance Parcouru Aujourd’hui 22.4km
Distance Parcouru depuis Irun 93.9km
Distance Jusqu’à Compostelle 712.1km
Jour 4 – PATINAGE SUR BOUE
15 Mai 2016 – Markina
07.00 – Sur 12 lits dans mon dortoir, il ne restait que moi de couché. Pas de stress… je savais que même en partant plus tard, j’allais tous les rattraper rapidement.
Au menu; la campagne profonde, champs, oiseaux, ânes, vaches, petits villages, collines et de la brume. Le jeu du jour consistait à éviter d’écraser les nombreuses limaces traversant le sentier.
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Une longue section du sentier (en foret) a surement eu raison de la propreté de plusieurs pèlerins. Sur quelques km (en descente) se trouvait une vraie patinoire de boue. Je perdais souvent l’équilibre, mais mes talents de ballerin (masculin de ballerine) me sauvaient.
12.50 – J’arrivais à ma destination du jour; Gernika, une ville au passé tragique.
Gernika est tristement célèbre pour avoir été presque complètement rasée par des bombardiers allemands lors de la 2ème Guerre Mondiale. En 1942, en pleine guerre civile espagnole, le dictateur d’Espagne Franco, allié du régime Nazi, avait demandé aux allemands de raser cette ville qui abritait des opposants du régime. Plus de 2000 personnes trouvaient la mort lors de l’opération.
La guerre civile espagnole a fait rage jusqu’au milieu des années 70. D’un coté le régime totalitaire et répressif de Franco, qui n’avait aucun scrupule à éliminer tous ses opposants, de l’autre, des rebelles qui voulaient l’instauration d’une démocratie (c’est beaucoup plus compliqué que cela… mais bon…). Le magnifique film « Le labyrinthe de Pan » donne un très bref aperçu du climat lors de la guerre civile.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Markina
Arrivé Gernika
Distance Parcouru Aujourd’hui 26.3km
Distance Parcouru depuis Irun 120.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 685.8km
Jour 5 – CONTRE-LA-MONTRE
16 Mai 2016 – Gernika
La journée consistait à monter et descendre de multiples collines.
Je passais la journée à me demander si j’étais toujours sur le bon chemin; les signes étant très espacés (il pouvait se passer plus de 20minutes sans rien apercevoir), je me demandais souvent si j’avais raté un embranchement.
Avec plus de 30km au compteur, et moins de 5km avant Bilbao, le sentier s’attaquais à une haute colline. La vue y était imprenable sur Bilbao tout en bas de l’autre coté.
Ancienne ville industrielle, devenue aujourd’hui une ville renommée pour son architecture, avec l’emblématique Musée Guggenheim, il faisait bon de vagabonder dans les rues de la vieille ville.
Tel qu’écris sur un mur, à Bilbao « The standard is Stand Art« ; les ponts piétons et routiers sont stylisés, les bâtiments sont distinctifs, bref c’est une ville où on ose. Peu importe que l’on trouve ça beau ou franchement laid, il faut admirer l’audace et la ville en sort gagnante.
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Vers 21.00, alors que j’étais sur le point d’aller me coucher, une dame toute menue d’au moins 60ans arrivait toute seule à mon auberge. Elle portait un gros sac à dos, avait les traits tirés et les cheveux en bataille. Elle faisait sans l’ombre d’un doute le Camino, et venait d’avoir une très (trop) longue journée. Je ne pouvais m’empêcher d’avoir de la sympathie pour elle.
J’osais l’interpeller pour lui demander si tout allait bien et si elle avait besoin d’aide. La dame avait 75ans, parlait un peu anglais mais pas espagnol/français et venait de terminer le Camino Francés. Elle avait prit le train de Compostelle à Bilbao afin de prendre son vol de retour vers l’Allemagne.
Elle tenait un discours rafraichissant pour une personne de son âge; elle avait marché le Camino toute seule, marchait au moins 2h à tous les jours chez elle, n’avait jamais pris une seule pilule de sa vie et était végétarienne. Elle était convaincu (comme moi et mon amie docteur avec qui j’étais à ce moment) que de passer du temps dehors/en nature pouvait régler la très grande majorité des problèmes de santé.
Elle avait en dédain les personnes de son âge qui passaient leur temps à l’intérieur à se bourrer de pilules & jouer aux cartes; « Mon mari est mort il y a 4ans. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse, m’assoir en dedans et attendre de mourir à mon tour?« . Elle est l’exemple parfait qu’il n’y a pas d’âge pour continuer à avoir une vie active.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Gernika
Arrivé Bilbao
Distance Parcouru Aujourd’hui 36.1km
Distance Parcouru depuis Irun 156.3km
Distance Jusqu’à Compostelle 649.7km
Jour 6 – 48.5km… CA USE CA USE…
17 Mai 2016 – Bilbao
06.00 – Le réveil sonne…
06.15 – Pas tout de suite maman…
06.30 – Ok Ok, j’ai compris… je me lève…
06.57 – Je bandais (de plasters) mes pieds et claquais la porte de l’Alberge.
Nouveau jour, same business; aussi charmant soit Bilbao, je devais continuer mon périple.
Je quittais la ville par un sentier longeant la rivière, dans un paysage de friche industriel ayant un besoin criant de revitalisation. Le paysage restait le même jusqu’à Portugalete, charmante ville en banlieue de Bilbao.
Après 3 jours à l’intérieur des terres, je reconnectais avec l’océan à La Arena. Du même coup, je quittais les Pays Basque pour entrer dans la province de Cantabrie.
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Après plus de 180km de marche, je perdais finalement patience et troquais mes bottes pour mes flip flop. Après tout, les premiers pèlerins avaient marché cette route en sandales non?
Après l’ascension d’une cote vraiment pas pratique, moi et ma compagne de marche des derniers jours (Anne, médecin, française de Bretagne) avions une vue imprenable sur Castro Urdiales, ville de bord de mer extrêmement photogénique avec une immense baie et une jetée sur laquelle se trouve un vieux fort et une église forteresse (notre escale du jour).
Ancienne ville minière déjà importante au temps de l’Empire Romain, la ville était aujourd’hui en train de se transformer peu à peu en station balnéaire.
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Une fois arrivé à destination la pression/adrénaline tombait, j’enlevais mon costume de marcheur, pour enfiler celui d’infirme.
À ce sujet, les albergues ressemblent à des foyers pour handicapés tellement tout le monde peinaient à se déplacer. J’offrais assurément le plus gros contraste entre le jour et le soir; le jour j’étais le pèlerin le plus rapide alors que le soir j’étais l’handicapé le plus lent.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Bilbao
Arrivé Castro Urdiales
Distance Parcouru Aujourd’hui 48.5km
Distance Parcouru depuis Irun 204.8km
Distance Jusqu’à Compostelle 601.2km
Jour 7 – LES CHIENS ENRAGÉS
18 Mai 2016 – Castro Urdiales
Pour la première fois du Camino, j’étais tombé sur un dortoir de ronfleurs. Je me serais cru dans un concours de ronflement « So you think you can snore »… où j’étais malheureusement le juge. Tout cela pour dire que je n’avais pas fermé l’oeil de la nuit.
07.10 – Le sentier montait dans les hauteurs derrière Castro Urdiales, alors que le soleil se levait dans un océan huileux derrière moi. Le sentier prenait de multiples détour dans la campagne pour éviter l’autoroute nationale… sans trop grand succès. Le bruit constant des voitures en sourdines ne quittait jamais vraiment nos oreilles.
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Je ne sais pas pourquoi, mais peu importe où je passais, les chiens me montraient des dents et étaient agressifs. Je préparais ma gourde de métal pour frapper un coup de circuit avec leur tête si l’un d’entre eux osait s’approcher trop près.
Je devais ensuite me frayer un chemin au travers d’un troupeau de vaches, en prenant bien soin d’éviter leurs cadeaux puants sur le sol. Ma récompense; le bord de mer.
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Passé le village de La Magdalena, je me retrouvais enfin dans une belle vallée verdoyante sans aucune route à l’horizon.
14.02 – Au sommet de la plus haute colline des environs, j’avais en vue mes 2 destinations potentielles du jour; Laredo, ville qui s’étendait sur plus de 4 km de plage en croisant de lune, et Santona tout au bout de l’autre coté de la rivière à l’horizon.
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14.15 – Déambulant dans les vieux quartiers de Laredo, mes jambes et mon esprit me suppliaient d’arrêter ici pour la nuit… mais je décidais de continuer.
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J’entamais une interminable marche sur la plage de sable fins pour me rendre jusqu’au port tout au bout. Chaque pas était de la haute voltige; comme si quelqu’un m’avait coupé les tendons dans les mollets. J’étais toujours en vie, mais mort de fatigue et trainait mes jambes par terre comme le ferait un zombie.
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15.30 – En direct du bateau qui me fesait traverser la baie jusqu’à Santona, ma destination du jour. Le surnom de ma ville sanctuaire disait tout à lui seul; « Santona es Anchoa (Santona est anchoie) ».
Ma 1ère semaine sur la Camino était désormais chose du passée. J’avais atteint mes objectifs de distances au prix d’avoir bousillé mon pied droit. Mon pied était tellement en mauvais état que les gens faisaient des grimaces quand il l’apercevait. Même mon amie médecin me disait que je devrais le faire soigner au plus vite… et moi de répondre avec nonchalance que le temps allait régler les choses.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Castro Urdiales
Arrivé Santona
Distance Parcouru Aujourd’hui 37.1km
Distance Parcouru depuis Irun 241.9km
Distance Jusqu’à Compostelle 564.1km
Jour 8 – THE BEACH
19 Mai 2016 – Santona
08.00 – La scène était surréel; sous une pluie fine, je marchais pied nue sur une plage déserte au bruit des vagues qui venaient se briser sur la grève. Un épais brouillard m’empêchait de voir à plus de 50m devant moi… on aurait dit que le temps n’existait plus et que j’allais marcher jusqu’à l’infini. L’endroit me remplissait d’une grande sérénité… qui sait… j’étais peut-être mort et cette plage était mon paradis.
Cette hypothèse était tout à fait plausible. Peut-être avais-je perdu pied en contournant le cap rocheux qui m’avait mené à cette plage un peu plus tôt? Peut-être ma chance, de gars qui se croit invincible, m’avait abandonnée sur ce sentier boueux, glissant et à flanc de montagne… à marcher avec mes flip flop mouillées (AUCUNE adhérence) avec des pieds tout aussi détrempés par l’eau (AUCUNE adhérence dans les flip flop). Moi, funambule de la vie sur cette mince ligne séparant « danger/insouciance » et « confort/sécurité », peut-être avais-je goutté à ma médecine…
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Puis, le village de Noja sortait du brouillard au loin. Était-il réel ou le fruit de mon imagination?
À peine avais-je posé les pieds sur le bitume que je revenais à la réalité et que le brouillard se dissipait. Arrangé avec le gars des vues vous dites?
Ayant perdu les flèches jaunes, je me dirigeais tout droit vers le clocher et retrouvais le chemin jacquaire (dans le doute toujours se diriger vers l’église du village… le Camino passe à coté 99% du temps).
Je marchais ensuite de village en village dans la campagne détrempée. Au sortir d’une forêt sans charme, j’apercevais la plaine côtière parsemée de petit valons, champs et habitations jusqu’à l’horizon. Je pouvais même voir Santander (ma destination du jour) à plus de 10km.
Je terminais ma journée comme je l’avais commencé; à marcher pied nu sur une plage déserte aux sons des vagues. Je me dirigeais alors vers le port pour prendre un bateau qui me mènerait de l’autre coté de la baie.
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Ville côtière d’importance, située dans une baie à l’abri des intempéries de la mer, Santander avait presque entièrement brulée en 1941, pour être reconstruite à la va-vite. Il y avait donc peu de bâtiments historiques à se mettre sous la dent.
Contrairement aux petites villes, où je me pointais et dormais dans les albergues pour pèlerins sans réservation, j’avais décidé de me « gâter » un peu en m’offrant un bon auberge jeunesse (ouuuu… les dépenses). Le hic c’est que j’étais tellement fatigué quand j’avais réservé, que j’avais réservé… pour la veille
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Santona
Arrivé Santander
Distance Parcouru Aujourd’hui 37km
Distance Parcouru depuis Irun 278.9km
Distance Jusqu’à Compostelle 527.1km
Jour 9 – CHANGER L’EAU EN VIN
20 Mai 2016 – Santander
08.30 – Parti « tard » de mon auberge, j’avais moins de 35km à marcher (1ère fois en 5 jours)… pffff… trop facile.
Le sentier d’aujourd’hui était plus un passage obligé qu’autre chose; marche qui n’en finissait pas dans Santander, puis dans un quartier industriel, sur l’accotement d’une route régionale… avec des paysages sans aucun intérêt.
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Je faisais ma seule entorse à mon règlement de ne pas prendre de bus/train pour éviter une section du Camino; je prenais un train pour éviter un ravin de 500m de long. Autrement, j’aurais du faire un détour de 10km par un autre quartier industriel… même les livres sur le Camino recommandent de faire ainsi.
13.15 – J’arrivais à Santillana del Mar. Élu parmi les plus beaux village d’Espagne, le village médiéval, perdu au travers des champs, respirait l’histoire. Comme tout endroit transpirant l’histoire, il y avait 2 choses; une tonne de vendeurs et beaucoup de touristes à tête blanche.
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Je séjournais dans une vieille albergue construite au 16ème siècle. On aurait dit que je dormais dans un musée.
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RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Santander
Arrivé Santillana del Mar
Distance Parcouru Aujourd’hui 30.6km
Distance Parcouru depuis Irun 309.5km
Distance Jusqu’à Compostelle 496.5km
Jour 10 – ON AURA TOUT VU
21 mai 2016 – Santillana del Mar
06.30 – Premier pèlerin levé dans mon dortoir… une première.
Je quittais Santillana par la porte d’en arrière à travers des champs couverts de brume alors que le clocher de l’église de Santillana sonnaient les coups de 07.00.
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Le sentier passait par des champs et forêts avec l’océan jamais trop loin… pour déboucher sur la ville de Comillas, ville touristique avec un charmant centre-ville comprenant un bâtiment de Gaudi (les architectes me comprendront) et un vieux cimetière fait à même l’enceinte d’une ancienne église-forteresse.
Comillas revêtait un cachet particulier dans la légende du Camino de Compostelle. On raconte que c’est à cette endroit qu’un cavalier, se dirigeant à Compostelle après avoir entendu la nouvelle de la découverte du tombeau de Santiago, n’eut d’autre choix que de traverser la rivière à la nage avec son cheval. La légende veut que tous 2 sortirent de l’eau couvert de coquillages… des coquilles Saint-Jacques. Depuis, la coquille Saint-Jacques est l’emblème du Camino de Santiago et la majorité des pèlerins portent une coquille sur leur sac.
Je continuais mon chemin jusqu’à San Vincente de la Barquera, ma destination du jour. Situé dans un cadre enchanteur, avec une magnifique église au sommet d’une colline, j’étais déjà au lit à 18.40.
Fatigué oui, mais je voulais surtout me reposer un peu avant que les « ténors » entre en scène et ne gâchent mon sommeil. J’avais aussi le talon gauche qui me faisait souffrir… on aurait dit que l’os était fêlé… vraisemblablement le résultat de ma semaine à marcher en flip flop.
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RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Santillana del Mar
Arrivé San Vincente de Barquera
Distance Parcouru Aujourd’hui 34km
Distance Parcouru depuis Irun 343.5km
Distance Jusqu’à Compostelle 462.5km
Jour 11 – PÈLERINS CONTRE DAME NATURE
22 Mai 2016 – San Vincente de Barquera
06.40 – Une dizaine de pèlerins se tiennent devant la porte à fixer l’obscurité et la pluie qui tombe comme des cordes dehors. Tous ont leur sac sur le dos. C’est inévitable, mais aucun n’ose franchir le seuil.
Quelqu’un doit donner l’exemple. Je donne un coup dans les flancs de Boule de Quille pour m’assurer que tout y est… et je m’élance. Je cri « vamos a la playa » avec le sourire dans la voix.
À peine 2 minutes dehors que mon sourire a disparu et que je suis détrempé. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais j’avais décidé d’exclure mon imperméable de mon sac. J’allais aujourd’hui le regretter.
Après 30minutes de marche, il ne me restait presque plus de chaleur corporelle. Je pouvais à peine bouger mes doigts tellement ils étaient congelés. Un exercice aussi facile que me gratter la craque de fesse devenait impossible. La pluie et le froid avait au moins l’avantage de me faire oublier mon mal de talon… comme quoi il y a toujours du positif dans chaque négatif.
Félicitation Champion… Tu es bien le seul gars qui penserait consciemment à ne pas inclure ton imperméable dans sac à dos… pour sauver du poids.
La 1ere partie du trajet empruntait le même parcours qu’un autre pèlerinage important; le Camino Toribio. Au 7ème siècle, un moine (Toribio), avait rapporté de Palestine le plus gros morceau de bois provenant de la croix de Jésus. Depuis, les gens accourent de partout pour l’admirer.
Pensez-y une minute; le gars fait un voyage en Palestine… au 7ème siècle… 600ans après la mort de Jésus sur la croix… il trouve la dite croix?!?… en coupe un morceau?!?… et le rapporte avec lui en Espagne (royaume de Castille à l’époque).
Je ne veux pas dire que ce moine est un menteur… mais bon… je vais le dire quand même. Comme l’a si bien dit l’un des pèlerins avec qui j’ai partagé mes doutes; « si on prenait tous les morceaux de croix sensés provenir de la croix de Jésus, cela ferait une croix G I G A N T E S Q U E« .
09.00 – La pluie cessait enfin mais le vent se levait… le mal était fait; j’étais frigorifié.
Le sentier alternait alors entre campagne et collines, en essayant tant bien que (surtout) mal d’éviter l’autoroute. Les petits villages charmant se succédaient; Unquera et sa petite route de pierre montant sur la colline, Colombres et La Franca, petits villages aux allures coloniales françaises, et Pendueles.
14.20 – Llanes, ma destination du jour, se pointait le bout du nez. La ville était protégée de l’océan par un très haut rempart construit il y a très longtemps.
De la ville, seule une toute petite plage près de la vieille ville rappelait que la ville était en bord de mer.
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Aujourd’hui, j »avais quitté la province de Cantabrie pour entrer dans celle des Asturies. Province semi-autonome de l’Espagne, les Asturies pouvaient se targuer d’être le seul endroit en Espagne à avoir résisté aux envahisseurs romains et maures (musulmans). En d’autres mots, les Asturies n’avaient jamais été conquis… ils étaient des espagnols « purs ». Cela pouvait s’expliquer en raison du paysage accidenté (montagnes dépassants les 2000m), isolant la province du reste du pays. Le roi et futur prince d’Espagne se nomme d’ailleurs « Roi/Prince des Asturies ».
Pour l’heure, toute ma concentration allait à trouver le meilleur resto pour déguster du cidre… la spécialité des Asturies. Ici, on ne pouvait pas commander un verre de cidre, c’était la bouteille ou rien. Les barmans asturiens ont une technique bien particulière pour verser le cidre; le verre sur le comptoir, ils prennent la bouteille par derrière, au-dessus de leur épaule, et laisse couler de très haut… pour aérer le cidre.
Disons que les barmans ne sont pas les plus précis… et qu’au moins 1/3 du cidre se retrouvait sur le comptoir!
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ San Vincente de Barquera
Arrivé Llanes
Distance Parcouru Aujourd’hui 41.7km
Distance Parcouru depuis Irun 385.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 420.8km
Jour 12 – UNE JOURNÉE PARFAITE
23 mai 2016 – Llanes
06.40 – Dès le départ, le sentier menait à l’écart de la civilisation, à travers des champs en bordure d’océan. Un sublime lever de soleil m’y attendait.
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À un certain moment, le Pico de Europe (plus haut sommet d’Espagne) se dévoilait dans toute sa splendeur avec son manteau de neige.
J’avais marché une bonne parti de la journée avec Gérard, un très sympathique français (ça existe) de l’âge de mes parents et pince sans rire. Il avait passé la journée à me vendre les vertus de jeuner (ne pas manger de la journée) une fois par semaine. Depuis 30ans, il jeunait à chaque lundi… et nous étions lundi (boire de l’eau était permis).
13.30 – Ribadasella, magnifique ville côtière, pointait à l’horizon. Mon arrivé dans cette ville signifiait que j’avais désormais marché plus de kilomètres qu’il ne m’en restait… une petite victoire mentale… mais bon… il me restait quand même 391km…
Séparé en son milieu par une rivière serpentant dans la plaine, la ville est à cheval entre le passé et le présent; la rive gauche, protégée de l’océan par une montagne, forme la vieille ville de pêcheur, tandis que la rive, avec ses plages complètement exposées à la mer, est une station balnéaire. Au sommet de la montagne protégeant la vieille ville, et à l’embouchure de la rivière sur l’océan, se trouve l’Ermitage La Guia, un ancien poste de défense (offrant la meilleure vue des environs).
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J’allais m’endormir au son des vagues dans un auberge directement sur la plage. Que demander de mieux pour clore une journée de randonnée que j’oserais dire parfaite!
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Llanes
Arrivé Ribadesella
Distance Parcouru Aujourd’hui 29.8km
Distance Parcouru depuis Irun 415km
Distance Jusqu’à Compostelle 391km
Jour 13 – LE PETIT QUEBEC
24 mai 2016 – Ribadesella
06.40 – Je quittais le confort de mon auberge pour enfiler mon costume de marcheur. Je ne boitais presque plus et mes douleurs aux pieds étaient minimes. Les autres pèlerins étaient toujours étonnés de me voir les dépasser dans la journée, quand ils me voyaient marcher de peine et de misère le soir.
Ma destination du jour était totalement inconnue. J’avais décidé de marcher jusqu’à épuisement; je sacrifiais cette journée afin d’engranger le plus de km possible et me la couler un peu plus douce les jours suivants.
À La Isla, je disais « Au Revoir » à la cote et à l’océan ‘Atlantique. Dès lors, le Camino s’enfonçait dans les terres jusqu’à Compostelle sans jamais recroiser l’océan.
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En début d’après-midi, je marchais près d’une église, où 2 pèlerins prenaient une pause. J’entendais « Tabarnak« ! Ni une, ni deux, je quittais le sentier pour me diriger en direction de l’homme. Sans un mot je marchais droit vers lui et lui lançait un « ben criss!« .
À bout de force, j’aboutissais finalement à Villaviciosa, « ville du vice » traduit de l’espagnol, « ville sans charme » dans mon livre à moi. Comble de chance… ou de malchance… je tombais sur un 2ème québécois à l’auberge. Je faisais une entorse à ma loi non écrite (d’une bouteille de vin par soir) pour siroter de la bière avec lui.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Ribadesella
Arrivé Villaviciosa
Distance Parcouru Aujourd’hui 37.3km
Distance Parcouru depuis Irun 452.3km
Distance Jusqu’à Compostelle 353.7km
Jour 14 – LA CROISÉE DES CHEMINS
25 mai 2016 – Villaviciosa
08.19 – À peine sorti de Villaviciosa que je me trouvais à la jonction entre le Camino Primitivo et le Camino del Norte; 2 chemins menant à Compostelle, le Norte longeant la cote pour quelques jours encore, alors que le Primitivo s’enfonçait dans les montagnes Asturiennes. Direction Gijon pour le Camino del Norte, alors que le Primitivo mettait le cap sur Oviedo.
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Direction Oviedo!
Je marchais désormais sur de petites routes dans la campagne profonde. Je prenais bien soin d’éviter tous les escargots qui pullulaient sur le sentier, mais en écrasais un par inadvertance (sa carapace faisant un gros « crac » sous ma semelle).
Désolé petit invertébré!
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Après une journée sans histoire, la pluie m’attrapait solidement 2km avant la fin. Seulement 20 minutes… bien assez pour me tremper de la tête aux pieds.
14.00 – Live depuis Pola de Siero, grande ville sans charme avec des tours semblant sorties de nul part.
Il n’y a AUCUNE RAISON… AUCUNE… de s’arrêter dans cette ville… si ce n’est que pour séjourner à l’albergue. Cette ville peut se targuer d’avoir LE meilleur albergue pour pèlerins de tout le Camino; un bâtiment en bois, de 2 étages, flambant neuf avec wifi, douches modernes, très grand jardin. Tout cela pour un prix ridicule de 6 euros.
Aujourd’hui, mon esprit avait bien failli faillir; je m’étais surpris à penser d’arrêter le Camino à Oviedo (destination de demain) pour ensuite prendre une dizaine de jour de repos au Portugal et dans le sud de l’Espagne; Porto, Lisbonne, Grenade, Séville. Un peu de repos pour reposer mon pied droit (en très mauvais état) en préparation du GR20 en Corse (que je commence tout de suite après le Camino).
Quoique très attrayante, je balayais du revers de la main l’idée; si j’arrêtais, il n’y avait aucune garanti que je recommencerais un jour… et j’avais bien l’intention de fouler les vieux pavés de Compostelle.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Villaviciosa
Arrivé Pola de Siero
Distance Parcouru Aujourd’hui 27km
Distance Parcouru depuis Irun 479.3km
Distance Jusqu’à Compostelle 326.7km
Jour 15 – UNE PROMENADE DE SANTÉ
26 mai 2016 – Pola de Siero
07.40 – Seulement 18km me séparait d’Oviedo, mon objectif du jour. Dès le départ et jusqu’à destination, le sentier n’allait jamais quitter la ville.
12.00 – Une fois ma promenade terminée, tel Clark Kent, j’enfilais mon costume de civil et commençais à explorer.
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 Oviedo a une importance capitale dans l’histoire du Camino de Santiago!
Au 7ème siècle, le roi Alphonse II.. de Oviedo, ayant eu vent de la nouvelle à l’effet qu’un moine aurait trouvé le tombeau de Saint Jacques (Santiago – L’un des 12 Apôtres), parcouru la route jusqu’à Compostelle avec toute sa court pour en avoir le coeur net.
Une fois sur place, il déduit que c’était réellement la tombe de Saint Jacques (ouin… c’est ça… vous vous rappelez du morceau de bois du moine Toribio…) et ordonna la construction d’une cathédrale à Compostelle. Le Camino Primitivo (Chemin Original) reprend le trajet du 1er pèlerin, le roi Alphonse II.
En ce qui concerne la ville d’Oviedo, elle fut « fondée au 8ème siècle par le roi Fruela, la ville fut dévastée par les Maures. Son successeur et fils, Alfonso II le Chaste, la fit rebâtir, l’entoura de murailles et en fit la capitale du royaume des Asturies. […] À partir du 10ème siècle, des hordes de pèlerins accourent à la Basilique del Salvador pour vénérer les reliques qu’elle abrite. […] Oviedo n’a pas été seulement une étape pour les pèlerins en marche vers Santiago par le chemin du nord, ou chemin primitif »… au Moyen Age, plusieurs pèlerins marchant le Camino Francés considéraient leur pèlerinage vers Compostelle incomplet si il ne faisaient pas un détour (tout un détour) par Oviedo. On dit « qui va à Saint-Jacques (de Compostelle) et ne va pas à Saint-Sauveur (Oviedo), vénère le serviteur et délaisse le Seigneur« .
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La basilique, le musée adjacent (comprenant multiples artifacts religieux), le cloitre, les multiples sculptures/gravures sur pierre/or/argent, et les cryptes, ont fait de l’effet même sur le non croyant que je suis. La chambre sainte à elle seule vaut le détour, avec ses colonnes taillées à l’image des 12 apôtres… puisque les apôtres sont les « colonnes de la religion ».
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Cette visite m’avait donné soif; il était l’heure de mon verre (bouteille) de vin hebdomadaire.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Pola de Siero
Arrivé Oviedo
Distance Parcouru Aujourd’hui 17.9km
Distance Parcouru depuis Irun 497.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 308.8km
Jour 16 – L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE
27 mai 2016 – Oviedo
06.30 – Après avoir bien patché mon pied droit, je m’élançais à l’assaut de cette nouvelle journée tout excité de débuter le Camino Primitivo. J’avais l’impression de commencer une nouvelle aventure… même si c’était la même foutu marche que les 15 derniers jours.
Je déambulais longtemps dans les rues alors que la ville s’éveillait tranquillement. J’étais seul au monde toute l’avant-midi; ni pèlerins, ni âmes qui vivent dans les villages que je croisais.
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11.30 – J’arrivais à Grado, ville d’assez grande taille et sans charme. Grado me faisait regretter de ne pas y être arrêté pour la nuit, avec une montée longue et soutenue à peine sorti de la ville.
13.00 – À mi-chemin de la colline surplombant Grado, j’en avais mare de marcher et le soleil me plombait le cardio. Même si je me sentais en pleine forme, je ne voulais pas pousser trop fort pour abimer encore plus mon pied droit. Le Camino est un marathon et non un sprint… il ne faut pas aller au bout de ses forces à chaque jour sinon on ne se rendra pas à la fin.
Située derrière l’église, dans une ancienne école de village, l’albergue de Villapanada était tenue par un couple de bénévoles; dortoir et toilettes nickel, grande salle à manger avec cuisine toute équipée & laveuse gratuite. L’albergue vendait même de la nourriture au prix de l’épicerie.
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Au moment où je me disais que tout cela était trop beau pour être vrai et qu’il ne me faudrait qu’une seule chose pour être hyper heureux… le bénévole ouvrait la porte du frigo… une tonne de bouteilles de vin. Je n’avais qu’à en prendre une et faire un don… mon voeu était exaucé. Le paradis était bel et bien sur Terre. Il était dans l’albergue d’un petit village anonyme de la principauté des Asturies.
Seul pèlerin au gite durant 2-3 heures, je me sentais comme Ferris Bueller (film du même nom) lorsqu’il avait décidé de faire l’école buissonnière. Bouteille de vin, musique à tue-tête… que demander de mieux?!?
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16.00 – Un 2ème pèlerin cognait à la porte du gite; Gérard… mon ami français. La « fête » continuait avec une 2ème bouteille (pour moi puisqu’il ne boit pas).
Avant 20.00, le gite était complètement plein. Mis à part moi, Gérard et 2 autres personnes, tous les autres pèlerins avaient commencés leur pèlerinage à Oviedo. Ils en étaient à leur 1ère journée de marche et se plaignaient de tout et de rien. J’étais donc rendu un vétéran sur le circuit.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Oviedo
Arrivé Villapanada
Distance Parcouru Aujourd’hui 27.9km
Distance Parcouru depuis Irun 525.1km
Distance Jusqu’à Compostelle 280.9km
Jour 17 – BAINS DE BOUE
28 mai 2016 – Villapanada
06.20 – Noir, brumeux et pluvieux; 3 adjectifs qui décrivent très bien la température extérieure… et l’état de mon cerveau.
Debout avant que les premiers coqs ne chantent, je tâchais de terminer la monté que j’avais entreprise hier… à la différence qu’hier j’étais en pleine forme et que ce matin mes jambes étaient aussi flexibles que 2 troncs d’arbres.
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Une fois au sommet, je basculais dans une nouvelle vallée presque dénuée de traces d’hommes, sauf pour de petits hameaux ici et là. J’en profitais pour faire le plein de cailloux dans mes chaussures sur l’interminable chemin de gravelle.
10.15 – J’atteignais Salas, ville avec autant de charme qu’un marteau piqueur un samedi matin. Le Camino montait alors tout en haut d’une autre montagne à travers un sentier forestier.
12.00 – L’heure de la décision. J’avais atteint un plateau au-dessus des montagnes et le village de La Espina se dessinait devant moi. Autour de moi, se trouvait de petites collines et des champs à perte de vue. La Espina offrait les derniers hébergements avant 10km.
La température ne s’était pas vraiment arrangé depuis ce matin et Dame Nature se préparait à faire un show pyrotechnique à tout moment. Il n’y avait que du noir devant moi à l’horizon. Continuer et risquer de me faire tremper ou en terminer maintenant?
Allez! La pluie n’a jamais tué personne!!!
14.30 – J’avais entendu le tonnerre, vue des éclairs, mais n’avais pas reçu une seule goutte de pluie.
15.00 – Terminus Tineo. La ville était tout en haut d’une vallée, adossée aux montagnes.
Je séjournais Palacio de Meras, vieil édifice datant de l’An 1525. Hotel 4 étoiles, il y avait aussi une section hyper moderne 10 euros la nuit pour les pèlerins… avec bain turc et sauna à disposition… gratuitement…
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Villapanada
Arrivé Tineo
Distance Parcouru Aujourd’hui 39.1km
Distance Parcouru depuis Irun 564.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 241.8km
Jour 18 – LA CAMPAGNE PROFONDE
29 mai 2016 – Tineo
06.40 – Comme c’était maintenant l’habitude, je gagnais la campagne en arpentant les rues désertes de Tineo, alors que les premiers rayons de soleil éclairaient le ciel. Je contournais la vallée par un sentier forestier avec une vallée et Tineo en contrebas sur ma gauche, la montagne sur ma droite… et la boue sous/dans mes souliers…
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De toutes les fois où j’ai cru m’égarer et perdre le Camino, le sommet de cette montagne fut le pire. Je marchais depuis une bonne heure et demi sur une route de campagne sans avoir vu quelconque signe. Mon coeur palpitait; moi, expert (autoproclamé) de l’orientation, je m’étais perdu sur un Camino fait « pour les vieux ». Au moment où j’allais rebrousser chemin, j’apercevais un coquillage… Hip Hip Hip… J’étais toujours sur le bon chemin.
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Je dépassais 3 jeunes franco-suisses complètement médusés par la petitesse de mon sac. Ils avaient commencé à Oviedo et ne me croyaient pas lorsque je leur disait que j’étais parti de la frontière française. Probablement parce qu’ils étaient jeune, arrogant, et peinaient à suivre mon rythme… même si je marchais en flip flop sur un sentier défoncé. J’ai dû leur montrer ma Credential avec tous mes tampons pour les convaincre.
13.05 – Tout comme hier, Dame Nature installaient tous ses pions (nuages) dans le ciel pour foutre en l’air mon après-midi. Heureusement pour moi, j’avais d’autres plan.
Après une longue descente dans le fond d’une vallée, je m’arrêtais à Pola de Allende, petit village composé de 2 rues.
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Il y a des avantages certains à être le premier arrivé à l’auberge de pèlerins; tu peux choisir le lit que tu veux et SURTOUT… prendre une looooongue douche sans que personne ne soit derrière à attendre.
Non négligeable et à ajouter à la liste des avantages à se lever tôt et finir en début d’après-midi; dans le Nord de l’Espagne, les chances de pluie sont bien plus grande en après-midi qu’en avant-midi. Autant être sous la douche, que sous la pluie, et décider de la température de l’eau…
Pourquoi plus de pluie l’après-midi… mmm… je ne suis pas météorologue… mais j’ai ma petite idée. Dame Nature est une femme… il lui faut donc beaucoup de temps pour se préparer le matin 😉
En faisant le tour du village, je me retrouvais à manger un festin dans un hôtel rétro chic. Cheveux et barbes en bataille, flip flop et vêtement pas vraiment propre (crasseux), je me trouvait dans une salle bondée, entouré de gens sur leur 31 venu manger le repas du dimanche en famille. Pas besoin de dire que je jurais dans le décor… mais bon… je m’en foutais… le vin était à volonté.
Je sortais de l’établissement 3h après y être entré. La lumiere du jour me brulait les yeux… je devais ressembler à un vampire… un vampire complètement saoul. La rue principale (seule rue) du village, que je devais arpenter jusqu’au bout pour me rendre jusqu’à l’albergue, me semblait alors infiniment loooongue…
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Tineo
Arrivé Pola de Allande
Distance Parcouru Aujourd’hui 27km
Distance Parcouru depuis Irun 591.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 214.8km
Jour 19 – LE DÉLUGE
30 mai 2016 – Pola de Allande
Aujourd’hui sera une jour difficile selon ce que j’ai pu lire dans mon guide. Le sentier monte jusqu’au Col du Palo (@1146m), l’endroit le plus haut du Camino Primitivo.
Après une ascension constante, mais facile, dans une forêt détrempée, j’atteignais le sommet. L’environnement était alors TOUT sauf hospitalier; absence totale de végétation, pluie battante & vent intense qui fait tomber la pluie quasiment à l’horizontale. Je ne voyais pas à 10m devant moi tellement le brouillard était dense.
La journée avait commencé depuis moins de 2h que j’étais détrempé et frigorifié. Mes doigts étaient tellement rigide que je ne pouvais même pas faire une tâche aussi simple que d’agripper ma bouteille d’eau. Bref, si vous n’avez pas encore compris; c’était la galère…
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La descente n’était pas plus facile en raison de la pluie qui avait  »piégé » les pierres du sentier. Chaque pierre n’attendait qu’une seule chose; que je pose un pied trop assuré sur elle pour avoir l’honneur de me casser la gueulle.
Au bout d’une bonne (mauvaise) heure de descente, un petit village sortait du brouillard. Le village de Monte Furado, que dis-je, hameau (avec ses 8 bâtisses), existe depuis le 7ème siècle. L’endroit comptait sur un hôpital pouvant héberger les pèlerins épuisés (ayant survécus) venant de franchir la montagne. Malheureusement pour moi, cette hospitalité légendaire n’existait plus et je me butais à des portes closes. Même pas un tout petit magasin ou un abri de bus pour me réchauffer.
J’en profite pour faire une parenthèse; la définition d’hôpital a bien changé depuis le Moyen Age. À l’époque, les hôpitaux étaient des lieux où l’on pouvait trouver refuge pour la nuit si on était un sans abri, un voyageur, etc. Ce n’était pas des endroits pour soigner les malades.
Entre temps, mon valeureux cellulaire, que je croyais à tort waterproof, rendait l’âme. Il n’allait pas s’en remettre 😦
Je continuais mon chemin dans les champs détrempés, « champs détrempés » étant un synonyme pour « sentier boueux », jusqu’à un autre village; un cimetière, une église, une douzaine de bâtiments, et PAS de bar/restaurant/magasin. Je sortais du village de l’autre coté avec mon air résigné… et puis miracle… un restaurant. J’entrais, me dirigeais directement vers les toilettes et mettais mes mains sous le sèche-main durant un bon 5 minutes.
Le reste de la journée s’avérait beaucoup plus facile; plus j’avancais et moins il pleuvait. Je me permettais même un verre de vin sur les coups de midi. Je me trouvais alors à La Mesa, un endroit très invitant pour y passer la nuit, mais décidait de continuer jusqu’à mon objectif du jour; Grandes de Salime… 19km plus loin.
Ce que je ne savais pas encore c’est que ce segment entre La Mesa & Grandes était réputé comme la plus difficile portion de tous les chemins menant à Santiago. J’allais devoir descendre plus de 1000m jusque dans le fond d’une vallée et remonter ces 1000m de l’autre coté. Fait non négligeable (que je ne savais pas), je serais livré à moi-même; il n’y a pas de village/halte/restaurant. Bref, ayant déjà vécu beaucoup d’émotions en avant-midi, et ayant dépensé une bonne quantité de mon énergie, je n’était pas du tout préparé à cette épreuve.
Peu m’importait, j’étais invincible après tout?
La vallée dans laquelle je descendait, fut inondée par la construction d’un barrage dans les années 1950. Elle était beaucoup plus profonde que 1000m à l’époque.
14 villages et des milliers de personnes ont du être déplacés. Parmi ces villages se trouvait Salime, étape importante du Camino, avec ses nombreux Hôpitaux (endroits où séjournaient les pèlerins au Moyen-Age). Grandas de Salime, un tout nouveau village, avait donc été créé tout en haut de la vallée.
Au moment ou j’atteignais le barrage tout en bas et que j’entreprenais la remonté de 7km jusqu’à Grandes, le soleil avait choisi de sortir des nuages et me tapait sur la tête… rien pour m’aider à rallier mon objectif de la journée.
Complètement C R E V É, j’atteignais finalement Grandes en m’ayant tapé les 2 étapes les plus difficile du Camino en une seule journée! Mon pied gauche, qui était à toute épreuve depuis le départ, y avait gouté royalement. J’allais trainer les séquelles de cette journée jusqu’à la fin du Camino.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Pola de Allende
Arrivé Grandes de Salime
Distance Parcouru Aujourd’hui 39.6km
Distance Parcouru depuis Irun 630.8km
Distance Jusqu’à Compostelle 175.2km
Jour 20 – À BOUT DE SOUFFLE
31 mai 2016 – Grandes de Salime
Mon 20ème jour de marche! 20 jours qui commençaient à m’affecter physiquement et mentalement. Je peinais désormais à trouver la motivation pour me lever le matin et marcher. En d’autres mots; c’était le temps que ça finisse!
La rude journée d’hier n’aidait en rien puisque mes batteries étaient complètement à plat malgré une bonne nuit de sommeil. Déjà en début de journée, j’avais les mollets en feu et marchais le dos courbé, avec la tête penchée vers l’avant en fixant le sol.
Il n’y avait que 25km au menu du jour, mais ils me paraissaient interminable!
Ajoutez à cela (comme si cela n’était pas déjà assez) que les paysages d’aujourd’hui n’aidaient en rien pour mon moral en chute libre; de la forêt et encore de la forêt.
Seul fait notable, j’avais quitté la province des Asturies pour entrer en Galice… province où se trouvait Santiago de Compostelle.
Une grosse ville pointait à l’horizon. Perchée au sommet d’une petite colline, elle me semblait tout sauf attrayante. Faute d’alternative A Fonsagrada serait mon arrêt pour la journée.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Grandes de Salime
Arrivé A Fonsagrada
Distance Parcouru Aujourd’hui 28.1km
Distance Parcouru depuis Irun 658.9km
Distance Jusqu’à Compostelle 147.1km
Jour 21 – PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS
1 juin 2016 – A Fonsagrada
06.00 – Depuis quelques jours, j’étais entouré d’amateurs qui se levaient hyper tôt et prenaient bien soin de réveiller tout le monde au passage. Une règle d’or si tu dort en dortoir est de faire ton sac la veille si tu pars tôt le lendemain.
Ce matin j’avais pris plaisir à le fixer l’un de ces idiots. Il s’était levé en premier et faisait un vacarme. Je le fixais pendant une bonne vingtaine de minute; pack son sac, vide son sac puisqu’il avait oublié quelque chose, et ainsi de suite. Je suis alors sorti de mon lit, j’ai mangé 2 barres tendres, mis mon short, pris mon sac sur le bord de mon lit et je suis parti. Vous auriez du lui voir sa tête.
Dernier levé, 1er parti. C’est ce qu’on appelle être efficace!
Le soleil encore couché, mais le vent qui s’en donnait à coeur joie, il faisait un froid sibérien. Je marchais dans la forêt aux sons des oiseaux et des éoliennes. J’avais envie d’immiter Don Quichote et de me battre avec elles (lui c’était avec les moulin à vent… Pareil, mais pas pareil).
L’étape s’avérait beaucoup plus intéressante que celle de la veille; des paysages accidentés, formés de vallons et petites collines… loin du goudron.
Après un jour 20 extrêmement négatif, j’avais retrouvé une certaine joie de vivre.
C’est alors que se pointait O Cadavo, un village guère plus enchanteur que son nom l’indiquait. En d’autres mots; ça avait l’air mort. Ne restait alors plus que 9km jusqu’à Castro Verde, perdu au beau milieu de la forêt et qui se laissait découvrir au travers des feuillages.
14.00 – L’albergue du village était flambant neuve; un bâtiment réussi en terme d’architecture, avec de grandes pièces lumineuses et l’utilisation de matériaux nobles.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ A Fonsagrada
Arrivé Castro Verde
Distance Parcouru Aujourd’hui 33.9km
Distance Parcouru depuis Irun 692.8km
Distance Jusqu’à Compostelle 113.2km
Jour 22 – L’ESPRIT DU MOMENT
2 juin 2016 – Castro Verde
08.00 – Petite grâce matinée ce matin. Je n’avais que 20km à marcher pour arriver à Lugo, dernière ville d’importance avant Compostelle, et arrêt à ne pas manquer sur le Camino Primitivo.
Dès le départ, je m’enfonçais dans un épais brouillard qui allait limiter mon champ de vision au minimum. La campagne défilait au compte goutte sous mes yeux. Tout le reste avait disparu… même le bruit. J’admirais les rayons du soleil, qui tentaient bien que mal de percer le mur blanc. Les km me séparant de Lugo passaient en un clin d’oeil et je me retrouvais aux portes de la ville.
Passé la très laide nouvelle ville, je passais la porte San Pedro et pénétrais dans la vieille ville fortifiée, comme les autres pèlerins depuis les débuts du Camino.
Fondé au 14 siècles AVANT JC, transformé en camp romain au début de notre ère, et ayant passé au travers de toutes les époques moins glorieuses de l’humanité (Moyen Age), Lugo est la plus vieille ville de Galice. Classé au patrimoine de l’UNESCO pour son impressionnant rempart romain datant du 2ème siècle après JC, parfaitement conservé et ceinturant la vieille ville sur 2km, Lugo, en l’honneur de l’empereur romain Lucious Augustus, vaut le détour.
La cathédrale Santa Maria de Lugo, vaut le coup d’oeil. Je n’ai jamais vu un édifice religieux comme celui-là (l’intérieur).
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Castro Verde
Arrivé Lugo
Distance Parcouru Aujourd’hui 20km
Distance Parcouru depuis Irun 712.8km
Distance Jusqu’à Compostelle 93.2km
Jour 23 – LE CALME AVANT LA TEMPÊTE
3 juin 2016 – Lugo
07.00 – Je quittais Lugo à une heure où seul les pèlerins et fêtards (qui terminaient leur virée nocturne) triaient dans les rues. Comme hier, je marchais sous un couvert de brouillard, la magie en moins. Il en faudrait beaucoup plus pour me plomber le moral; j’étais dorénavant à moins de 100km de Compostelle!
Après une dizaine de km, je quittais le goudron pour entrer dans une espèce de forêt enchantée. Tout y était d’une couleur verte radioactive.
Au sortir de cette forêt, je me faisais surprendre par un gros chien en liberté… qui fonçait vers moi. Ce qui devait arriver arriva, mes flip flops, aussi courageuse soient-elles, ne résistaient pas à mon accélération brusque; l’une d’elle rendait l’âme sous mes pieds… manquant provoquer ma chute. Heureusement pour moi, le propriétaire du chien sortait de sa maison In Extremis pour retenir le chien qui était dorénavant au-dessus de moi. Plus de peur que de mal.
Après 17 jours de marche en flip flop, je me résignais à remettre mes bottes.
Les derniers 10 km avant Ponte Ferreira, ma destination du jour, étaient une loop sans fin de petites collines, suivit de petits villages, et ainsi de suite.
12.30 – J’atteignais l’Albergue Ponte Ferreira, une sympathique auberge privée. Je célébrais mon dernier jour sur le Camino Primitivo. À peine 20km de marche me séparaient dorénavant de la jonction avec le Camino Francés, le chemin le plus achalandé menant à Santiago.
6 jours maintenant que mon téléphone avait rendu l’âme. Ayant laissé mon ordinateur chez des amis en France, je n’avais plus de moyen de communiquer avec le monde 2.0. Lorsque j’avais voyagé pour la 1ère fois en Europe il y a 7ans, les Cafés Internet étaient partout et tous les auberges mettaient des ordinateurs à la disponibilité des voyageurs. À un certain moment entre il y a 7 ans et maintenant, les cafés internet et ordinateurs ont COMPLÈTEMENT disparus de la surface de la Terre. Résultat; si tu n’as pas un téléphone pour te connecter aux wifi, tu es un homme des cavernes!
Vous devriez voir la figure des gens à qui j’ai demandé d’utiliser leur téléphone; je voyais dans leurs yeux que l’idée les répugnait au plus haut point. Comme si je faisais une intrusion dans leur vie privé. Je n’ai donc pas pu souhaiter bonne fête à ma mère en ce 3 juin.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Lugo
Arrivé Ponte Ferreira
Distance Parcouru Aujourd’hui 27.4km
Distance Parcouru depuis Irun 740.2km
Distance Jusqu’à Compostelle 65.8km
Jour 24 – MARÉE HUMAINE
4 juin 2016 – Ponte Ferreira
Mes derniers kms sur le Camino Primitivo n’allaient pas passer à l’histoire; signes contradictoires et sentier monotones, sans mentionner la bonne odeur de purin dans les narines.
Moment fort de ma journée, j’étais à un carrefour de 3 voies au centre d’un village, un gros chien me bloquait la voie, jappait très fort, montrait des dents et avançait vers moi dangereusement.
Vous savez le truc de donner un coup de pied en direction du chien pour lui montrer que vous n’avez pas peur et le faire reculer? En plus de NE PAS le faire reculer, il était encore plus en colère. Je me résignais à prendre la direction opposée en me disant qu’il y aurait surement une nouvelle jonction sous peu, me permettant ainsi de reprendre le droit chemin.
1h plus tard, cette jonction se faisait toujours attendre. Je marchais sur une route qui n’était pas le Camino, sans carte, ni téléphone pour retrouver le droit chemin. J’hésitais entre revenir sur mes pas (et affronter le chien à nouveau) ou persister sur cette route. Je gagnais finalement une route régionale. Il me venait alors l’idée de regarder dans mon livre pour voir le nom des villages par lesquels le Camino passe. L’une des villes était affichée sur un panneau routier. Une fois dans cette ville, je me dirigeais vers l’église et Bingo; je retrouvais les signes du Camino.
Au sortir d’une forêt, dans une plaine avec des fleurs jaunes, j’apercevais Mélide au loin. Sans crier gare, j’étais sur le Camino Francès. J’éprouvais de la frustration en l’absence d’une plaque (ou quelconque signe) disant « Félicitation… vous avez survécu au Camino du Nord et Primitivo… vous voici maintenant sur le hyper facile & touristique Camino Francés« . Comme le mentionnait mon livre; rejoindre le Camino Francés « donne l’impression que la récréation est terminée et que l’on rentre dans les rangs ». Fini la marche en solitaire, alors que je pouvais passer des heures sans croiser de pèlerin sur le Norte et Primitivo, il y avait toujours quelqu’un devant et derrière moi. Ceux qui vont faire le Camino del Norte/Primitivo vont comprendre ma frustration une fois rendu à la jonction du Francés.
Les marcheurs du Francés avaient la vie beaucoup plus facile; il ne se passe pas 10 minutes entre les points d’eau, il y a des stands de nourriture dédié aux pèlerins à tous les 2-3km, et le sentier est aussi large qu’un boulevard. Les marcheurs du Francés n’ont jamais connu la boue.
J’allais donc digérer ma tristesse en passant la nuit à Arzua, ville dortoir (très laide) située au kilomètre 39 de Compostelle.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Ponte de Ferreira
Arrivé Arzua
Distance Parcouru Aujourd’hui 26.8km
Distance Parcouru depuis Irun 767km
Distance Jusqu’à Compostelle 39km
Jour 25 – TAIE-TOI ET MARCHE
5 juin 2016 – Arzua
07.00 – Le soleil à peine levé qu’il y avait déjà des hordes de pèlerins sur le Camino. Pas moyen d’avoir la paix 1 seconde.
Je n’avais ni la motivation, ni les jambes pour marcher. J’avais seulement envi de finir le Camino et m’envoler vers d’autres cieux. J’allais donc suivre à la lettre le titre de ma journée; taie-toi et marche!
La journée se résumais à marcher sur un « boulevard » de terre & de goudrons, par delà forêts, champs et villages.
Nonchalant, mes flip flop (fraichement rafistolé… vous auriez du voir le travail d’artiste) butaient sur une grosse roche. J’en serais quitte pour marcher les derniers km jusqu’à Compostelle avec un orteil foulé et une vive douleur, l’os de mon pied droit me résonnant dans tout mon corps à chaque enjambé.
Je parvenais de peine et de misère à rallier Monte D’Orzo (Mont Joie), colline située à 5km de Compostelle, l’endroit où les pèlerins aperçoivent Compostelle pour la 1ère fois.
Après le passage du Pape Jean-Paul II, il y a une vingtaine d’année, une gigantesque albergue ressemblant à des baraquements militaires et pouvant accueillir plus de 500 pèlerins, fut construite au sommet de la colline.
Plus que 5km… mais ce serait pour demain!
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Arzua
Arrivé Monte Gozo
Distance Parcouru Aujourd’hui 34km
Distance Parcouru depuis Irun 801km
Distance Jusqu’à Compostelle 5km
Jour 26 – SUR UN PIED
6 juin 2016 – Monte Gozo
06.30 – À l’albergue ce matin, une jeune allemande a vu l’état de mes pieds et mon « rituel » de mettre une tonne de bandages avant de prendre la route. Elle était horrifiée et ne pouvait concevoir que je puisse marcher aussi vite avec un pied en aussi mauvais état.
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Par un matin pluvieux, à littéralement trainer mon pied droit, je quittais une albergue de pèlerins pour la dernière fois.
Dès le départ, le Camino suivait un boulevard en banlieue de Compostelle. Je passais la Puerta del Camino (Porte du Camino) et pénétrais dans la vieille ville… pour finalement me trouver dans la Plaza del Opra d’Oyo.
26 jours à marcher avant l’aube, tout le matin, en après-midi, quelques rares soirée, au soleil, à travers la brume, sous la pluie battante, dans la forêt, dans les montagnes, sur le bord de l’océan, en bord de la route, dans les champs, sur le béton, sur des sentiers de terre battue, sur la roche, dans les rivières, dans la boue, en bottes, en flip flop…
Après 26 jours et officiellement 806km de marche (parce qu’officieusement j’en ai marché BEAUCOUP plus), de sueur, d’huile de genoux, de coup de soleil, de douleurs au pieds…
Après 26 jours, j’étais finalement devant la cathédrale de Compostelle. Mon pèlerinage était dorénavant chose du passé. Pendant plus d’une demi-heure, je me tenais debout sans bouger au centre de la place presque vide. Je regardais la cathédrale et ne pouvais m’empêcher de penser qu’un pan important de l’histoire de la religion catholique se trouvait devant moi.
J’avais peine à croire que j’avais réussi à marcher toute la distance depuis la France, dans le délai que je m’étais fixé. Je me rappelais avoir regardé la carte au tout début et m’être dit que j’étais fou.
La morale de l’histoire; comme pour tout rêve-objectif, il n’y a pas de recette magique. Regarder le défi dans son ensemble peut faire peur, mais c’est en bout de ligne une simple addition de petit pas.
Je ramassais un dernier tampon dans mon carnet du pèlerin (à l’office du pèlerin) et obtenais ma Compostella (certificat d’attestation d’avoir marché le Camino de Santiago)… l’un des rares pèlerins de l’histoire moderne à avoir marché le Camino en flip flop
Trêve de célébration, mon vol pour Genève quittait Santiago dans quelques heures.
RÉSUMÉ DU JOUR
Départ Monte Gozo
Arrivé Santiago de Compostelle
Distance Parcouru Aujourd’hui 5km
Distance Parcouru depuis Irun 806km
ÉPILOGUE
Pendant 26 jours, j’ai vécu la vie de pèlerin; lever du corps un peu avant le soleil (vers 06.00), départ avant 07.00, de 6 à 7 heures de marches… des fois plus, le reste de l’après-midi pour flâner et/ou me reposer, et coucher vers 8h le soir.
Une vraie vie de moine… les moines peuvent boire du vin non?!?
Le Camino de Santiago ne se résume pas simplement aux kilomètres que vous marchez et les paysages qui défilent devant vos yeux, c’est aussi les gens qui partagent votre chemin. Je pense à Quentin (jeune belge qui était parti de Bruxelles), à Marie-Aimée (française avec qui j’ai échangé beaucoup de fou rire), à Kevin (anglais de 66ans qui suivait mon rythme), à Gérard (français pince sans rire avec qui j’ai partagé beaucoup de bons moments et qui m’a partagé son savoir), à Hervé (français qui pensait tout savoir et qui me tombait sur les nerfs au début, mais que j’ai fini par apprécier), à Sarah et Helena (2 jeunes américaines), et j’en passe.
DÉMYSTIFIONS LE CAMINO
Il faut le dire haut et fort; le Camino de Santiago n’est pas un sprint, mais un très long marathon. Il n’y a pas de prix pour le plus rapide à la fin. Chaque pèlerin va à son propre rythme. J’ai fait la distance en 25 jours, mais la très grande majorité vont arriver à Compostelle après 30, voir 40 jours de marche.
Il vous faudra tout d’abord choisir le Camino qui vous convient; Camino Francés, Camino del Norte, Camino Primitivo, Camino Anglais, Camino Portuguese, etc.
3 éléments majeurs sont à ne pas négliger Avant et Pendant le Camino;
AVANT – Sac à Dos & Matériel 
+ Il vous faut un sac confortable et (surtout) ne pas trop le charger. Vous séjournerais dans une ville à chaque soir (magasin général et pharmacie accessible tous les jours).
+ Un sleeping bag est essentiel,
+ Des vêtements pour la marche,
+ Des vêtements pour après la marche.
AVANT – Soulier de Marche
+ Il vous faut des souliers confortables pour marcher de longues distances
+ Ajoutez une paire de soulier de rechange (préférablement des scandales ou des flip flop) pour reposer vos pieds le soir venu.
PENDANT – Gérer l’état de vos pieds
Avoir des ampoules ou quelconques blessures est INÉVITABLE sur le Camino.
Il faut simplement apprendre à les limiter et vivre avec. Vous pensez qu’une ballerine a de beaux pieds? Oh que Non!!! C’est le sacrifice à faire…
UN PÈLERIN C’EST…
– Quelqu’un qui marche 20/30km par jour et qui, une fois arrivé à destination, prend une douche rapide et va faire le tour de la ville… à pied.
– Quelqu’un qui est habitué à se faire japper dessus.
– CE N’EST PAS automatiquement une personne âgé. Ils composent la majorité, mais il y a beaucoup de jeunes.
– CE N’EST PAS automatiquement quelqu’un de profondément religieux. Je ne crois pas avoir rencontré une seule personne qui marchait le Camino pour des motifs religieux.
P.S. I – J’ai pu me moquer un peu des « vieux » marchant le chemin de Compostelle durant cet épisode, mais sachez que j’ai le plus grand respect pour eux. J’ai fait le camino dans la fleur de l’âge, j’ai donc peu de mérite. J’ai croisé beaucoup de 60+ marchant sur le chemin avec des sacs à dos très (trop) lourd.
P.S. II – L’état de mes pieds et le fait que je marche en flip flop auront été des sujets de discussions constants. Je passais pour un extra terrestre à chaque fois que quelqu’un me voyait marcher en flip flop… et je voyais des visages d’horreur quand ils apercevaient l’état de mes pieds.
P.S. III – Il n’est pas nécessaire de marcher 800km+ pour obtenir la Compostela. Il faut au moins marcher les 100 derniers kilomètres menant à Saint-Jacques de Compostelle peu importe par quel chemin, en faisant bien sur de collectionner les tampons dans son passeport de pèlerin.
P.S. IIIII – Je vais m’ennuyer de l’Espagne et de ses restos servant de bons repas 3 services, incluant une bouteille de vin, à 10 euros (13$). En fait, c’est le seul pays où je vois un avantage de manger seul; si tu es seul, tu as 1 bouteille de vin incluse… si tu es 2, 3, 4, tu as toujours une seule bouteille d’incluse 😉
P.S. IIIIII – « Est-ce que je suis toujours sur le Camino?!? Je n’ai pas vu de signes depuis un bon moment! ». Cette question, je me la suis posée au moins une fois à tous les jours. Ne vous inquiétez pas, vous ne savez peut-être pas où vous allez, mais le Camino sait toujours où il va.
Instagram @the.longwayhome

Épisode 71 – En Rout… Marche vers Compostelle – PROLOGUE

Un pèlerinage sur le Camino de Santiago est l’une des plus anciennes traditions de la religion catholique. De nos jours, le Camino a transcendé la religion pour devenir un Chemin Spirituel rejoignant des gens de toutes les religions. Vous seriez surpris du nombre de musulmans que j’ai croisé au Moyen Orient qui rêvent de marcher cette route.

Paris – 11 mai 2016

Il faisait un temps de merde et le TGV (Train Grande Vitesse) roulait à vive allure dans la plaine.

À peine sorti d’un long vol en provenance de La Réunion, que j’avais immédiatement sauté dans un train en partance pour le sud-ouest de la France.

Le train était remplis de personnes agés avec leur sac à dos, bâtons de marche et vêtements de randonnée fraichement achetés. Certains n’avaient pas encore retiré les étiquettes. Pas de doute, j’étais en direction du départ du Chemin de Compostelle.

Ma destination… mmm… j’étais encore déchiré entre 2 arrêts; Saint-Jean-Pied-de-Porc et Bayonne.

HISTOIRE DU CHEMIN DE COMPOSTELLE… POUR LES NULS

Commençons par le commencement!

Les dinosaures disparaissent de la surface de la Terre…

Adam et Ève sont chassés du Jardin d’Eden…

Noé sauve une tonne d’animaux d’un ÉNORME déluge…

Les égyptiens construisent des monuments funéraires de formes pyramidales…

Cléopatre prend des bains de lait…

Et puis L’AN 0 arrive…

L’AN 0 marque la naissance d’un bébé naissant dans un berceau, entouré d’animaux et de roi-mages. Le bébé est conçu par une vierge (sans commentaire)…

Environ 30 ans plus tard, ce bébé désormais devenu un homme propage la bonne nouvelle, transforme l’eau en vin, etc.

Il meurt… puis ressuscite… et meurt à nouveau…

Le 12 apôtres qui le suivaient propagent la bonne nouvelle au travers de romans de fiction sans queue ni tête qu’ont appèlent « Bible » et « Ancien Testament »…

Les 12 apôtres meurent à leur tour…

L’empire romain, qui avait pourtant condamné à mort Jésus et pourchassé les chrétiens pour les donner en pâture aux lions, fini par épouser la religion catholique…

La religion prospère un peu partout en Europe…

Les premiers chrétiens, accordant beaucoup d’importance à Rome, Jérusalem et tout endroits rappelant la vie d’un Saint, la mort d’un Martyr ou quelques miracles qui frappent l’imaginaire, entreprennent des pèlerinages… pouvant durer des années… de partout en Europe pour rejoindre ces lieux sacrés.

Autour du 5ème-6ème siècles, l’Empire Romain s’effondre définitivement, laissant le champ libre à l’Église pour exercer le monopole du pouvoir laissé vacant…

Au 7ème siècle, les arabes, menés par leur charismatique prophète Mahomet (Mahomet n’est pas un Dieu… c’est un prophète comme Jésus), s’emparent d’une bonne partie de la Méditerranée et de la Palestine/Jérusalem, bloquant les chemins des pèlerinages traditionnels.

Environ au même moment en Galice, dans le nord de l’Espagne, un moine du nom de Pelayo découvre l’emplacement du tombeau de Saint Jacques le majeur (l’un des 12 apôtres).

Un roi d’Oveido et sa cour font le trajet pour vérifier les dires du moine. Le roi et un évêque concluent que ce sont vraiment les restes de Saint-Jacques!!! Le roi ordonne la construire d’une cathédrale pour y accueillir le tombeau; la basilique de Saint-Jacques de Compostelle voit le jour 100ans plus tard.

Sans le savoir, le roi fut le premier à faire un pèlerinage vers Compostelle. La route qu’il emprunta se nomme aujourd’hui le Camino Primitivo (Chemin Original). J’aurais l’occasion de vous en parler davantage dans quelques jours lorsque je l’emprunterais.

Dès lors, le Pape et l’Église font la promotion de ce nouveau Lieu Saint. Dès le 7ème siècle, de nombreux pèlerins bravent vent et tempête… et brigands… et loups… et guerres… de partout en Europe pour atteindre Compostelle. Marchant sur d’anciennes voies romaines, ces premiers pèlerins tracent les chemins qui sont encore utilisés par les pèlerins aujourd’hui.

L’Espagne, étant alors presque entièrement occupé par les Maures (arabes/musulmans), les pèlerins arpentent principalement une route sur la cote, territoire encore sous le contrôle du royaume chrétien espagnol, pour rejoindre Compostelle. Le Chemin du Nord (communément appelé Camino du Nord, Camino del Norte, Ruta de la Costa) était né.

Pendant les premiers siècles du pèlerinage, le Camino du Nord représente la route principale pour accéder à Compostelle.

Autour du 12ème siècle, avec la reconquête des territoires espagnols par les catholiques, les autorités religieuses firent tout en leur pouvoir pour promouvoir une nouvelle route passant par les territoires fraichement reconquis… une route plus sûr. C’est ainsi qu’était né le Camino Francés (Ruta Interior). Encore aujourd’hui, c’est LA route principale menant vers Compostelle.

Tombé dans l’oubli jusqu’à il y a environ 2 ou 3 décennies, le Camino du Nord regagne tranquillement ses lettres de noblesse. Contrairement au Camino Francès, désormais extrêmement achalandé et relativement plat, le Camino du Nord offre un peu plus de tranquillité, des paysages côtiers sublimes et un parcours accidenté.

C’est tout pour la leçon d’histoire!!!

Pour ceux qui se le demande, j’avais toute ma tête lorsque j’ai écris le texte ci-haut.
J’ai peut-être vexé certains croyants pur et dur. Si oui, pas de dessert et de Paradis pour moi! De toute façon, l’Enfer doit surement être moins chaud que Dubai en été!!!

ET MOI DANS TOUT CELA

Pourquoi ai-je décidé de marcher le chemin de Compostelle?

Quelles sont mes motivations?

Pour des motifs religieux = pas vraiment! Je vais à l’église une fois par année; le 24 décembre au soir… pour recevoir mes cadeaux!

Ce qui m’attire sur le Camino de Santiago est l’histoire qui entoure le Chemin. J’adore l’idée de combiner la randonnée avec l’histoire, 2 de mes passions, de fouler des sentiers arpentés par des milliers de personnes avant moi.

DILEMME

J’étais donc dans le TGV à me poser la question; Saint-Jean-Pied-de-Porc ou Bayonne?!?

Je vous explique…

Séparé par une cinquantaine de kilomètres, Bayonne (sur la cote Atlantique) est le départ pour le Camino du Nord, alors que Saint-Jean-Pied-de-Porc (dans les terres) est le départ du Camino Francés.

J’avais tout d’abord opté pour le Camino Francés.

Or, en lisant sur les Chemins de Compostelle durant les dernières semaines, principalement sur le Camino Francés et le Camino du Nord, j’avais changé mon fusil d’épaule.

Le Camino Francés est très achalandé et offre des paysages beaux, mais sans plus.

Le Camino du Nord, beaucoup moins fréquenté, semble offrir de meilleurs panoramas (montagneux + le long de l’océan Atlantique).

Le hic… j’avais prévu 25 jours pour compléter un Camino Francés sensé prendre 30 jours / 800km (itinéraire fait pour des vieilles jambes).

Avec le Camino del Norte, je me retrouvais à faire en 25 jours (j’ai un vol pour la Corse de déjà booké) un trajet prenant environ 35jours / 880km!

N’empêche… Bayonne ce serait!

J’allais « vaincre » dans la souffrance ou « mourir » en essayant!

On se reparle dans 25 jours pour voir où j’en suis!

Épisode 70 – La Grande Traversée de La Réunion

Jour 1 – UN NOUVEL ESPOIR
25 avril 2016 – 06.00
Mon réveil sonne. 
Pendant une minute je ne sais pas où je suis… phénomène qui arrive souvent quand vous voyagez beaucoup et changez de place fréquemment…
Je suis dans une chambre d’hôtel?!?
Ça me revient! 
La veille en arrivant à St-Denis j’avais décidé de me gâter un me payant une belle chambre. Après 25 jours de cavale à dormir dans les endroits les moins cher, plus souvent qu’autrement dans des dortoirs, et avec 13 jours de randonnée qui m’attendaient, j’avais décidé de me payer un peu de confort; chambre à moi tout seul (oui!!!), bain, douche avec eau chaude, air climatisé, piscine, TV… Le gros luxe quoi…
Tous mes trucs étaient éparpillés sur le lit. La plupart allaient se retrouver dans mon gros sac qui resterait à l’hôtel, tandis que les éléments essentiels pour le trek prendraient la direction de mon petit sac de randonnée. 
J’avais encore en mémoire mon sac beaucoup trop lourd pour le Tour des Cirques (épisode précédent). Tout me semblait essentiel… mais je décidais de faire des économies de bouts de chandelles. Plusieurs bouts de chandelles feraient plusieurs chandelles économisées non?!? 
Trop de bandages dans mon kit médical… Out… 3 sous vêtements au lieu de 5… 1 seule paire de bas au lieu de 3… j’en entend déjà dire ouache… les bas ont 2 cotés non?!?… ça fait comme 2 paires de bas ;-)… imperméable?!? Même quand il ne pleut pas je suis détrempé de sueur… pourquoi je mettrait un imperméable quand il pleut… pour garder la sueur sur mes vêtements?!? Out… Le livre Lonely Planet La Réunion… allez hop je prenais quelques photos des pages importantes sur mon iphone… et puis Out… Mon livre « Le Pèlerinage » de Paulo Cuelho racontant son périple sur le Chemin de Compostelle… ahhh ça je le garde… au moins jusqu’à ce que je le finisse… ensuite Out. 
Au lieu d’un piano, je portais maintenant une boule de quille. Dire que j’avais marché 30 jours au Népal avec un sac léger comme une plume. Il faut croire que je vieillissais et que je devenais capricieux et/ou plus faible. 
Comme à mon habitude juste avant de commencer une aventure un peu folle, mon cerveau essayait de me faire peur en trouvant toutes les raisons inimaginables pour ne PAS entreprendre mon périple. Même après avoir fait bon nombre de trucs stupides, j’ai toujours de gros doutes avant de commencer une nouvelle aventure… c’est dans la nature humaine. J’écoutais ses craintes sans y accorder trop d’importance. 
Par un matin déjà nuageux… je me lançais. Je ne pouvais pas être plus éloigné des montagnes en partant du niveau 0 mètre d’altitude juste à coté du Barachois, l’esplanade de bord de mer de St-Denis. 

  
J’aurais très bien pu opter pour la facilité et prendre un bus pour un peu plus haut, mais dans mon livre à moi ça aurait été tricher. J’allais marcher l’ile au complet dans toute sa longueur de l’océan Indien… jusqu’à l’océan Indien. 
Je traversais St-Denis de long en large pour me rendre jusqu’au début du sentier. Vous auriez dû voir la scène… lundi matin… 1er jour de travail de la semaine… tout le monde habillé en chemise/veston/cravate… et moi habillé en randonneur puant… ça sonnait très drôle dans ma tête. Je me sentais comme dans le film « un indien dans la ville ». 
Peu importe, je continuais mon petit bonhomme de chemin sur la rue principale où se succédaient les beaux bâtiments en bois datant de l’époque coloniale. 

      
La montagne se rapprochait tranquillement mais surement… pour finalement se dresser devant moi. La récréation terminée, il fallait maintenant se mettre au travail… elle n’allait pas se monter toute seule…
Je me trouvais alors à 50m d’altitude… mon gite pour la nuit se trouvait à 1839m… ouch… Durée prévu… 7 heures…
Pour seul guide dès maintenant, et jusqu’à l’autre bout de l’ile, les petits drapeaux du GR R2 (Grande Randonnée Réunion no.2), le numéro du sentier de la Grande Traversée, composés de 2 bandes horizontales; l’une blanche et l’autre rouge. Ceux-ci se trouvaient sur les arbres, roches, etc. dans les sentiers. 
1er objectif, La Brulé, à 5.5km et 750m plus haut, petit village où j’avais repéré une épicerie et où je ferais des provisions. 
Une pluie fine m’accueillait sur le sentier pour faire sur que tout soit bien mouillé et glissant. Heureusement pour moi, le sentier avait une pente très douce… parfaite pour une journée de rodage.
Après quelques kilomètres, le bruit des voitures et de la ville avait fait place au bruit des ruisseaux et des oiseaux. 

                  
Tout au long de ce sentier, je me faisais dépasser par des petits vieux faisant leur exercice matinale. Si vous n’aviez pas encore compris, les gens sont très en forme à La Réunion et tout tourne autour de la randonnée. À ma décharge, ils n’avaient pas à porter une boule de quille. 

      
10.00 pile poil – J’arrivais à La Brulé. J’y étais accueillis par une magnifique forêt de bambou… mais malheureusement pour moi, l’épicerie identifiée sur la carte avait dû fermer boutique il y a une décennie de cela. Je trouvais une petite cabane en bois vendant quelques pacotilles… avec un attroupement d’hommes buvant de la bière… à 10h… un lundi matin… belle vie les gars. Je dis souvent « il est midi à quelque part dans le monde »… mais il y a des limites.
Il faut savoir que ce village était desservi par un bus de ville de St-Denis. Comme la plupart des gens faisant la Grande Traversée, j’aurais très bien pu éviter ce segment de sentier… mais je suis ici pour marcher… autant bien marcher toute la distance. 
Je passais mon chemin. Comme tant d’autres avant, ce petit village allait aussitôt s’effacer de ma mémoire…
De retour sur le sentier, mon nouvel objectif se nommait Camp Mamode à 6km et 600m plus haut.
Je passais dorénavant le plus clair de mon temps à alterner mon regard entre le sentier glissant et le ciel. Je m’étais pris une gigantesque toile avec une toute aussi gigantesque araignée dans la figure un peu plus tôt. N’ayant pas trop aimé l’expérience et ne désirant pas la renouveler, j’avais décidé d’être vigilant. 

Je m’amusais aussi à reprendre ma respiration, me plaindre du point de mon sac… et le plus amusant d’entre tous… mettre un pas devant l’autre. 
Pit stop au Camp Mamode (1200m d’altitude) sous les coups de 11.30. C’était la fin de la route. En d’autres mots, pour ceux qui avaient une voiture et qui était lâches, il était possible de monter jusque là et commencer à marcher par la suite…
J’allais y manger mes magnifiques sardines achetés un peu plus tôt à La Brulé… des sardines sans pain puisque le dépanneur n’en avait plus… un vrai régal… 
Ne me restait alors que 6km et 600m d’ascension. Le paysage avait alors changé du tout au tout. Je me retrouvais dans la jungle… et j’avais des points de vue sur la Cote et l’océan Indien à tout moment. En contrepartie, le sentier était dorénavant hyper glissant et boueux… 

            
Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais à un certain moment lors de cette montée et pour la première fois depuis mon départ de Dubai, j’étais devenu serein. Fini les plaintes à propos du poids de mon sac ou sur l’état de mes jambes. J’étais simplement heureux. Probablement que mon cerveau avait finalement compris que cela ne servait à rien de me lancer toutes ces remarques… j’allais continuer coute que coute.
13.50 – J’arrivais à mon refuge, le Gite de la Roche Écrite… un beau camp en bois rond (pas vraiment rond… mais vous voyez l’idée) à 1839m.

      
Le 1er jour de randonnée était dans la poche. Résultat des courses; 20km de marche, +1839m de dénivelé positif et très peu de descente. Pour la 1ère fois depuis le début de mon voyage, j’avais les jambes et la motivation pour en faire plus… mais j’allais me garder une petite gêne et profiter d’un repos bien mérité.
Il fallait célébrer… 
Garçon! Une bière bien froide SVP!

  
Le soir venu, le repas partagé avec tous les autres randonneurs dormant dans le gite sur une seule grande table fut l’un des moments forts de la journée. Avant la fin du repas, tout le monde avait raconté sa petite histoire et était devenu copain. Il faut savoir que tous les gites fonctionnent comme cela à La Réunion. Les tables individuelles ça divise, alors que les grandes tables ça uni… une idée à répéter ailleurs.

Jour 2 – EN ÉQUILIBRE
26 avril 2016 – 04.00
Le réveil sonne et je n’essai même pas de le snoozer. J’enlève ma couverture et je suis immédiatement prêt à partir en ayant dormi avec tous mes vêtements sur le dos. 
Direction le sommet de la Roche Écrite, 4km et 400m plus haut, pour y admirer le lever du soleil.
Trop confiant après mon ascension de Piton des Neiges de nuit en solo il y a quelques jours (épisode précédent)? Je ne sais pas mais l’ascension de ce matin/nuit était tout sauf amusante. Il n’y avait personne d’autre que moi dans le sentier… et il m’était très difficile de suivre les signes dans la noirceur totale. Il y avait bien sur des traces de peintures blanches… mais elles devaient dater d’il y a au moins une décennie… comprendre qu’elles avaient presque disparues…
En fait, ce n’était pas seulement les marques blanches qui avaient besoin d’entretien… le sentier lui-même avait besoin d’une cure de rajeunissement. La nature y avait repris ses droits et mes bras et jambes y goutaient; égratignure par-ci, écharde par là, etc. 
Tout seul… dans une forêt… en pleine noirceur… le cerveau commence à imaginer des bruits partout… c’est tout le temps dans ces moments là que tu penses à des films d’horreurs. Je ne pouvais pas penser à « Good Morning Vietnam » ou autre classique de la comédie… Non… je pensais au très mauvais film « Blair Witch Project »… vous savez le film où les gens sont poursuivis par des choses dans la forêt en pleine nuit.
Ça y est, je pensais être suivit… 
Calme-toi… rappelle-toi qu’il n’y a pas de prédateurs sur l’ile… que des grenouilles… hehe…
J’atteignais le sommet de la Roche Écrite (2227m) tout juste à temps pour le lever du soleil… gracieuseté du détour que j’avais pris dans un étang avec de l’eau (boue) jusqu’au-dessus des bottes… mon petit doigt me disait que ce n’était pas le sentier…
J’avais le Cirque de Salazie à mes pieds en étant au sommet de la paroi rocheuse le ceinturant. Sans aucun garde fou, l’endroit n’était définitivement pas pour ceux qui avaient peur des hauteurs… 
Quelle vue…

                                  
Le soleil aussitôt levé qu’une course contre la montre s’enclenchait pour être de retour au refuge avant 08.00… et la fin du petit déjeuner. 
J’atteignais le refuge à 07.40… non pas sans avoir accéléré l’allure… et m’être planté d’aplomb dans un buisson juste avant d’arriver. Excès de confiance? Probablement… mon genou gauche allait s’en rappeler pour quelques jours. Au moins cette petite frousse allait me rappeler qu’il ne fallait jamais relâcher sa garde jusqu’à la toute fin. « Être presque arrivé » ne veut pas dire « être arrivé ».
8km en montagne au réveil avec absolument rien dans l’estomac… même pas de l’eau puisque je n’avais pas apporté de bouteille… c’est ce que j’appelle un bon échauffement… ou être stupide…
8.15 – Sous un ciel bleue, je me lançais en direction de Dos D’âne, ma destination du jour, quelques 10km plus loin.

              
Ce qui avait commencé comme une sympathique petite promenade dans la jungle s’était peu à peu transformée en une sorte de « boot camp », à monter et descendre brusquement, se contorsionner pour passer sous des arbres morts, etc. 
La jungle était devenue de moins en moins dense et le paysage s’ouvrait devant moi. Je me retrouvais à marcher sur l’étroite arrête sommitale du rempart rocheux ceinturant le Cirque de Mafate… immédiatement en contrebas sur ma gauche. Cette section de sentier ne pardonnait pas puisqu’un tout petit faux pas me mériterait un allé simple… et très rapide vers le fond du cirque plus de 1000m plus bas. 

                        
Imaginez, je marchais par temps sec et je n’arrêtais pas de me planter… dans les arbustes sur ma droite. Au prix d’une collection de scratchs qui ne faisait que grandir, j’allais au moins survivre à cette journée. Je n’osais imaginer combien dangereux ce sentier pouvait être par temps pluvieux.
Peu importe, la vue était grandiose…
Dans un détour de l’éreintante descente finale, Dos D’Âne sortait de la brume. Avec une multitude de champs, il s’agissait vraisemblablement de l’un des garde-mangers de l’ile. Accessible par la route et tout juste à l’extérieur du Cirque de Mafate, Dos D’Âne agissait aussi comme l’une des principale porte d’entrée dans le cirque de Mafate.

    
12.00 – Complètement exténué après m’être levé à 04.00 et avoir marché 20km, monté +600m et descendu plus de -1200m, je n’étais pas au bout de mes peines. Le gite que j’avais réservé était introuvable… et le village était désert. Après avoir littéralement marché 3 fois le village de bord en bord, j’apercevais un minuscule écriteau qui m’avait jusqu’alors échappé. 
Voilà… j’avais trouvé Le Gite des Acacias. Décrit comme étant un véritable havre de paix par le Lonely Planet, c’est bien la seule chose que je n’y ai pas trouvé. On aurait dit une maison de fous. À partir du moment où je suis arrivé, jusqu’au moment où j’ai fermé les yeux (et encore), le propriétaire des lieux n’a jamais arrêté de parler… parlant très rapidement en créole… je ne comprenais PAS UN MOT. Ajoutez un enfant qui criait tout le temps et une femme qui écoutait l’émission « Top Modèle » (ça existe encore?!?) hyper fort pour enterrer la voix de son mari et vous avez une petite idée de oh combien reposant était mon havre de paix.  
Au moins nous avions une vue imprenable… mais brumeuse… sur la Cote et l’océan Indien en contrebas. 
J’étais le seul à dormir à mon gite ce soir :-(… mais au moins mon hôte m’avait ouvert une bouteille de vin rouge bordelais :-)… incluse dans le prix du souper… que je me faisais une joie de terminer… hic…

      

Jour 3 – TOUT CE QUI DESCEND… DOIT REMONTER
27 avril 2016 – 08.00
C’est avec un petit (gros) mal de crâne que cette journée commençait. N’empêche, beaucoup d’eau, ma boule de quitte encore gluante sur le dos et je prenais la direction de Aurère. 
À peine quitté Dos D’Âne que je rentrais officiellement dans le cirque de Mafate, et du même coup dans la réserve protégée par l’UNESCO. 

Première épreuve de la journée, descendre tout en bas de la vallée jusqu’à la Rivière aux Galets. J’étais assurément le 1er à passer par le sentier depuis un moment puisque je me tapais une tonne de toiles d’araignée dans la figure. Somme toute une descente longue, mais assez facile, comportant tout de même quelques sections nécessitant cordes et échelles.  
  J’étais maintenant à marcher dans le lit de la rivière. Toutes ces montagnes qui paraissaient minuscules hier lorsque je marchais sur l’arrête sommitale, ressemblaient maintenant à des géants insurmontables en étant au plus profond du cirque. 
Après avoir joué au funambule sur des roches glissantes pour traverser la rivière… 1, 2, 3 fois… en manquant prendre une saucette non désirée à quelques reprises, c’était maintenant inévitable… la haute voltige n’était plus possible, je devais me mouiller les pieds… un mal pour un bien si vous voulez mon avis… mes pieds devaient être très content de pouvoir respirer autre chose que la senteur infecte de mes bottes. 

   
   
   
Le sentier ne voulant pas se brancher de quel coté de la rivière il voulait être, je répétais l’expérience 6 autres fois. J’avais joué à « déchausse, mouille, sèche, chausse » 2 fois déjà quand j’ai finalement compris; je n’allais pas remettre mes bottes tant et aussi longtemps que le sentier ne monterait pas dans la montagne… la solution magique se nommait « flip flop ». 

  
Chaque passage dans la rivière était une loterie… le courant était assez fort pour faire chavirer quelqu’un n’étant pas solide sur ses pieds… hop et le pied pouvait partir… et vous vous retrouviez à la flotte… 
11.20 – Je quittais définitivement la rivière pour commencer à monter dans les hauteurs. Mon GPS affichait une altitude de 290m… et je devais me rendre jusqu’à 1000m… avec encore 4.2km à faire…  

   
    
    
   
    
Le sentier à flanc de montagne avait une vue spectaculaire de toute la vallée, de la rivière plus bas et des montagnes environnantes. J’allais devoir me trouver de nouveaux synonymes pour le mot « beau » et vite puisque j’étais seulement au jour 3 de ma randonnée et je commençais déjà à en manquer. 

L’ayant eu relativement facile jusque là, les choses devenaient vraiment sérieuses avec 2 km à faire; il y avait un pan de murs sur ma gauche et celui-ci devait se trouver sous mes pieds avant que j’arrive à destination.
Mon sourire, qui n’avait pas quitté mon visage depuis la rivière, c’était peu à peu transformé en une bouche grande ouverte qui recherchait désespérément de l’air frais. J’avais alors l’impression que toute l’eau que je buvais se retrouvait immédiatement à perler sur mon front ou sur mon chandail.
Il était désormais 13.30 et Aurère était en vue. Perché sur un plateau avec un piton juste à côté et des vallées plongeantes sur tous les autres cotés, mon petit doigt me disait que je n’avais pas fini de monter et descendre… mais bon, c’était pour un autre jour. Je déposais boule de quille sur le coin de mon lit et je me mettais à la recherche des 2 choses que je désirais le plus au monde à ce moment précis; une douche chaude et une bière froide.
Somme toute, la journée avait été relativement facile avec 13km de marche réparti sur 5h30, +900m de monté et -850m de descente. J’avais encore de l’énergie pour continuer, mais ça ne servait à rien de marcher plus longtemps puisque les nuages avaient maintenant recouvert tout le paysage. Au mieux ce serait brumeux, au pire brumeux et pluvieux. De toute façon, avec ce genre de sentier casse-cou, il valait mieux s’arrêter avec encore un peu d’énergie que de pousser trop et…
Un repos allait aussi être bénéfique pour mes blessures de guerres; mon mollet gauche, mon genou droit, ma cheville droite et mon pied droit montraient tous des signes de fatigue évident. 
Aurère était un très charmant petit village. Sans route (il n’y a pas de route dans le Cirque de Mafate… dois-je le rappeler), je ne sais pas comment l’expliquer, mais j’avais l’impression d’être dans « La Conté » du « Seigneur des Anneaux »… le village des hobbits. De la brume, de la musique reggae jouant en sourdine au loin et le bruit des oiseaux… c’était ça la vie… pour aujourd’hui…
Fin de journée après une longue randonnée… je sirotais une bonne bière au « bar » du coin (cabane en bois avec une table dehors)… ok… je l’avoue… j’en étais à ma 2ème… à Aurère… la route la plus près étant à 6 heures de marche… l’un des endroits les plus reculés de La Réunion… elle-même une ile perdue au milieu de nul part dans l’océan Indien…
Qu’est-ce que j’entend?!?
« Caliss de Tabarnak »
Je me dressais sur ma chaise aux aguets… 
NON… pas possible… 
Je me retrouvais nez à nez avec une équipe québécoise en tournage pour l’émission « Port d’attache » sur TV5. Son animatrice, Sophie je-sais-pas-le-nom-de-famille, me racontait le synopsis de l’émission (13 épisodes, 13 iles… Bali, Réunion, Comores, etc.)… je lui racontais mon histoire… 
Elle était complètement jalouse de ma vie… et j’étais hyper jaloux du fait qu’elle soit payée pour voyager…
Comme quoi l’herbe est toujours plus verte chez le voisin…

Jour 4 – BIENVENUE À ZOT
28 Avril 2016 – 07.30
Aujourd’hui je continuais ma découverte du Cirque de Mafate. 
Comme un con, j’avais écouté ce qu’on me recommandais en ce qui concerne les différentes étapes à faire pour boucler la Grande Traversée. Résultat; je me retrouvais à faire une randonnée de seulement 8km aujourd’hui. Toujours regarder le kilométrage entre les différentes étapes avant de booker les refuges/gites. 
Je marchais en forêt aux sons des oiseaux et des multiples points de vue sur les montagnes. Je passais « Ilet à Malheur », un village tout aussi charmant que Aurère, mais dans un cadre plus enchanteur. Ilet à Malheur était un nom créole datant de la colonie et des esclaves en fuite. Cela voulait en fait dire « Il porte malheur », « Ilet » étant un raccourci pour dire « il est ».   

   
 La journée était sans trop d’histoire; j’atteignais le sommet d’une montagne, simplement pour la redescendre de l’autre coté… et ainsi de suite… les canyons se succédaient. 

   
 
    

 

     
  
À 11.30 j’étais arrivé à Grande Place, ma destination du jour. Contrairement à Aurère et Ilet à Malheurs, Grande Place était tout sauf charmant. En fait, il n’y avait pas de village à proprement parlé, que des maisons disposées aléatoirement sur un flanc de montagne.
En revanche, j’avais touché le gros lot avec mon gite « Le Pavillon », un superbe complexe de 4 bâtiments installés sur un promontoir offrant une vue imprenable de la vallée et des montagnes. Le genre d’endroit qu’on ne voulait jamais quitter…
   
 
Au-dessus de l’entrée se trouvait une grosse affiche « Bienvenue à Zot ». 
Zot?!? 
On m’expliquait alors que Zot signifiait « vous/étranger » en créole… cela voulait donc dire « Bienvenue aux étrangers ».
12.00 – Après un snack bien mérité, il n’était pas question de me reposer tout de suite. Je laissais boule de quille se reposer… et sécher… au refuge et partais m’aventurer dans les montagnes environnantes… jusqu’à ce que je me bute à un sentier fermé. Avec la chaleur devenue suffocante, je décidais de couper court et de rentrer sagement au bercail. 
Ce sentier fermé était sensé être celui que j’allais prendre le lendemain. On m’expliquait alors que le sentier n’était plus praticable en raison d’éboulements multiples survenus dans les dernières semaines. J’allais donc devoir trouver un plan B pour le lendemain. 
Le sommaire du jour était donc 10-11km de marche, avec un chiffre conservateur de 700/800m de montée et de descente.
Je passais la fin de journée assis paisiblement sur une roche dans le pâturage juste au-dessus de mon gite. Les 2 chèvres broutant à proximité me faisaient sentir que je n’était pas le bienvenue… mais je m’en foutais… je leur disais « charge moi et je te transforme en ragou »…

     

  

   

J’admirais les montagnes et regardais les nuages quitter tranquillement le cirque alors que la nuit commençait son quart de travail. Je me sentais tout petit devant toute cette grandeur. On raconte que les 3 Cirques de La Réunion (Cilaos, Salazie et Mafate) ont été crée il y a 200 millions d’années lorsque les flancs du volcan Piton des Neiges, alors un volcan actif, se sont effondrés. Si mes notions très sommaire de géologie sont exactes, les cirques sont donc l’ancienne caldeira du volcan.
Contrairement aux Cirques de Salazie et Cilaos, qui sont des vallées entourées de gigantesques parois rocheuses sans véritable montagne dans leur milieu, le Cirque de Mafate est extrêmement accidenté avec de grosses montagnes séparant le Cirque en multiples petites vallées. 

Jour 5 – DÉTOUR… PAR LA ROUTE PANORAMIQUE
29 Avril 2016 – 07.30
Quelques options s’offraient à moi pour la randonnée d’aujourd’hui. Je devais rallier Grande Place, mais le sentier principal était fermé en raison d’éboulements. 
Je choisissais l’option la plus longue, mais qui devait me donner les plus belles vues; j’allais contourner complètement la vallée en longeant la paroi du Cirque. 
Le même refrain que les jours d’avant, j’allais devoir descendre dans le fond d’une vallée pour mieux remonter de l’autre coté…

    

  

  

     

08.30 – Ayant atteint le fond du canyon, mon purgatoire allait commencer. Par une journée sans nuage, je montais une paroi abrupte, interminable et exposée au soleil… sans la moindre zone d’ombre. Avec ces marches en plein soleil, Dieu avait peut-être finalement décidé de me faire pardonner tous mes pêchers… si oui, c’est lui qui allait finir par trouver le temps long…

  
Ajoutez à cela que pour la 1ère fois du voyage, mon iphone m’avait fait une petite frousse en cessant de fonctionner durant une bonne heure. Pour ceux qui ne le savent pas, mon IPhone est comme le ballon Wilson pour Tom Hank dans le film « Seul au Monde »; c’est mon meilleur ami, mon confident (j’y écris tous mes épisodes) et ma mémoire visuelle (je prend toutes mes photos avec). N’ayant pas fait de sauvegarde sur mon Mac depuis le départ, je pensais à tout ce que j’avais perdu. J’étais tellement contrarié que j’avais été hyper bête avec 2 randonneurs que j’avais croisé et qui ne demandaient qu’à piquer une jasette. Heureusement pour moi, il s’est remis à fonctionner comme par magie après un certain temps. C’est si beau l’amour entre un homme et une machine… Ahhhh…
Rangez les violons…
J’en étais où… ahhh oui, à suer toute l’eau de mon corps sur le mur rocheux que certains pouvaient oser appeler « sentier ».
En ayant fini avec mes pêchers, j’étais récompensé en me retrouvant à marcher dans un canyon hyper étroit et… à l’abri du soleil. 
J’atteignais ensuite un étrange petit village du nom de Ilet des Orangers. Cherchant les orangers, je n’y trouvais que des champs de maïs à perte de vue. Il était peut-être temps de rebaptiser l’endroit pour Ilet aux Mais?!?
Le temps mort avait été de courte durée. Je me retrouvais à nouveau avec un mur de tous les cotés devant moi. Mon petit doigt me disait que je n’avais pas fini de monter… et il avait raison. 

      
Je me retrouvais dans un canyon étroit… surnommé La Brèche… avec de grosses roches partout. Mon petit doigt me soufflait à nouveau à l’oreille que toutes ces roches n’étaient pas arrivées là par magie… qu’elles provenaient très vraisemblablement de la paroi au-dessus de ma tête. Je me trouvais hyper chanceux d’avoir un petit doigt aussi intelligent… et j’accélérais le pas.  

Midi pile, j’étais acceuillis au sommet de « La Brèche » (1295m) par un vent glaciale. J’avais une vue en contreplongée sur une bonne partie du Cirque de Mafate. Je pouvais apercevoir la randonnée que j’avais faite durant les 2 derniers jours sur la gauche; Grande Place, Aurère et Ilet à Malheurs, et ma randonnée des 2 prochains jours sur ma droite; Roche Plate, Marla et le Col du Taibit. 

            
Grande Place et les montagnes qui me paraissaient si grandes hier après-midi étaient maintenant toutes petites en-dessous de moi. On pouvait aussi voir les multiples hélicoptères à l’oeuvre à transporter les marchandises jusqu’aux différents villages du Cirque. Je remerciais intérieurement ce sentier fermé entre Grande Place et Roche Plate qui m’avait forcé à prendre ce détour. J’étais sans aucun doute sur le sentier panoramique par excellence du Cirque.
Allez… il n’était pas encore le temps de célébrer. En quelques minutes, la météo était devenue extrêmement instable; le ciel s’était couvert, il pleuvait et je pouvais entendre le tonnerre gronder. N’empêche, ma journée de travail était presque terminée… et l’eau était accueillie en sauveur par mon corps en surchauffe.
À 13.00, j’avais atteint l’épicerie de Roche Plate et la pluie s’était installée pour de bon. Il était grand temps de changer d’activité… à la bière. 
En 5h30, j’avais parcouru 13km, monté +1300m et descendu -800m, pour me situer dorénavant à 1150m d’altitude. 

      
Encore bien tombé, mon gite du jour était avantageusement situé dans les hauteurs de Roche Plate et m’offrait une vue impressionnante sur de tout le Cirque de la terrasse.

Jour 6 – JE N’AI PAS D’IDÉE POUR LE NOM DU JOUR
30 Avril 2016 – 07.30
Ayant pris la poudre d’escampette de mon gite… le repas d’hier avait été infecte, je ne voulais pas goûter à son déjeuner… j’étais déjà sur le sentier à marcher en direction de Marla… le ventre vide, mais les jambes qui ne faisaient pas trop mal (pas trop mal = super).
Sur ma droite…

une gigantesque paroi rocheuse infranchissable… le périmètre du Cirque… je me sentais comme dans « The Maze Runner »… vous savez ce mauvais film où des ados sont dans un labyrinthe géant…

    
Sur ma gauche…

un paysage très accidenté… espérons que le sentier n’aurait pas la mauvaise idée de s’y aventurer…

            
Derrière moi…

il m’était devenu impossible de voir les endroits où j’avais marché les jours précédents.
Devant moi…

j’apercevais Marla tout au fond avec le Col du Taibit au-dessus et le Piton des Neiges sur la gauche.
Sous mes pieds…

un sentier clairement fait de roches volcaniques…
Au-dessus de ma tête…

un ciel bleu avec quelques nuages. Espérons que ceux-ci réussiraient à cacher mon (enn)ami le soleil. 
Dans mon ventre…

absolument rien… 
Dans mes souliers…

vous voulez vraiment le savoir?!? Ok… si vous y tenez. Des bas détrempés sentant le fromage… je ne sais plus trop si c’était le jour « à l’endroit » ou « à l’envers ». 
Bref…
Arrivé au fond de la vallée, je retrouvais à nouveau la rivière aux Galets au site des « Trois Roches ». À cet endroit, la rivière formait des bassins d’eau qui étaient propices à la baignade.

          
10.30 et déjà à mi-chemin de mon parcours du jour, je décidais de prendre des détours pour me ralonger…
Je passais par la mystérieuse « Plaine des Sables »… n’ayant pas de sable… et étant complètement exempte d’arbre au milieu d’une forêt dense. Site d’atterrissage pour vaisseau extraterrestre?!? Ne partez pas en peur, mais peut-être…

    
L’inévitable se produisait finalement… j’arrivais à Marla. Signifiant « beaucoup de monde » en malgache, Marla était de loin le plus gros village de Mafate au sortir de la 2ème Guerre Mondiale… mais était quasiment désert de nos jours.
J’aurais pu croire que Marla signifiait « Là où tombe la pluie » puisque pour une 2ème fois que j’y passais (épisode précédent), une 2ème fois que je j’y étais accueilli par la pluie. Qui sait… peut-être que le Cirque de Mafate pleurait mon départ?
J’avais parcouru 13km, monté +1100m et descendu -550m. 

            
Malgré des paysages moins spectaculaires que tous les autres endroits où j’avais séjoubb yrné dans le Cirque auparavant, je tâchais de m’empreigner de l’ambiance du Cirque une dernière fois. 

Jour 7 – LENDEMAIN DE VEILLE
1 Mai 2016 – 07.30
C’est complètement déshydraté, la tête dans le cul et avec le coeur sur la main que je commençais ma journée de travail.
Dans la catégorie « à ne pas faire » il fallait maintenant ajouter; en virer une au bar du village avec des locaux à coup de shooters de rhum arrangé (le rhum réunionnais… du rhum mélangé avec des fruits; goyave, citron, etc.). Il faut comprendre; c’était samedi soir, il y avait de la musique & de l’ambiance, mon gite était encore une fois désert… et j’avais soif… 

      
Après maintenant 4 jours passés à arpenter tous les recoins du Cirque de Mafate de long en large et de haut en bas, je m’apprêtais à passer (à nouveau) le Col du Taibit pour quitter Mafate et me retrouver dans le Cirque de Cilaos. Le parcours d’aujourd’hui faisait à l’inverse une parti du parcours que j’avais fait lors de ma première journée de randonnée dans les Cirques entre Cilaos et La Nouvelle (épisode précédent). 
08.20 – Moi, boule de quille et mon mal de vivre avions atteint (contre toute attente) le sommet du col de Taibit (2081m) dans un temps record. J’y étais accueillis par une vue magnifique sur le Cirque de Cilaos. Il ne me restait alors que 9km en descente…

    

          

Est-ce que mon sac était moins lourd?!?

Est-ce que j’avais pris des forces en l’espace d’une nuit?!?

Est-ce que c’était l’alcool dans mon sang?!? N’empêche, mon sac était beaucoup plus léger qu’à l’habitude. J’en venais même à penser que j’avais oublié quelque chose… mais tout était là… sauf ma tête.
11.00 – 13km, +550m et -850m après avoir sorti de mon lit ma carcasse imbibée d’alcool, j’étais à monter la dernière marche qui me menait à Cilaos. 
J’allais pouvoir renouer avec la civilisation l’instant d’une demi-journée.

Jour 8 – ASCENSION
2 mai 2016
Je quittais Cilaos aux premières lueurs du soleil… donc vers 08.30. À l’ombre du géant Piton des Neiges, les premiers rayons atteignent Cilaos sur le tard. 
Pas de mal de tête, pas (à peine) d’alcool dans les veines, les jambes aussi fraiches que des jambes peuvent l’être après 7 jours de marche… donc pas très fraiches… j’étais prêt à m’attaquer à la 2ème section de la Grande Traversée. 
Direction la Caverne Dufour… encore…
Premier challenge; m’attaquer au mur que j’avais descendu pour revenir à Cilaos de la Caverne Dufour lors de mon dernier jour de randonnée dans sur le Tour des Cirques (épisode précédent). Je savais que cela ne serait pas de la tarte… mais j’avais la journée pour atteindre ma destination du jour. 
La vue d’aujourd’hui était complètement bouchée par les nuages durant toute l’ascension. Heureusement, j’avais eu le spectacle il y a quelques jours. 

                  
Après une montée soutenue de 10km et +1300m, j’atteignais le gite vers 12.30. Le timing était parfait puisqu’il commençait à tomber des cordes tout juste après. On pouvait voir les rafales de brume qui descendaient la montagne à toute vitesse, apportant avec eux un froid glacial. 
J’avais en tête de monter jusqu’au sommet pour voir le coucher du soleil… mais l’après-midi allait finalement se résumer à se les geler dans le refuge à regarder la pluie tomber.

Jour 9 – JOURNÉE DE MERDE
3 mai 2016 – 06.45
Il y a des jours où on ne veut pas aller travailler… comme il y a de ces jours où on ne veut pas marcher. Aujourd’hui était un jour comme cela. J’aurais aimé passer la journée au lit à écouter des films toute la journée… mais je ne pouvais pas… je devais continuer mon périple.
Il y avait un vent à glacer dans le dos et le soleil se levait à l’horizon. À peine levé que les nuages se mettaient à l’attaque. Ils n’attendraient vraisemblablement pas très longtemps pour recouvrir le ciel d’aujourd’hui. 
Complètement exténué, je quittais le refuge sans avoir monté le Piton des Neiges un seconde fois. 
Pour dire vrai, mon estomac avait pris la décision pour moi. Une nuit blanche passée dans la salle de bain du gite avait cette capacité de convaincre même les hommes les plus déterminés. 
Parti le ventre vide… puisque je ne pouvais rien avaler, j’allais manger 20km plus loin une fois arrivé à destination. 
Après 8 jours passés autour des Cirques, je quittais définitivement les Cirques et le Piton des Neiges pour me diriger vers le Sud de l’ile. Je me retrouvais à marcher dans un paysage composé de toundra vert délavé à perte de vue, sur un sentier extrêmement glissant… qui demandait une concentration de tous les instants pour négocier toutes les roches… concentration que je n’avais pas. 

                
Je décrirais la marche d’aujourd’hui comme marcher sur une patinoire en flip flop… aucune adhérence… avec le pied qui pouvait partir à tous les instants…
Comme si ce n’était déjà pas assez, une pluie diluvienne s’abattait sur moi et ne me quittais plus jusqu’à mon arrivé à destination… 5 heures plus tard. J’étais trempé jusqu’aux os… mais je ne pouvais pas arrêter puisqu’il n’y avait pas d’abri et pas âme qui vivait à des kilomètres à la ronde sur cette partie de l’ile. Mon cerveau pensait constamment à l’imperméable que j’avais retiré de mon sac à la dernière minute à mon départ de St-Denis; « ton imper t’aurais au moins tenu au chaud… »… Shut cerveau… ça ne m’aide pas à avancer… aide-moi plutôt à faire cesser ces dents de claquer de froid… 
Je n’arrêtais pas de me répéter que les mauvaises journées étaient là pour être en mesure d’apprécier les bonnes… mais cela ne suffisait pas. Je voulais cette journée de marche terminée et tout de suite.
J’avais perdu pied une bonne demi-douzaine de fois… à chaque fois mon pied partait, mes yeux devenaient tout rond, mes bras se mettaient à danser… et je reprenais mon équilibre par magie. Le sentier me réservait cependant de nouveaux pièges. On m’avait raconté à Cilaos de faire bien attention à cette section de sentier puisqu’il y avait des trous de boue d’une profondeur pouvant aller jusqu’à 1/2 mètre…
Ma réaction intérieure lorsque la personne m’avait parlé de ces gigantesques trous de boue; « ouais ouais… des trous de boue géant… tu me prends pour un con… »
Eh bien, j’avais dû ravaler mes paroles et donner raison à cette personne au moment où j’ai mis le pied dans l’un de ces trous…
L’effet de surprise fut total… un trou de boue qui ressemblait à tous les autres que j’avais déjà franchis… et puis boum… je me retrouvais avec une demi-jambe toute brune… et j’avais maintenant peur de mettre les pieds sur quelque chose d’autre que des roches…

            
Tic Tac… 08.00, 09.00, 10.00, 11.00… Sentier de merde, température de merde et paysage de merde… pas de doute, c’était une vraie belle journée de merde.
Puis… sans avertissement, la toundra/jungle et les montagnes disparaissaient et je me retrouvais à marcher dans des pâturages. Je marchais désormais entre les ballots de foin et les vaches… vaches qui mâchaient leur foin et semblaient me regarder en se disant « il est vraiment con de marcher sous la pluie… »

  
Puis je me retrouvais à marcher sur le bord de la route avec les voitures qui faisaient tout en leur possible pour ajouter une couche d’eau sur mon corps déjà imbibé en ne ralentissaient pas en passant à coté de moi… 
J’atteignait finalement Bourg Murat sous les coups de 12.30. 
Après une marche de la mort de 5 heures sous la pluie… j’avais décidé de me gâter… en allant manger dans le restaurant le plus en vue du village (mon Guide disait que c’était à ne pas manquer).
Vous auriez du voir la scène; moi, randonneur détrempé et couvert de boue, entrant dans un restaurant huppé… avec des nappes blanches et de la coutellerie en argent sur les tables… et plein de vieux couples qui me regardaient avec des points d’interrogation dans les yeux. Oui moi, le clochard… j’allais manger là. Après tout, il n’était jamais trop tard pour le 1er repas de la journée. J’osais même à prendre les chaises d’une autre table pour faire sécher mes vêtements… hehe.
Comme si tout le monde s’était donné le mot pour me faire passer une journée de merde, le restaurant avait le pire code pour le wifi EVER. Premier wifi que je rencontrais depuis le départ de ma randonnée 9 jours plus tôt, le code était la seule chose qui me séparait d’enfin donner un signe de vie à ma famille… grrrrr…

  
Résultat du jour, j’avais marché 22km, monté seulement +200m et descendu -1000m.
Je me retrouvais à Bourg Murat pour la nuit, petit village sans histoire. Rien ne laissait présager que j’étais à un peu plus de 20km du sommet d’un des volcans les plus actif au monde. 

Jour 10 – LA CONVENTION ANNUELLE DE LA BOUE
4 mai 2016 – 09.00
Jour de célébration… c’est le premier jour où je n’avais pas à mettre de bandage en préparation pour la marche… Hip Hip Hip… un petit pas pour l’homme, mais un très grand pas pour moi. 
Je remettais mes short/t-shirt/bottes encore souillés de la veille… moins hip hip hip… et je reprenais la route.
Nouveau jour, même rengaine; un pas devant l’autre. Direction le Gite du Volcan… par un matin brumeux, mais pas pluvieux…
Je me promenais dans les pâturages encore un bon moment… avec une bonne odeur de merde… avant de m’enfouir à nouveau dans la forêt par un petit sentier sinueux. 

                  
Beaucoup de tortues et le désormais classique des toiles d’araignée dans la figure… mais pas de sangsue… c’était ça l’important. Le défi d’aujourd’hui; éviter les trous de boue. On va le dire franchement; c’était un vrai festival de bouette… la convention annuelle de la bouette… le un sentier était COMPLÈTEMENT défoncé. 

                        
Je n’avais jamais vu ça. J’avançais à pas de tortue dans des champs de boue. Après un certain moment, j’arrêtais d’essayer d’éviter la boue… ça n’avait pas trop bien marché et je m’étais fait mal à marcher dans les buissons sur le coté. J’allais maintenant privilégier la méthode directe… je laverais mes jambes/bas/bottes plus tard…
Les 9 derniers km passaient en coup de vent (un coup de vent très lent) sur un sentier de roches volcaniques… sec.
Le gros désavantage avec la randonnée à La Réunion c’est que tous les panneaux d’indications inscrivent le « Temps » et non la « Distance ». C’est un peut frustrant quand on vous dit 20 minutes et que vous n’êtes toujours pas arrivé après 40 minutes. Le temps est variable selon les personnes, alors que la distance.. c’est la distance. Ils sont con c’est français. 
Non sans être préalablement passé par une étrange plaine aux apparences lunaires, j’arrivais finalement au Gite du Volcan à 15.45.

      
J’avais mis 6h30 à parcourir les 25km, +800m d’ascension et -200m de descente. Encore aujourd’hui, j’avais été tout fin seul sur le sentier. 
Ce soir j’allais être entouré de touristes et non de randonneurs dans un Gite de Montagne pas vraiment gite de montagne puisqu’il était accessible par la route… triste.
Je termine cette journée avec ma montée de lait mensuelle. Vous auriez l’idée de dormir dans un dortoir avec votre nouveau née? 
Non… C’est bien ce que je pensais… 
Eh bien j’avais le plaisir de partager mon dortoir de ce soir avec un couple et leur nouveau née. Tu réserve dans un dortoir de 12 personnes avec ton bébé naissant?!? Ça va pas la tête?!? Le gite offrait des chambres privées… 
Ce qui devait arriver arriva; le bébé allait crier toute la fucking nuit.
… 
Jour 11 – LE PITON DE LA FOURNAISE
5 mai 2016
Pendant 1 seconde au souper d’hier, j’avais pensé me lever à 04.00 du matin pour monter en haut du volcan au lever du soleil… 
Eille chose… tu as déjà vu les 2 plus beaux lever de soleil sur l’ile avec le Piton des Neiges et la Roche Écrite… le volcan n’est pas du tout réputé pour ça… personne ne t’en voudra de rester couché jusqu’à 06.00. Right cerveau… pour une fois tu as raison. 
06.00 – Vent extrême mais vue dégagée…
Je voulais vraiment aller au sommet du volcan avec ce vent à écorner les boeufs? 
J’ai bien dû me poser la question 10 fois… et puis merde… Allez…
06.30 – Après un déjeuner copieux (une première depuis mon départ de Dubai)… je prenais la route du sommet.
À peine marché 15 minutes que je me retrouvais à descendre dans l’immense cratère du volcan… ils appellent cela « l’enclo » ici… les mêmes français qui traduisent en français le titre du film « Hangover » par « Very Bad Trip »… je me répète… mais cons ces français 😉

  
Une fois tout au fond, je marchais en direction de la montagne, sur un ancien océan de lave en fusion désormais figé à jamais dans le temps. On pouvait facilement différencier les différentes coulées de lave. 

              

   

  
J’étais au beau milieu d’un paysage dévasté et je me sentais infiniment petit dans cette mer de chaos… et ne pouvais m’empêcher de penser que de tous les types d’endroits sur Terre, les volcans étaient probablement les pire endroits pour les êtres humains… et que celui-ci… encore actif… était possiblement l’attraction touristique la plus populaire de toute l’ile… 
Une fois la montagne atteinte, il fallait maintenant monter jusqu’au sommet pour y admirer le cratère Dolomieu, point culminant du volcan. 
Le sentier montait en ceinturant la montagne. J’avais commencé à l’intérieur des terres pour me retrouver directement face à l’océan et à la Cote 2500m plus bas… Cote inhabité à cet endroit en raison des coulées de lave encore fréquentes.

                  
08.20 – Je me trouvais juste à bord du cratère Dolomieu à 2512m d’altitude… le coeur d’un des volcans les plus actifs au monde… mon Mordor à moi… en ayant oublié l’anneau.
Aucun doute, c’était la meilleure journée pour monter au Piton. Le vent m’avait fait le plus grand cadeau qui soit; il n’y avait pas 1 seul nuage à l’horizon… phénomène très rare au Piton de la Fournaise. 
En effet, on m’avait souvent raconté que de voir le Piton de la Fournaise était une espèce de loterie peu importe la période de l’année. La matinée n’était pas garante d’un ciel bleue comme dans les Cirques. Beaucoup de gens venaient et se buttaient à un brouillard épais. Il n’y avait pas de recette miracle; il fallait simplement monter jusqu’en haut, lancer les dés et espérer avec une paire de 6.
Je ne pouvais m’empêcher de penser que le volcan donnait une fausse impression de sécurité. Malgré la présence d’une grande quantité de touristes, nous étions sur un volcan actif qui pouvait exploser à tout moment. Il y avait des fumeroles (petites cheminées) qui s’activaient dans le fond du cratère comme pour nous rappeler que le volcan n’était pas éteint. 
On raconte qu’il y a 2 types de volcans actifs; les explosifs (dangereux) et les non explosif (pardonnez les termes non scientifiques). Le Piton de la Fournaise est considéré comme un volcan actif non explosif. Concrètement, il va entrer en éruption, mais seulement de petites coulées de lave à la fois… il n’y aura pas de gigantesques explosions. Par exemple, le Piton de la Fournaise a eu 3 éruptions jusqu’à maintenant en 2016. 
La dernière éruption majeure remonte à 2007. À ce moment là, le Piton était un cône presque parfait, le cratère Dolomieu n’étant qu’un tout petit trou. C’est alors que le volcan s’est effondré sur lui-même… le cratère devenant un gigantesque trou de 1000m de diamètre et 350m de profond… trou où je me trouvais juste à coté. Depuis, la lave a comblé 70m de profondeur. Les experts estiment que le Piton de la Fournaise sera à nouveau un cône dans 100 ou 200ans.
Pour vous montrer à quel point les réunionnais sont con… Lors de chaque éruption du volcan, des gens de partout sur l’ile se ruent autour du volcan pour admirer les coulées de lave. Je vais encore plus loin… la fin de semaine, certains réunionnais vont sur d’anciennes coulées de lave encore chaude… pour se faire des BBQ (ça prend 10ans à de la lave pour se figer complètement). Con, mais con… 
Fin de la section éducative… début de la section « truc stupide »…
Sur un coup de tête (extrêmement con… probablement les français qui dépeignent sur moi), je décidais de descendre sur la paroi (le flanc… pas l’intérieur) du volcan jusqu’à un sommet un peu plus bas. 
Seul, hors sentier, à marcher sur d’anciennes coulées de lave… sur le flanc d’un volcan actif… mon coeur battait à tout rompre. Tout pouvait arriver… je pouvais tomber dans une rivière de magma coulant sous la surface (peu probable, mais possible), etc. J’en avais fait des trucs stupides dans ma vie, mais ça c’était dans les meilleurs…

  
Il y avait pas mal de curieux qui me regardaient. Peut-être attendaient-ils le moment où j’allais disparaitre dans une crevasse…
Finalement tout se passait bien, j’atteignais le petit sommet et je remontais jusqu’au cratère principal sans problème. Une promenade dans le parc comme on dit 🙂
Passé 9.00, le sommet commençait à être rempli de touristes. C’était mon signal pour redescendre. Le sentier était alors devenu une véritable autoroute de touristes. 

            
Passé 10.00, les nuages commencaient à faire leur apparition. Bon nombre de randonneurs n’auraient aucune vue très bientôt… l’avenir appartient à ceux qui se lève tôt…

      
11.30 – J’étais de retour au gite. 
Résultat du jour; 13km de marche, +600m de montée et -400m de descente…
Pour la 1ère fois depuis le départ de la randonnée, j’allais dormir au même endroit 2 soirs de suite. J’allais enfin avoir le temps et les bonnes conditions pour avancer l’écriture de cet épisode. 

Jour 12 – LE VENT DU NORD
6 mai 2016 – 06.45
J’entamais ce matin la descente qui me mènerait éventuellement à ma destination finale; l’océan Indien… à l’extrêmement opposé de St-Denis (mon point de départ il y a 12 jours). Direction le Gite de Basse-Vallée quelques 1800m plus bas… les genoux allaient être mis à rude épreuve…
Je ne le savais pas encore, mais le lever du soleil allait être le seul moment de cette journée où je verrais le soleil. Dame Nature avait décidé de me concocter un petit quelque chose dont elle est la seule à connaitre la recette; un vent extrêmement fort & glacial et du brouillard si sombre et dense que je ne voyais pas à 2 mètres en avant de moi par moment. 
Je marchais un bon moment dans un paysage lunaire où tout se ressemblait à perte de vue… avec de multiples sentiers… pas exactement le genre d’endroit où je voudrais me perdre… il fallait donc redoubler de vigilance… 

          
Je marchais ensuite sur le rempart du cratère dans lequel j’avais marché la veille…

  
Puis plus rien… comme si j’avais perdu l’usage de la vue… tout autour de moi était devenu blanc… j’avais pénétré dans un brouillard qui ne me quitterait plus. Les rafales de vent étaient alors tellement fortes que la plupart des gens seul dans une température comme celle-là auraient rebroussées chemin ou à tout le moins été prises de panique. 

  
  
Pas moi… je me concentrais à suivre les petits drapeaux rouge et blanc du GRR2. Mes seuls moments de panique se produisaient quand je n’apercevais pas de drapeau durant 4-5minutes… et puis j’en apercevais un… et je respirais à nouveau. 
J’étais complètement frigorifié, mais j’avais les pieds au sec et le sentier n’était pas boueux… tout ce qu’il me fallait.
Passé 09.00 je commençais à descendre un pan de mur végétal de 1500m… et la pluie se mettait de la partie. Il n’y en aurait définitivement pas de facile.
Je me retrouvais alors dans une forêt toute verte… même les troncs d’arbre étaient recouverts de lichen couleur vert radioactif. Il devait pleuvoir souvent ici. Le tout donnait à l’endroit des allures de forêt enchantée directement sortie d’un conte pour enfants. À ma plus grande surprise, j’y ai croisé une vingtaine de randonneurs qui montaient… quel réconfort de savoir que je n’étais pas le seul dans ce bourbier.

              
12.30 – Mon calvaire était terminé… J’atteignais mon gite de Basse-Vallée.
Au final, j’avais marché 21km, descendu -1800m et monté +150m. Je me trouvais désormais à 600m au-dessus du niveau de la mer. J’aurais très bien pu boucler les 15 derniers kilomètres dès aujourd’hui… mais j’avais déjà réservé/payé le gite, mes genoux n’avaient aucune envi de descendre -600m de plus et il faisait un temps de cul. Je voulais aussi maximiser mes chances de terminer la randonnée sur une bonne note avec du beau temps à mon arrivé à l’océan Indien.
Anecdote qui va surement être drôle dans quelques mois… mais qui ne l’est toujours pas quelques jours après; je suis arrivé à mon gite vers 12.30… j’ai cogné… pas de réponse… j’ai alors pensé que ce gite était comme les quelques autres gites que j’avais croisé qui ignoraient les randonneurs jusqu’à 15.00 (heure typique d’arrivé) pour ensuite ouvrir leur porte. 
J’ai donc attendu dehors jusqu’à 15.00… en plein milieu du bois… sous la pluie. 
15.00 – Je me met à taper dans la porte… COGNER avec mes poings… crier des injures… je fais le tour du gite… j’essai de rentrer par une fenêtre… rien ne marche. On dirait qu’il n’y a personne à l’intérieur… 
Il est maintenant 15.15… le village le plus près est à 2h de marche. Je peux le faire avant la noirceur… encore drôle si je réussis à me trouver un gite à cette heure si tardive… un vendredi soir…
Je remballe mes affaires et remet mes bottes mouillées… 
Je reprend la route en TABARNAK… j’ai envi de frapper sur tout ce qui bouge…
Je descends la petite route pour aller rejoindre le sentier. J’ai marché 2 minutes dans le sentier quand me vient l’idée d’aller voir à la maison un peu plus bas pour savoir si ils n’auraient pas le numéro du responsable du gite…
Je remonte à la maison… je cogne… une femme m’ouvre…
Moi – « Bonjour, j’ai fait une réservation au gite un peu plus haut… ça fait plus de 2h que j’attends dehors… je crois qu’on m’a oublié… »
Femme – « Ohhh… il fallait venir ici en premier… nous sommes les responsables du gite »…
Moi (avec des éclairs dans les yeux) – « vous êtes en train de me dire que j’attends sous la pluie depuis 2h alors que je devais passer ici pour m’enregistrer avant d’aller au gite? »
Femme – « oui c’est bien ça »
Moi – « Et qu’est-ce qui pouvait m’indiquer que je devais venir ici avant d’aller au gite?!? Ça ne vous tente pas de mettre une indication en avant du gite?!? »
Femme – « vous n’êtes pas le premier à qui ça arrive… »
Moi – (j’ai arrêté la discussion là sinon j’allais la frapper sous peu)
CR!SS de C@NNE… Excusez-là… ça aide à faire passer le morceau…
Ajoutez à cela qu’ayant mal planifié mon budget… ou bu trop de bières en chemin… je n’avais plus assez d’argent pour me payer le repas du soir :-(… Je devrais me contenter d’un déjeuner le lendemain matin. 

Jour 13 – LA DESCENTE D’HONNEUR
7 mai 2016 – 08.30
Par un ciel stable, je descendais dans une forêt noire… mais je pouvais apercevoir l’océan par le feuillage et entendre la bruit des vagues frapper le rivage. J’y étais presque…
10.15 – 15km et -600m de descente… mais surtout après 13 jours de marche… j’atteignais l’océan à nouveau. Cette fois c’était vrai; la FIN. J’avais gagné mon pari en attendant une journée pour finir; il faisait beau soleil.
Il n’y avait pas de panneau « Félicitation vous avez terminé la Grande Traversée GRR2″… non… un simple stationnement… et maintenant la vie devait continuer… je faisais quoi avant de marcher en montagne?!?

ÉPILOGUE
Ma Grande Traversée est dorénavant chose du passé. 
J’avais commencé le trek avec une forme physique suspecte et je le terminais en possession de tous mes moyens.
J’aurais facilement pu retrancher 3 ou 4 jours à la randonnée, mais chaque endroit où j’avais séjourné était spécial. Cela m’avait aussi permis de faire un tour complet et profiter à fond des paysages à couper le souffle… non pas simplement passer en coup de vent comme la plupart des randonneurs font. 
La Réunion était en quelque sorte l’échauffement de mon voyage. Je voulais éviter toute blessure inutile avant d’enligner coup sur coup le Chemin de Compostelle et le GR20 en Corse. 
Passer autant de temps dans les montagnes loin d’internet, de la télévision, etc. m’a aussi permis de me mettre en symbiose avec la nature et de considérablement ralentir mon rythme de vie. Auparavant basé sur la performance, à essayer d’en faire toujours plus avec le moins de temps possible… je profite maintenant du moment présent un point c’est tout. Fini les écouteurs en permanence sur les oreilles comme à Dubai, je prends maintenant le temps de regarder, écouter et sentir mon environnement immédiat. 
Une fois qu’on se libère du carcan que la société a bâti pour nous emprisonner jours après jours, on commence à profiter à fond de la vie 7jours sur 7. Le travail n’est pas la vie. Le travail est une invention du 21ème siècle… une nouvelle sorte d’esclavage… où les gens monnayent leur temps en échange de 1 ou 2 journée de congé par semaine.
Je ne suis pas le plus fort, ni le plus intelligent, je suis même assez stupide… mais j’ai beaucoup de détermination. Comme mon directeur à Dubai se plaisait à me dire; « you are a free spirit (tu es un esprit libre) ». Je n’ai que faire des principes établis. Comme Néo dans la Matrice, j’ai réussi à me libérer de ces chaines invisibles qui me retenaient prisonniers.
Bon… je commence à divaguer encore une fois… il est temps de conclure…
Je passe quelques jours sur la Cote pour me reposer et ensuite je met le cap sur l’Europe. 
Je serais vraisemblablement dans les Pays Basque (Espagne) lors de notre prochaine discussion. 

P.S. I – Sur la Cote comme dans le Centre de l’ile, la grande majorité des maisons ont de panneaux solaires pour s’alimenter en électricité.  
P.S. II – kékette… non je ne parle pas de ma 3ème jambe… je parle plutôt d’une bière locale… le slogan est « I love Kékette »… Les réunionnais ont un sens de l’humour tordu… j’adore…

P.S.III – Vous prendriez un bus dont le nom de la compagnie esr Marde
P.S. IIII – Budgéter une randonnée à La Réunion;
Tout d’abord, il fait savoir qu’une randonnée ici n’est pas pour les pauvres.
– Il est interdit de camper presque partout… mais beaucoup le font quand même,

– 20 euros pour un lit dans un dortoir en gite, 

– 20 euros pour un souper copieux en gite,

– 6-7 euros pour un déjeuner hyper basic,

– 5 à 10 euros pour le lunch et les fringales,
Il y aurait toujours moyen de réduire à 5-6 euros le prix du souper en mangeant des trucs en boite de conserve, mais je vous le déconseille. Vous manqueriez alors l’un des moments les plus intéressants de votre randonnée; le souper autour d’une même table avec tous les randonneurs et l’hôte du gite.